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récit, de chaleur communicative et d'intérêt animé. Au reste, dans le faux comme dans le vrai, il est curieux d'observer combien l'instinct de Mercier le dirigeait dans les voies de l'avenir. Ce jeune homme d'origine mystérieuse et dont le grand cœur triomphe du destin, ce philosophe précoce, enthousiaste et solennel, quelle nombreuse lignée d'amoureux romantiques, sensibles et inspirés, il aura pour petits-neveux ! Et cette religion de l'amour, ce culte étrange que la pauvre âme humaine aveuglée rend à la plus arbitraire et à la plus tyrannique des forces qui l'oppriment, cette fureur de glorifier son mal et de s'honorer si haut en lui, ne la reconnaît-on point ici, l'inspiration de toute la littérature de 1830, le principe premier de tant d'éloquence et de tant de divagation? Enfin, jusque dans un détail significatif, le mari héroïque s'immolant aux sublimes amours de sa femme, n'est-il point surprenant de voir Mercier devancer le délire de sensibilité d'une George Sand, le paradoxe fameux qui dénouera, non sans scandale, le roman de Jacques? Que cette portion du patrimoine romantique, sur laquelle il aurait ainsi des prétentions antérieures à élever, soit de nature à lui faire un fort grand honneur, ce n'est pas ce que je prétends. Mais il est digne de remarque, en vérité, que chez cet héritier de l'abbé Prévost, le sentiment prête à l'invention romanesque des accents qui ont le son de l'avenir. Entre le xvIIe siècle et la génération des George Sand et des Musset, ce n'est pas un des moindres signes d'une filiation qu'à première vue tant de différences apparentes s'accorderaient à démentir. Pour se faire, au total, une idée complète de la nature de Mercier, rien de plus instructif, de plus expressif, que de reconnaître dans les transports de fièvre de 1830 le terme logique où aboutit l'intempérance de sa sensibilité et, si j'ose m'exprimer ainsi, son authentique préromantisme. Comme au théâtre, on le voit, c'est la passion de servir l'humanité qui altère en lui la notion exacte de cette humanité, qui égare des facultés lucides dont tant de vues originales, tant de pénétration critique, nous ont fourni la preuve. A coup sûr, dans Jezennemours, rien ne rappelle le malicieux historien d'Izerben, poète arabe, et rien ne trahit l'observateur de la réalité, le peintre des mœurs que le Tableau de Paris va nous montrer à l'œuvre.

CHAPITRE VI

Mercier en Suisse. Le Tableau de Paris.

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observateur des mœurs. Le Parallèle de Paris et de Londres.

I. Mésaventure de l'abbé Raynal.

Première publication du Tableau

de Paris. Mercier juge plus prudent d'aller écrire outre frontière.

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II. Le Tableau de Paris. Intention philanthropique du livre. — Originalité de la tentative. Aptitude particulière à l'entreprendre : goût de l'observation et sympathie dans la curiosité. Mercier a pour son temps un faible déclaré et pour son pays la passion la plus tendre. Image enthousiaste qu'il trace du Parisien cultivé. L'esprit de réforme ne fait donc pas tort à l'attention bienveillante l'un et l'autre garantissent le zèle de l'enquête. Dons variés que cet ouvrage manifeste.

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III. Transports d'imagination poétique à considérer la grande ville et ses destinées. Frémissantes visions d'avenir et pieuse contemplation du passé. — Attrait des vieilles légendes. — L'histoire à travers les rues.

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IV. La joie de vivre, Esprit philosophique et front morose ne vont point de pair en ce siècle. — Mercier badaud avec délices. Attention aux minuties, application à les décrire : c'est du nouveau et qui sera fécond. Combien il aime le pavé de Paris. Promeneur amusé et attendri. La lecture des affiches. Le tumulte et le danger des voitures. Le vendeur de tisane et le montreur de verres

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V. Psychologie du Parisien. - Léger, prompt à s'engouer, versatile.

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- Amour-propre naïf, ignorance de l'étranger, crédulité. tion devient triste.

La na

Insouciance et inertie en matière politique.

Entretenues, d'ailleurs, et presque justifiées par une autorité débonnaire.

