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Si masqué qu'il soit par une guérite des plus gênantes, on peut voir encore aujourd'hui le mètre de marbre qui est scellé à hauteur d'homme dans le mur des communs du Petit-Luxembourg, à droite de la porte cochère du n° 36 de la rue de Vaugirard. Nous voudrions, en nous servant de documents conservés aux Archives nationales, consacrer quelques lignes à l'installation de ce mètre de marbre.

Mais il nous paraît bon de rappeler tout d'abord les principales phases, pendant la Révolution, de l'établissement du système métrique (1).

Neuf années s'écoulèrent entre le jour où l'Assemblée

(1) Le système métrique a été rendu définitivement obligatoire à partir du 1er janvier 1840 en vertu de la loi du 4 juillet 1837. - Il ne faut pas oublier cependant qu'aujourd'hui encore la vitesse des navires s'exprime en næuds, le poids des diamants en carats, celui des perles très petites employées par la broderie en onces, et la grosseur des caractères d'imprimerie en points.

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constituante, s'inspirant d'une motion antérieure de Talleyrand (1) et sur le rapport du marquis de Bonnay, député du Nivernais, en date du 6 mai 1790, adopta le principe de l'uniformité des poids et mesures pour lesquels l'Académie des sciences devait trouver une unité naturelle (8 mai 1790) (2), et le jour où l'Institut national des sciences et des arts vint offrir au Corps législatif les étalons prototypes en platine du mètre et du kilogramme (4 messidor an VII = 22 juin 1799) (3). Neuf années,

(1) Proposition faite à l'Assemblée nationale sur les poids et mesures par M. l'évêque d'Autun. — A Paris, de l'Imprimerie nationale, 1790, voy. Archives nationales, AD VIII. 36. Pour la création du système métrique pendant la Révolution, voy. Eugène Despois : Le vandalisme révolutionnaire. Fondations littéraires, scientifiques et artistiques de la Convention, 5e édition, Paris, Alcan, 1897, in-8°, p. 257-261; G. Pouchet: Les sciences pendant la Terreur... ... avec notes et corrections par J. Guillaume (Société de l'histoire de la Révolution française), Paris, 1896, in-8°, p. 37-39, et J. Guillaume : Procès-verbaux du Comité d'instruction publique de la Convention nationale (collection des Documents inédits). Paris, Imprimerie nationale, M DCCC XCIV M DCCCCI, t. II, p. 10, 11, 14-20, 241, 372, 385-387, 637-638, 822; III, 247; IV, 1013.

...

(2) Archives nationales, AD VIII. 36. Ce décret de la Constituante du 8 mai 1790 ne fut sanctionné par Louis XVI que le 22 août suivant. (3) Au bureau de l'Institut national des sciences et des arts, composé de Laplace, de Lefèvre-Gineau et de Mongez, s'étaient joints naturellement Méchain et Delambre, puis les membres nationaux et étrangers de la Commission des poids et mesures, qui avaient été chargés d'examiner dans le plus grand détail toutes les observations et de refaire tous les calculs de Méchain et de Delambre. Les membres nationaux appartenaient tous à l'Institut. Les membres étrangers étaient des délégués officiels de leurs gouvernements étaient représentés l'Espagne, la Toscane, le Piémont, les Républiques Ligurienne, Cisalpine, Helvétique et Batave. L'Institut avait également invité les artistes attachés à la Commission des poids et mesures, Fortin et Lenoir, à faire partie de la députation près le Corps législatif. Les deux étalons en platine successivement présentés aux deux Conseils, Camus, archiviste de la République, les reçut et les renferma sur le champ dans la « double armoire en fer fermant à quatre clefs ». Destinée primitivement à recevoir les poinçons, les matrices, les planches et le papier nécessaires à la fabrication des assignats (voy. Procès-verbal de l'Assemblée natio

