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CHAPITRE I

Origines et premières années de Mercier. - Influences subies. - Premiers signes de vocation et premières œuvres. Mercier et Rousseau.

I. Naissance de Sébastien Mercier.

quai de l'École.

André.

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Tendresse de Sébastien pour son frère Charles

Les années d'enfance.

M. Cupis, maître à danser.

La pension Toquet. Le collège. Mercier, grand dévoreur de Au parterre de la Comédie-Française. Le Café Procope. Discussions passionnées. — Hérétique en littérature.

livres.

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Mercier et l'abbé Prévost. Le Amour de la nature. Début dans les lettres. Professeur à Bordeaux.

La fureur des héroïdes.

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Le Bonheur des gens de lettres.

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Nouveaux

L'esprit de sa vocation

Haute idée qu'il conçoit de l'état d'écrivain.

III. Influence profonde de J.-J. Rousseau.

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la lecture de la Nouvelle-Héloïse jette Mercier. Il écrit une lettre finale qui en complète le dénouement à son gré. se met à la littérature anglaise. Mercier quitte l'enseignement.

Vain projet de voyage en Russie.

Tout aux lettres tendances contraires entre lesquelles son esprit

se partage. Le discours sur la Lecture.

IV. L'Histoire d'Izerben, poète arabe.

Talent satirique de Mercier.

Parallèle significatif de Voltaire et de Rousseau. L'ivresse de

la sensibilité. La théorie de l'attendrissement.

vailler au bonheur de l'espèce humaine.

Passion de tra

V. Les éloges académiques. Mercier se met sur les rangs.

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Tout le dessein de son œuvre

future s'esquisse déjà dans les premiers écrits de Mercier. caractère de l'homme. Ame simple, robuste et croyante.

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aime la vie et en jouit franchement. Amour du travail, génie ca

pricieux.

VIII. Silhouettes de contemporains. Les deux Rameau.

Maury.

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- Diderot;

Amitié étroite entre Mercier et Crébillon fils. le chimiste Rouelle. Profond souvenir que Mercier a gardé de leur parole. Thomas.

La chimie le remplit d'enthousiasme.
Mercier et Letourneur..

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Mercier et

Mercier et J.-J. Rousseau.

I

Louis-Sébastien Mercier naquit le 6 juin 17401, à Paris, sur le quai de l'École, où son père, Jean-Louis Mercier, tenait boutique de marchand fourbisseur, à la Garde d'or et d'argent'; et il ne s'en souvenait pas sans quelque orgueil, témoin un brouillon de vers où, après avoir reproché justement au poète J.-B. Rousseau son impiété de fils, il s'écrie: Démosthène, je crois, était fils d'armurier,

puis il ajoute en marge: « Et moi aussi », et termine par cette fière exclamation:

Mon nom est très commun mais je rime en acier.

On ne s'attendait guère au rapprochement des deux noms de Démosthène et de Mercier, mais il faut avouer que la même industrie paternelle paraît les avoir singulièrement prédestinés, l'un et l'autre, à l'humeur la plus militante.

Le fourbisseur', Jean-Louis Mercier, était en crédit parmi ses pairs en 1729, on l'avait revêtu de la charge de

1. Il fut baptisé le 8 juin à Saint-Germain-l'Auxerrois par le curé de la paroisse, cet abbé Chapeau à qui il a fait plus tard une place dans le Tableau de Paris. Le parrain était Sébastien Maréchal ou Marchal, cousin par alliance de Jean-Louis, et la marraine, la veuve Lemaire, née Tampon, bisaïeule du nouveau-né.

2. Tous les renseignements qui suivent sur la famille de Mercier sont empruntés à des actes notariés dont j'ai dû la communication à l'obligeance du regretté M. Duca.

3. Il était Messin d'origine : une vague tradition de famille le faisait descendre par filiation naturelle du duc de Vendôme, et par conséquent d'Henri IV.

