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NUMÉROTAGE ET IDENTIFICATION DES MAISONS.

Tous les terrains situés entre l'Abbaye et le mur d'enceinte de Paris ayant été cédés par les religieux de SaintGermain à des particuliers à la charge d'un droit de cens, les détenteurs successifs des maisons de la rue de Buci étaient requis, pour la fixation de cette redevance, de faire des déclarations de propriété contenant la désignation de leurs immeubles et l'indication de leurs titres d'acquisition. Ces actes rédigés habituellement par des notaires étaient conservés dans les archives de l'Abbaye. Ils se retrouvent actuellement, au moins en partie, aux Archives nationales (1). C'est une source précieuse de renseignements sur les propriétaires de la rue de Buci aux XVII et XVIII° siècles; mais l'identification des immeubles ainsi déclarés ne va pas sans quelque difficulté, car les demeures des bourgeois n'étaient alors désignées que par des enseignes qui changeaient selon le caprice des occupants. D'ailleurs la collection de ces actes de déclaration n'est pas complète; il y a des lacunes. D'autre part des confusions sont possibles dans beaucoup de cas par suite de la division ou de la réunion de certaines propriétés. Enfin, à partir de la Révolution, ce moyen d'information disparaît.

A ce moment, survient le numérotage des maisons,

(1) Arch. nat. Fonds de Saint-Germain-des-Prés. S. 2839-S. 2866-S. 2972, etc.

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mais encore singulièrement variable et trompeur. L'origine et les transformations en sont curieuses.

Dès 1726 une ordonnance royale avait prescrit cette utile mesure, mais n'avait reçu aucune exécution. En 1740 et 1765, la même prescription avait été renouvelée à peu près sans résultat. Çe ne fut guère qu'en 1790 qu'on vit figurer sur les Almanachs d'adresses de Paris l'indication des numéros des maisons. Mais ces numéros ne concordaient pas avec ceux actuellement existants parce qu'ils suivaient ordinairement le même côté d'une rue jusqu'à son extrémité pour revenir ensuite de l'autre côté. Ainsi, pour la rue de Buci qui contenait alors 47 propriétés, les numéros commençaient à droite en partant de la rue Saint-André-desArts, continuaient du même côté jusqu'au bout, puis revenaient dans l'autre sens, de sorte que le n° 1 correspondait au no 2 actuel et le n° 47 et dernier au no 1 actuel.

Ce mode de numérotage, qui n'était pas d'ailleurs uniforme pour tous les quartiers de Paris, dura quelques années. Puis un autre système, plus compliqué, lui fut substitué vers 1792, et se trouve notamment, à partir de l'an VIII, dans l'Almanach de La Tynna, précurseur du Bottin. Une même série de numéros fut appliquée à toutes les maisons d'un quartier, en partant soit d'une place publique, soit d'un monument, soit du quai de la Seine, sans aucune règle fixe. Il en résulta, pour la rue de Buci, qu'on y vit indiqués les no 314 et suivants, puis 380 à 420, 995 à 1013, 1045 à 1055, et 1498 à 1525, alors qu'on n'y comptait que 47 maisons. La concordance avec nos numéros actuels était encore plus difficile à établir que pour la période précédente, la méthode adoptée n'étant point connue. Heureusement, un érudit chercheur, M. Henri Masson, est parvenu à résoudre ce problème, et ses déduc

tions ont été confirmées par plusieurs mentions du Registre foncier existant aux Archives de l'Administration de l'Enregistrement, dont nous avons obtenu la communication, non sans peine, en vertu d'une ordonnance de M. le Juge de paix (1).