VI. Traits en action du caractère parisien. - Mercier curieux des plaisirs populaires. L'embarquement pour Saint-Cloud. La SaintLouis. - La cavalcade des huissiers. Le Suisse de la rue aux Ours. Ce qu'on voyait à la Sainte-Chapelle dans la nuit du jeudi au vendredi saint. Spectacles extraordinaires : le Feu de la Paix en 1763; l'ascension de l'aérostat monté par Charles et Robert (1783). - Mercier sur le passage des grands de la terre. - Moindres passetemps. Le Jardin de l'Infante. L'Enclos des Chartreux. quartier du Marais. Coup d'œil sur un couvent de femmes.

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Le

Quelques types crayonnés au hasard de la rencontre. · Une audience ministérielle.

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Entre

VII. Le paradis des curieux. · Entretiens du Palais-Royal. tiens des Tuileries. Modes significatives qui annoncent un notable changement dans les mœurs. L'habit noir. La canne remplace l'épée. L'anglomanie. - Premières atteintes qu'elle porte à la politesse des mœurs.

-

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VIII. La vie de société renseignements inestimables que le Tableau nous fournit. Malgré le légitime renom qu'elle a laissé, elle a ses imperfections, les unes plus récentes, les autres plus anciennes. Banalité croissante dans les relations. Esprits et propos médiocres. Quelques types de PariLe langage en vogue: excessif dans les termes, - L'ironie, âme de nos discours. -- Pas d'opiTrop d'esprit, trop de facilité on justifie Perplexités de Mercier.

Portraits peu flattés: fats du temps.

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IX. Certes cette société a ses plaies. Les femmes et le mariage : noblesse et gens de finance; le mauvais exemple gagne la bourgeoiL'adultère. Les séparations. Vie conjugale de pure façade. Le célibat en faveur.

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X. Justes éloges qu'il faut, en revanche, accorder à cette société. — La civilité a cessé d'être le partage d'une élite. Elle est presque une

vertu.

Adoucissement qu'elle apporte aux mœurs. Lieux de

choix où elle brille dans sa fleur.

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Elle est tout de bon une vertu. Perfection de l'hospitalité. Pratique incomparable de l'amitié. - L'amour à l'état tempéré que s'il y fallait voir un trait propre à ce siècle, ce serait donc plutôt le cas de l'en louer. Sur la fameuse immoralité tant reprochée au XVIe siècle. Sur les classes plus modestes de la société.

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XI. Richesse et misère. La puissance de l'argent. jouir : agiotage, usure, placements à fonds perdus. les pauvres dureté de leur sort, difficulté de vivre. mer les cruels excès de l'inégalité, Mercier réclame une tribune publique aux harangues, des censeurs des mœurs, des lois somptuaires même une limitation légale de la propriété. Les remèdes empi

riques ne lui font pas peur non plus; il prend la défense du jeu, de la loterie. Rôle providentiel des prodigues.

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XII. La bienfaisance et ses merveilles. La Société Philanthropique. - La charité chez les femmes. L'art de quêter. - Fondations géLa sollicitude de l'administration n'est pas non plus en Moyens de défense contre l'incendie. - Secours aux blessés. Progrès de la salubrité, de l'hygiène publiques. — Un préHeureux signes d'achemine

néreuses. défaut.

curseur de Mercier Raoul Spifame.

ment vers l'an 2440.

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XIII. Idées et institutions religieuses. sympathie qui anime Mercier.

qu'il réclame, le philosophe garde un ton mesuré. festes de la tolérance.

-

Progrès mani

Elle touche de bien près à l'insouciance. C'est plus que Mercier ne demande. Indices plus rassurants qui attestent la persistance du sentiment religieux.

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Le respect, d'ail

leurs, ne fait pas tort, chez Mercier, à l'indépendance des appréciations.

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finements de l'espionnage.

secret des lettres.

Pouvoirs exorbitants du lieutenant de police.

Régime de terreur qui pèse sur les prostituées et les mendiants. · Une visite au donjon de Vincennes.