juré et garde de la communauté. La mère du nouveau-né, Elisabeth-Andrée Le Pas, fille de feu Martin Le Pas; en son vivant, maître maçon, appartenait à la même classe d'artisans solides et prospères. Jean-Louis, veuf d'une première femme, Claude Galloy, l'avait épousée en secondes noces. Dans leur contrat de mariage dressé le 24 août 1739, il figure comme un homme notable dans sa corporation, possédant argent comptant, meubles et marchandises. De son côté, la future est héritière d'une aisance assez ronde. Il lui vient du défunt Le Pas, son père, de bons biens consistant en maisons à Paris et en valables créances. En cette occasion, les deux conjoints sont assistés de parents et amis de fort honnête condition, gens de loi ou maîtres marchands: autour du mari, Sébastien Maréchal, receveur des domaines et bois de la généralité de Metz, son cousin par alliance, M. Jacquin, curé de St Sauveur, à Paris, le s Mahuet, orfèvre; auprès d'Elisabeth-Andrée, se présentent RochAugustin Le Maire, avocat au Parlement, Pierre Charpentier, entrepreneur de bâtiments, ses oncles maternels, J.-B. Goupy, également entrepreneur, son beau-frère, M. Billet, curé de Chantilly.

L'union ne fut pas de longue durée. Sébastien était le premier-né, après lui vint Charles-André, puis Jean-Baptiste qui mourut au berceau et ne nous est connu que par le relevé des frais de son enterrement. Le 30 juillet 1743, moins de quatre ans après la célébration de son mariage, Jean-Louis Mercier restait veuf pour la seconde fois, avec deux enfants en bas âge. Dans l'intérêt des mineurs, il fallut procéder à un inventaire des biens, meubles, marchandises qu'on trouva au logis. Ce document nous fournit de curieux détails sur l'état de maison d'un commerçant aisé du temps. Il s'y trouve bien des objets de parure et de luxe : robes de femme en taffetas, en damas, en moire, dentelles, quelques bijoux, et surtout de l'argenterie, flambeaux, écuelle, pot à eau d'argent, en plus grande quantité qu'on ne s'y attendrait dans le ménage d'un armurier. En revanche, l'inventaire nous révèle, sous d'autres rapports et qui sembleraient plus essentiels, une simplicité excessive. Deux chambres, pas plus, une par étage c'était, sans doute, une de ces maisons tout en hauteur, à façade étroite et pignon aigu, comme il s'en rencontre précisément encore une

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sur la

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place de l'École, et ces deux chambres servaient à toutes fins, à manger et à dormir. Peu de meubles, au reste, et fort communs. Je n'y vois, en fait de table, qu'une table de jeu. Quant à la cuisine, c'était une petite soupente, pratiquée dans l'escalier.

Telle nous apparaît la demeure de Mercier. Elle ne laisse pas d'avoir sa signification. Comme l'état civil de ses habitants, elle est mitoyenne entre deux degrés du Tiers. L'aisance montante y amène quelque superflu, mais la frugalité originelle s'y marque encore par la pénurie du nécessaire. Jetant ses assises en plein terroir de peuple, atteignant du faîte à mi-côte de la bourgeoisie, c'était au demeurant un bon observatoire pour apprendre à regarder Paris que cette vieille maison du quai de l'École où s'écoula l'enfance du futur auteur du Tableau.

Sur le foyer de famille où il grandit nous avons fort peu de renseignements. De sa mère1, qui l'avait laissé orphelin à trois ans, il est naturel que la trace soit perdue, mais le fourbisseur vécut jusqu'au 19 mars 1769. Des actes notariés nous apprennent qu'ayant encore repris femme, il donna à ses deux fils une belle-mère, Charlotte Spol, et une sœur consanguine, Anne-Charlotte. Ni de l'une ni de l'autre, Sébastien ne dit mot nulle part; à son père lui même c'est à peine s'il fait allusion. Un tel silence gardé sur les siens a lieu de nous surprendre. Il ne saurait être le fait d'une pudique réserve chez un homme qui, toute sa vie, a cédé à la démangeaison de consigner dans des articles de journaux, des préfaces, des chapitres du Tableau de Paris, des notes mises au bas des pages de ses livres, une foule de détails personnels et souvent sans rapport avec l'objet de ses écrits. C'est même à ce penchant indiscret que le biographe doit les principales contributions à l'histoire de sa vie.

Mais sur l'intérieur du logis paternel rien ne transpire. Tout ce que nous savons de ses sentiments de famille, c'est qu'une tendre amitié l'unit à son frère Charles-André. Dans la dédicace qu'il lui fit en 1773 de son Nouvel Essai sur l'Art dramatique, il exhale ses sentiments avec l'emphase

1. Un portrait, d'auteur inconnu, que possède M. Roger Duca, nous a conservé les traits de sa trisaïeule. C'est une jolie physionomie, gracieuse et touchante. Les beaux atours, ceux qui figurent dans l'inventaire, sembleraient, je le répète, annoncer une condition plus relevée.

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