D'après M. Masson, la série des numéros du quartier commençait à l'encoignure de gauche de la rue des SaintsPères, sur le quai, suivait en quittant cette rue, toujours du côté gauche, la rue de Grenelle, la rue du Four, la rue des Boucheries la rue des Fossés-Saint-Germain (rue de l'Ancienne-Comédie) et abordait ainsi le n° 1 actuel de la rue de Buci en lui donnant le n° 314. Arrivant à la rue des Mauvais-Garçons (rue Grégoire-de-Tours), les numéros s'y engageaient jusqu'à son extrémité, la redescendaient et reprenaient la rue de Buci avec le n° 380 jusqu'au coin de la rue des Boucheries (boulevard Saint-Germain) avec le n° 420. Ils la quittaient alors pour prendre la rue SainteMarguerite, la rue Taranne et autres, toujours à gauche, et retrouvaient l'autre encoignure de la rue de Buci avec le n°995, la continuaient jusqu'à la rue Bourbon-le-Château, parcouraient celle-ci, puis revenaient rue de Buci jusqu'à al rue de Seine. Là, les numéros suivaient les rues de Seine et du Colombier et revenaient enfin à une dernière fraction de la rue de Buci qui se trouvait numérotée de 1498 à 1525.

Grâce à la découverte de cette méthode de numérotage, on arrive à identifier les maisons et adresses mentionnées à l'époque révolutionnaire. Encore a-t-on parfois quelque difficulté à s'y reconnaître parce que l'on donnait alors un numéro à chaque porte ouvrant sur la rue, ce qui faisait souvent plusieurs numéros pour une seule propriété.

(1) Actuellement, grâce aux actives démarches de M. Coyecque, archiviste de la Seine, on peut avoir, par son entremise, copie de ce Registre.

En 1806, un troisième système fut prescrit et employé, c'est celui qui existe actuellement : chaque rue reçut un numérotage spécial commençant à gauche pour le n° 1, puis passant à droite pour le n° 2, et ainsi de suite. La rue de Buci eut dès lors son n° I au coin de la rue de l'Ancienne-Comédie et son n° 46 et dernier au coin de la rue Sainte-Marguerite.

Enfin, par suite de diverses circonstances, quelques maisons ayant été dédoublées, d'autres réunies à leurs voisines, il fallut vers 1850 refaire entièrement le numérotage. La rue de Buci n'eut plus que 42 numéros au lieu de 46, bien qu'elle n'eût pas diminué de longueur.

Telles sont les indications générales d'après lesquelles nous avons entrepris de rechercher les origines et, autant que possible, l'histoire de chacun des immeubles de la rue de Buci. On verra que, malgré leur aspect bourgeois et modeste, beaucoup de ces vieilles maisons méritent de sortir de l'oubli en se rattachant à d'intéressants souvenirs de la chronique parisienne.

Les lacunes que présentaient les documents officiels ont été heureusement comblées pour nous par les communications obligeantes de la plupart des propriétaires actuels, qui ont ainsi contribué à la confection de cette Notice. Néanmoins il faut reconnaître que l'identification exacte de certaines demeures d'habitants célèbres de la rue de Buci est restée pour nous douteuse et conjecturale. Pour éviter, d'autre part, des erreurs ou des redites, nous avons dû réunir parfois des immeubles contigus dont l'histoire se confondait. Par suite, ne pouvant suivre rigoureusement l'ordre des numéros, nous avons divisé la rue de Buci en plusieurs fractions composées chacune d'un groupe maisons ayant eu communauté d'origine ou d'existence.

de

MAISONS ET HABITANTS.

NUMÉROS 1-3-5.

Les trois immeubles compris entre la rue de l'AncienneComédie et la rue Grégoire-de-Tours, ont formé autrefois quatre propriétés. Ils portaient en 1790 les n° 43 à 47, puis plus tard les n° 314 et suivants; puis, de 1806 à 1850, les n° 1 à 7, enfin, à partir de 1850, ce sont les n° 1, 3 et 5. Achetés successivement par le même propriétaire, ils ont été pendant plusieurs années réunis dans la même main, mais se trouvent maintenant divisés en deux lots. A plusieurs reprises leur existence s'est confondue; il y a donc lieu de les grouper tout en exposant séparément, autant que possible, leur origine et leur histoire.

N° 1.

Le Mortier d'or. - Les Ganeron, Saint-Genis,

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Préaudeau, Rudemare. - L'Horloge.

Au XVIe siècle, c'était l'encoignure donnant sur les fossés des remparts de la ville. En 1523, d'après Berty (1), il n'y avait là qu'un jardin appartenant à un sieur Jean Ganeron. On se rappelle qu'alors, depuis près d'un siècle, la porte de Buci était murée et la rue abandonnée. Mais,

(1) Topographie historique.

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