c'est relativement peu, si l'on songe aux difficultés de toute sorte qu'il fallut vaincre pour aboutir à ce résultat (1)! La Constituante adoptait le 26 mars 1791 (2), sur le rapport de l'Académie des sciences du 19 mars précédent (3), la grandeur du quart du méridien terrestre pour base du nouveau système de mesure, l'unité usuelle devant être représentée par la dix-millionième partie du quart du méridien. La conception était digne des savants qui l'exprimèrent avec autant de simplicité que de force. Le rapport, lu à l'Académie des sciences, le 19 mars 1791, au nom d'une commission composée de Borda, de Lagrange, de Laplace et de Monge, envoyé le 21 mars à l'Assemblée nationale par Condorcet, secrétaire perpétuel de l'Académie, débutait ainsi : « L'idée de rapporter toutes <«<les mesures à une unité de longueur prise dans la nature, << s'est présentée aux mathématiciens dès l'instant où ils << ont connu l'existence d'une telle unité, et la possibilité

nale du 30 novembre 1790, p. 1 et 2), cette armoire de fer, construite en février 1791 par J. Henry Koch et Pommera, est conservée aujourd'hui aux Archives nationales. Pour le discours prononcé au Corps législatif au nom de l'Institut, lors de la présentation des étalons prototypes du mètre et du kilogramme et pour le rapport sur le travail de la Commission des poids et mesures (voy. Archives nationales, AD VIII. 37). Le procès-verbal imprimé de dépôt de ces étalons prototypes aux Archives nationales se trouve également dans AD VIII. 37. L'original du procès-verbal est conservé au Musée des Archives nationales, sous le no 1477. Il en a été fait une reproduction photographique aujourd'hui dans l'Armoire de fer, offerte aux Archives par le Conservatoire des Arts et Métiers dans la séance de la Commission internationale du Mètre tenue aux Archives nationales le 7 octobre 1872. Cf. notre Appendice: Les étalons prototypes du mètre et Pièces justificatives, XII. (1) Voy. Méchain et Delambre: Base du système métrique décimal ou Mesure de l'arc du méridien compris entre les parallèles de Dunkerque et de Barcelone, exécutée en 1792 et années suivantes (de 1792 à l'an VII), Paris, Baudouin, 2 vol. in-4°, 1806-1807.

(2) et (3) Arch. nat., AD VIII. 36. — Le décret du 26 mars fut sanctionné dès le 30 suivant.

« de la déterminer ils ont vu que c'étoit le seul moyen « d'exclure tout arbitraire du système des mesures, et « d'être sûrs de le conserver toujours le même, sans qu'aucun autre événement qu'une révolution dans « l'ordre du monde pût y jeter de l'incertitude. » Pour déterminer l'unité de longueur qu'elle voulait demander à la terre elle-même, l'Académie des sciences proposait, on le sait, de mesurer l'arc du méridien compris entre Dunkerque et Barcelone. Il y avait double avantage à choisir cette portion du méridien terrestre. D'une part, elle satisfaisait en même temps à la condition d'avoir ses deux points extrêmes également au niveau de la mer et à celle de traverser le quarante-cinquième parallèle; de l'autre, comme cet arc devait suivre la méridienne déjà tracée en France, il y avait intérêt à trouver dans la mensuration de cet arc déjà faite depuis Dunkerque jusqu'à Perpignan une vérification du grand travail à entreprendre.

Grâce à la science et au dévouement de nos savants, grâce surtout à Méchain et à Delambre, qui trouvèrent des auxiliaires précieux dans les artistes chargés de construire les instruments nécessaires aux observations astronomiques et géodésiques (1), l'oeuvre colossale fut menée à bonne fin. Euvre colossale, en effet, qui surpassa par son étendue comme elle égala par sa précision ce qui avait été

(1) L'Académie des sciences demanda quatre cercles astronomiques à Lenoir, trois règles de platine à Janeti, un pendule de comparaison à Berthoud, et des appareils de physique à Fortin et à Carrochez, voy. le rapport de l'Académie du 2 mai 1792 présenté à la Législative par le Ministre de l'Intérieur Roland, le 11 mai, Arch. nat., AD XVIIIC. 317, pièce 2. Carrochez fut le premier « artiste pour les instruments astronomiques» qui fit partie du Bureau des Longitudes dès sa création, voy. Procès-verbal de la Convention nationale du 7 messidor an III, p. 107.

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