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<< les portes de Bussy et de Nesle condamnées depuis quel<«<ques années, ce qui fut d'une grande commodité pour <«<le faubourg Saint-Germain, quoiqu'on ne doit laisser << passer par ces portes que les gens de pied et de cheval << seulement, à l'exclusion des charrettes et chevaux chargés de marchandises sujettes aux impôts des entrées. «La lettre du roi sur ce sujet porte aussi que ce même faubourg ruiné par les guerres et réduit en terres la<< bourables avait commencé à se rebâtir sous François 1er (1).

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La porte de Bussy fut reconstruite alors entièrement à neuf et ornée d'un grand écusson de pierre sculptée représentant les armoiries de la ville. On la cita comme une des plus belles de Paris. La rue redevint fréquentée; des boutiques, des jeux de paume s'y installèrent; on y fit des locations à long terme à charge de bâtir. Enfin de 1551 à 1555 la chaussée fut pavée.

En 1557 un triste spectacle fut donné sur le carrefour au bout de la rue. Deux protestants, Nicolas Lecène, médecin de Lisieux, et Pierre Gavart, solliciteur de procès à Saint-Georges-la-Montagne, en Poitou, ayant été pris à une réunion de leurs coréligionnaires au faubourg SaintGermain, furent condamnés par arrêt du Parlement à être brûlés vifs devant la porte principale de l'Abbaye, après avoir eu la langue coupée s'ils ne se rétractaient. Les malheureux furent suspendus aux deux extrémités d'une poutre fixée en travers du pilori et brûlés à petit feu.

Malgré ce terrible exemple, les huguenots étaient nombreux dans le quartier, et, dans la nuit néfaste de la Saint

(1) Dom Bouillart, Histoire de l'Abbaye de Saint-Germain-des-Prés.

Barthélemy (24 août 1572), le duc de Guise courut avec une troupe nombreuse vers la porte de Bussy, pour se ruer à leur poursuite. Par un heureux hasard, les clefs apportées en hâte n'étaient pas celles qui convenaient, et la lourde porte, solidement fermée, resta inébranlable. Lorsque le duc eut réussi à se faire ouvrir, les huguenots prévenus s'étaient enfuis.

En 1586, la deuxième porte Saint-Germain établie, comme on l'a vu, vers 1430 en face des Cordeliers, fut supprimée, ce qui donna encore plus d'importance à la porte et à la rue de Bussy. Il ne faudrait pourtant pas se fier à l'amusante description qu'en donne Alexandre Dumas dans son roman des Quarante-cinq. Le fécond écrivain y dépeint avec une merveilleuse précision et de minutieux détails une grande hôtellerie flanquée de quatre tourelles, située d'après lui en 1586 à l'entrée de la rue de Bussy, à cent pas de la porte, et dans laquelle il fait loger quarante-cinq gentilshommes gascons qui y mènent grand tapage. Il place dans la même rue, un peu plus loin, deux maisons se faisant vis-à-vis, dont l'une sert de mystérieuse retraite à la dame de Monsoreau, et l'autre est le logis du célèbre Chicot déguisé en paisible bourgeois.

Il serait inutile, croyons-nous, de chercher à identifier ces trois immeubles dans la rue de Bussy du xvi° siècle. On ne peut en retenir que la faveur donnée par le romancier à notre rue comme la principale voie du faubourg SaintGermain au temps de Henri III.

Revenons à l'histoire et mentionnons, d'après Dubreul, que le 25 juillet 1587 les bourgeois de la rue de Bussy vivent défiler sous leurs fenêtres une longue et superbe procession escortant en grande pompe la magnifique châsse contenant les reliques de saint Germain. En tête

on voyait s'avancer la bannière de Saint-Sulpice entourée d'une troupe nombreuse de jeunes filles du quartier, toutes vêtues de blanc, couronnées de fleurs et portant des cierges. Puis venaient les jeunes garçons de la paroisse, les Pénitents blancs, les Cordeliers, les Augustins, le clergé de Saint-Sulpice, les Moines de l'Abbaye, sept châsses de reliques de différents saints, et enfin celle de saint Germain faite d'or et argent, couverte de perles et de pierres précieuses. Toutes ces châsses étaient portées, dit Dubreul, par des bourgeois du quartier, « tout nuds, en chemises expressément à ce faites, portant en leurs testes des chapeaux de fleurs ».

Deux ans après, en 1589, autre spectacle non moins impressionnant: Henri IV vint camper près de l'Abbaye, y livra bataille aux Parisiens qu'il mit en déroute, et, les poursuivant à travers la foire Saint-Germain et la rue. de Bussy, réussit à pénétrer par là dans la ville, mais pour quelques heures seulement. Quelques années plus tard, installé dans sa capitale, le roi dut passer de nouveau bien souvent dans cette même rue de Bussy, mais en joyeuse compagnie, pour aller faire visite à la foire qu'il fréquentait volontiers.

Au commencement du xvII° siècle, l'une des extrémités de notre rue se transforma. D'abord le pilori fut supprimé et, sur son emplacement, fut construite la prison de l'Abbaye; puis, les fossés, qui entouraient les bâtiments abbatiaux et en faisaient une sorte de forteresse, furent comblés. Une rue fut ouverte, la porte de l'Abbaye changée de place et rebâtie, un marché installé sur le carrefour, au bout de la rue de Bussy. Un peu plus tard, en 1621, pour remédier à l'insécurité du quartier, une barrière, munie d'un poste de vingt sergents armés, fut établie.

Sté que DU VI. 1903.

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En 1652, l'entrée de la rue de Bussy, fut transformée à son tour par la démolition des remparts de PhilippeAuguste. La porte seule, d'aspect monumental, fut conservée jusque vers 1672, époque à laquelle on se décida à la démolir aussi pour faciliter la circulation.

Par suite de cette opération, de vastes emplacements se trouvèrent disponibles et mis en vente tant par le domaine royal que par la Ville. Il s'ensuivit un long procès. Par une série de baux remontant à 1607 et 1608, renouvelés en 1632, 1633 et 1651 (1), un S Leblanc, maître charron, et après lui ses enfants, dont un fils huissier au Parlement, avaient été mis en possession de la superficie de la contrescarpe autour de la porte de Bussy et y avaient édifié plusieurs maisons. En 1632, ils avaient obtenu en outre la concession pour soixante-dix-neuf ans des fossés mêmes transformés en jardins, à charge d'entretenir un canal passant sous le pont dormant de la porte, pour l'écoulement des eaux pluviales et des immondices. En vertu de ces titres, les héritiers Leblanc s'opposèrent à la mise en vente des terrains dont ils étaient locataires. Leur prétention fut rejetée par arrêt du Conseil d'État du roi du 24 mars 1678, et une série de lots furent adjugés à des particuliers parmi lesquels figurèrent plusieurs des opposants eux-mêmes. En 1681, il était dû au roi par suite de ces adjudications une somme de 158.085 livres 13 sois 9 deniers (2).

Des constructions s'élevèrent bientôt à la place de la porte et prolongèrent sans discontinuité la rue venant de l'église Saint-André des Arts jusqu'à la nouvelle rue des Fossés-Saint-Germain (actuellement rue de l'Ancienne

(1) Coll. pers.

(2) Arch. nat. Q1 1126.

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EXTRAIT DU PLAN DE TURGOT (1739)

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