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de pouvoir l'identifier d'une façon certaine grâce aux renseignements obligeamment fournis par les propriétaires actuels.

Au commencement du XVIe siècle, les terrains de ce côté appartenaient à un riche spéculateur nommé Jean Champion, dont le fils, Salomon, construisit plusieurs maisons. Peut-être est-ce là l'origine première de celle qui nous occupe?

En tout cas, en 1582, une grande maison qui se trouvait à cet endroit était la propriété de Messire Bénigne Le Ragois, conseiller, notaire et secrétaire du roi et de ses finances, d'une honnête famille d'Orléans, dit Tallemant des Réaux. C'est là que dut naître son fils Claude, baptisé à Saint-Sulpice le 27 novembre 1582 (1). Celui-ci, devenu seigneur de Bretonvilliers, conseiller du roi et de ses finances en la généralité de Limoges, conserva néanmoins la maison de son père, et, probablement dans cette demeure familiale, naquit aussi Alexandre Le Ragois de Bretonvilliers, futur curé de Saint-Sulpice et directeur du séminaire, baptisé à Saint-Sulpice le 22 janvier 1621 (2). Claude Le Ragois fit une grosse fortune, et, à la fin de sa vie, quitta son vieux logis de la rue de Buci

(1) Reg. de Saint-Sulpice (Bibl. nat. ms. no 32.693).

27 novembre 1582. Baptême de Claude fils de noble homme Bénigne Le Ragois, conseiller, notaire et secrétaire du Roy et de ses finances, et de dame Marie Sansier. P.P. noble homme Claude Daubray, conseiller du Roy et grand audiencier de France, et Simon Nicolas, notaire et secrétaire du Roy et de ses finances.

(2) Ibid., 22 janvier 1621. Baptême d'Alexandre, fils de noble homme Claude Le Ragois sieur de Bretonvilliers, conseiller du Roy et de ses finances en la généralité de Limoges, et de dame Marie Acarie. P. noble homme Alexis Lerebours, conseiller du Roy en ses Conseils d'État et Privé, et Président en sa cour des Aydes, et demoiselle Philippe Le Ragois veuve de François Pérat, conseiller et trésorier général des maison et finances de feu Ms le duc de Montpensier.

Sté que DU VIo.

1903.

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pour l'hôtel seigneurial qu'il se faisait construire à la pointe de l'île Saint-Louis (alors île Notre-Dame). On sait que cet hôtel de Bretonvilliers, dont il ne reste presque rien, fut agrandi et embelli par le fils du fondateur et devint célèbre par sa galerie de tableaux. Claude Le Ragois y mouruten 1645. A peu près à l'époque où son père quittait la rue de Buci, vers 1640, Alexandre Le Ragois entrait au Séminaire de Saint-Sulpice fondé et dirigé alors par l'illustre abbé Olier. Ce dernier conçut pour son jeune disciple une telle estime, qu'il l'appela en 1652, à l'âge de 31 ans, à lui succéder comme curé de Saint-Sulpice pour se vouer, de son côté, exclusivement à la direction du Séminaire. Alexandre Le Rageois prit possession de sa cure le 29 juin 1652 et acquit rapidement une grande autorité sur le clergé de Paris, qui le chargea à plusieurs reprises de le représenter auprès du roi. En outre, ayant recueilli dans les successions de son père et d'un frère aîné une fortune importante qui a été évaluée à 40.000 écus de rente, il en consacra, dit-on, une grosse part aux travaux de reconstruction de son église. En 1658, à la mort de l'abbé Olier, il abandonna comme lui la cure de SaintSulpice pour prendre la direction du Séminaire où il mourut, le 13 juin 1676 (1). Il mérite d'être compté parmi les personnages marquants du VI arrondissement.

Après lui, la propriété de la maison de la rue de Buci passa aux mains de sa sœur ou nièce Marie Le Ragois

(1) Reg. de Saint-Sulpice (Bibl. nat. ms. n° 32.594). 14 juin 1676. Convoy et le 15 service et inhumation, dans la chapelle du Séminaire de Saint-Sulpice, de M. Alexandre Le Ragois de Bretonvilliers, ancien curé de la paroisse de Saint-Sulpice et Supérieur du Séminaire de Saint-Sulpice, décédé audit Séminaire le 13. Présents: Mre Louis Tronson, prêtre, directeur dudit Séminaire; Mr Barthélemy Gaultier du Bois, docteur en Sorbonne, et Mre Leschassier, aussi docteur en Sorbonne.

de Bretonvilliers, femme de Claude de Bailleul, membre d'une riche et nombreuse famille qui prétendait descendre de Baliol, ancien roi d'Écosse. Les Bailleul, qui avaient leurs hôtels rue Saint-Dominique, rue du Bac et rue de la Planche, ne vinrent pas habiter rue de Buci. En 1680, l'immeuble des Le Ragois était loué à des commerçants. Il comprenait un premier corps de bâtiment en façade sur la rue, ayant pour enseigne l'Aigle d'or, et un second au fond de la cour désigné sous le nom d'Hôtel de Bussy. Le 5 février 1697, on trouve mention de la mort d'un graveur nommé Isaac Gribelin demeurant rue et Hôtel de Bussy. Ce graveur devait être en même temps l'orlogeur en réputation, du même nom, signalé rue de Bussy en 1692, dans le Livre commode des adresses de Paris. Le 8 juin 1697, l'acte d'inhumation d'une dame Vedeau de Grandmont à Saint-Sulpice porte de même qu'elle est morte rue et Hôtel de Bussy.

Claude de Bailleul fils devient à son tour propriétaire comme héritier de sa mère, et, dans sa déclaration de propriété en 1719, il désigne sa maison comme anciennement appelée l'Aigle d'Or et à présent l'Hôtel de Bussy. Cette dernière dénomination a donc prévalu et seule subsistera. Elle s'explique déjà par la réputation naissante d'un habile aubergiste-traiteur, qui vient de s'établir dans le bâtiment au fond de la cour. C'est Nicolas-Alexis Landelle, bientôt célèbre auprès des gourmets par sa cuisine et sa

cave.

En 1732 le restaurant Landelle reçoit une première consécration. Sept ans auparavant, en 1725, trois Anglais avaient fondé à Paris la première loge maçonnique. Ces francs-maçons d'origine aimaient la bonne chère et se réunirent d'abord chez un traiteur nommé Hurre, rue

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