XV. Contre-partie. Les mauvais principes ne produisent pas la totalité de leurs effets. On a beau jeu, d'ailleurs, à reprendre les excès de l'autorité sa tâche est-elle donc si facile? Il y a des moyens sommaires qui ne laissent pas d'être bienfaisants : ainsi, en mainte occasion, des lettres de cachet elles-mêmes. Bon vouloir manifeste de ceux qui gouvernent. — Améliorations notables et multipliées. - L'auteur achève son livre sur des paroles de foi et d'espoir.

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XVI. Jugement sur le Tableau. - Confiance excessive, nul soupçon des catastrophes imminentes. Cet aveuglement est un trait commun à toute la génération que Mercier a voulu peindre. Heureux concours de qualités qui lui a permis de composer cet ouvrage. D'autre part, la confusion, la précipitation et les défaillances de style qu'elle entraîne étaient presque inséparables d'un labeur si exigeant. - Prédécesseurs de Mercier. Ils n'ont, les uns ou les autres, accompli que des parcelles diverses de la tâche remplie par lui en totalité. - Accueil que le Tableau obtint de l'étranger. trateur du Tableau: Dunker. Le Tableau plagié. Courrier de l'Europe et du Journat de Neuchâtel. journaux de Paris. Mauvais vouloir des critiques parisiens. - Il ne saurait nous dissimuler l'importance réelle que l'opinion publique

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reconnut à l'œuvre de Mercier. Toute une littérature en procède. Caractère unique du Tableau, tant au regard des imitateurs qu'à celui des prédécesseurs.

XVII. Projet d'un Tableau de la France, d'un Tableau de Versailles. Surtout, en regard de la société française, Mercier est possédé du désir d'en peindre une autre qui lui serve de modèle, la société anglaise, objet de toutes ses admirations. I aspire ardemment à l'alliance des deux nations. - Cette opinion, peu populaire, a d'ailleurs ses partisans. Communications croissantes entre les deux peuples. Le Courrier de l'Europe. Les Annales de Linguet. Echange de modes et d'usages. Le chevalier Rutlidge.

XVIII. Mercier a exécuté son dessein: un parallèle de Paris et de
Londres inédit subsiste parmi ses papiers.
Date du voyage.

Dessein de l'ouvrage; limites où l'auteur entend le contenir. cunes regrettables.

La

XIX. La traversée rencontre plaisante. - Opiniâtres més intelligences des deux peuples. - Raisons politiques et religieuses de leurs mutuelles préventions. — L'aspect de Londres comparé à celui de Paris. - Témoignages moins favorables d'autres observateurs le peuple à Londres a davantage l'apparence de la pauvreté; plus d'initiative et de goût chez le travailleur français que chez l'anglais. - Humeur insoumise du peuple de Londres: Mercier en tire l'indice d'une volonté plus consciente d'elle-même. — L'office religieux à Paris et à Londres. L'emploi du dimanche. L'appareil de la royauté. Le pouvoir ministériel. Les formes judiciaires.

Le choix des professions.

XX. L'autorité paternelle La liberté de tester. L'éducation des enfants. La liberté d'opinion. - L'esprit de décision, d'entreprise, l'habitude de délibérer en commun, les clubs. Philanthropie raisonnée et agissante : hôpitaux, maisons de fous, prisons. Commodité, salubrité des logis. transport. Comment on fait emplette à Londres. Les théâtres. Les plaisirs populaires. Le Vauxhall. La nourriture.

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XXI. Jugement sur le Parallèle. - Partialité systématique de Mercier. - Rançon de certaines supériorités attribuées au peuple de Londres. La vie commune plus douce à Paris qu'à Londres: témoignage de Rutlidge. Ce que les mœurs anglaises retiennent de brutalité. L'action de la femme ne s'y est pas exercée comme chez nous pour les adoucir. Le souvenir que Moore emporte des Françaises ne tourne pas à l'avantage des femmes de son pays. L'inégalité des rangs a, en France, des compensations qui frappent les étrangers : telle, la place que tiennent les gens de lettres dans nos sociétés. Enthousiasme des Français pour la couronne, la cour; plus de sangfroid, selon Mercier, convient à la juste fierté des Anglais qui se sentent des hommes libres; mais le travers reproché aux Français n'est, après tout, que l'expression, et très fervente, de leur sentiment national. La réalité des choses plus accommodante que les prin

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