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comme locataires, des marchands de vêtements et des liquoristes. Aujourd'hui cette maison d'angle brille d'un nouveau lustre sur le vieux carrefour de Buci. La façade blanchie à neuf, et une vaste marquise vitrée élégamment décorée, font apparaître deux enseignes : une horloge, et juste au-dessous, à titre de souvenir historique sans doute, en face de la rue Mazarine, le portrait du cardinal Mazarin dans un médaillon. Au rez-de-chaussée, c'est un café : A Mazarin, offrant aux amateurs des billards de précision, et au-dessus c'est l'Hôtel de l'Horloge. Ainsi se trouvent remplacés actuellement le Mortier d'or, les trois boutiques de l'apothicaire, du gantier et du potier d'étain, l'étude du notaire, le tableau de la sage-femme et les trois polichinelles!

No 3

Le Grand-Turc. - Les trois Hallé, peintres du roi. — La Place des Victoires.

En 1531, d'après Berty, il n'y avait encore là ́aucune construction, mais seulement un terrain étroit et très profond servant de jeu de Paume. En 1628, on y mentionne l'existence d'une maison portant l'enseigne du Grand-Turc. Dès cette époque, elle paraît avoir été l'habitation et probablement la propriété d'un S Jean Cocquelet, bourgeois de Paris, qui, dans le contrat de mariage de son fils Claude en 1620, se disait déjà demeurant grande rue proche la porte de Bussy. En tout cas, en 1650, Claude Cocquelet, héritier de son père, y demeurait et en était propriétaire lorsqu'il donna en mariage sa fille Catherine à un peintre encore peu connu, nommé Daniel Hallé, logé dans la même maison.

On est peu renseigné sur les premières années de la vie de Daniel Hallé; on ignore la date de sa naissance, et l'on sait seulement qu'en 1631, il travaillait comme élève dans l'atelier de Robin Brunel, peintre à Rouen, puis, que fixé à Paris, il demeura longtemps rue de Buci dans la maison portant l'enseigne du Grand-Turc. Il devait donc avoir environ trente ou trente-cinq ans lorsqu'il épousa, en 1650, Catherine Cocquelet dont il eut quatorze enfants, neuf garçons et cinq filles, nés de 1651 à 1671. Daniel Hallé s'adonna surtout à la peinture religieuse et y réussit. Il dut faire de nombreux travaux, car il fit fortune comme on va le voir. Cependant on ne cite guère de lui que trois grands ouvrages le Martyre de saint Symphorien dans l'église Saint-Germain-des-Prés; Saint Roch secouru et pansé par les anges, qui se trouve dans l'église de Montreuil à Versailles, et un grand tableau votif, offert le 1er mai 1662 par la corporation des orfèvres à NotreDame, représentant Saint Jean prêt à être jeté dans une chaudière d'huile bouillante devant la Porte Latine. Le fait d'avoir été choisi par la riche communauté des orfèvres parisiens pour faire ce qu'on appelait communément le Mai, prouve que, dès 1661, Daniel Hallé jouissait d'une sérieuse réputation. Malgré les dépenses de sa nombreuse famille, il réalisait des économies, car le 28 mars 1667, il achetait, rue Sainte-Marguerite, une maison qu'il fit reconstruire à neuf, où il alla s'installer à la fin de sa vie et où il mourut le 14 juillet 1675.

Jusqu'à l'époque de cette retraite rue Sainte-Marguerite, c'est dans la maison Cocquelet, rue de Buci, que Daniel Hallé continua de demeurer, son atelier se trouvant sans doute dans le fond de la propriété sur l'emplacement de l'ancien jeu de Paume. Avec lui habitaít un de ses cousins,

nommé Jacques Morlet, peintre, qui y mourut à l'âge de quarante-six ans, comme nous l'apprend son acte d'inhumation du 4 mai 1668 (1).

Durant cette même année 1668, Claude Cocquelet mourut aussi et ce fut sa veuve qui, par suite d'adjudication sur licitation, devint en 1669 propriétaire de la maison du Grand-Turc, rue de Buci. Elle la légua, en mourant, en 1672, à sa fille Catherine, femme de Daniel Hallé.

Dans cette maison familiale étaiť né le 17 janvier 1652 Claude-Guy Hallé, l'aîné des quatorze enfants de Daniel. Élève de son père, il en suivit les exemples et ne tarda pas à le surpasser. En 1675, il remporta le premier prix de peinture à l'Académie, et fut reçu académicien en 1682; il fut chargé en 1686, par la communauté des orfèvres, comme son père, d'exécuter le tableau de Mai à offrir à Notre-Dame et choisit pour sujet : Jésus-Christ chassant les vendeurs du Temple. Il fut nommé professeur en 1702, recteur en 1733, et mourut en 1736 âgé de quatre-vingtquatre ans, estimé comme un des maîtres de l'École française. A la fin de sa vie, il habitait, d'après Jal, une maison située à l'entrée de la rue des Cordeliers, ou plutôt, croyonsnous, rue Sainte-Marguerite où était celle de son père.

De très nombreux et remarquables ouvrages de lui sont signalés dans diverses églises de Paris et de la province. Il a en outre beaucoup travaillé pour les châteaux de Versailles, Trianon, la Ménagerie et Meudon, et composé des modèles pour les Gobelins, comme la Soumission du

(1) Le 4me jour de may 1668 a esté fait le convoy, service et enterrement de Jacques Morlet, peintre, bourgeois de Paris, pris rue de Bussy chez M. Coquelet, le dit Morlet âgé de 46 ans. Anthoine Lagny, peintre, beau-frère, et Daniel Hallé, aussi peintre, son cousin, et plusieurs autres ont assisté. (Reg. de St-Sulpice. Herluison, Actes d'état civil d'artistes.)

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