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ans il fut élu par l'Académie en remplacement de Rouelle, son ancien maître. Il publia, à partir de 1771, de nombreux ouvrages scientifiques, et, en 1778, fut chargé de faire un cours de minéralogie à la Monnaie. Il y installa alors. l'importante collection qu'il avait commencé de former chez lui rue de Buci. Sa réputation était devenue européenne et le poète naturaliste Nogaret lui dédiait une Ode. Enfin, en 1783, sur un Mémoire adressé au roi pour y démontrer l'utilité de créer une école d'ingénieurs spéciaux pour les mines, il reçut de Louis XVI la mission d'organiser et de diriger cette nouvelle institution devenue l'École des Mines.

Pendant ce temps, la veuve de François Sage était décédée, mais son officine avait continué d'être tenue par son fils aîné Daniel et sa fille Ursule. Ceux-ci, unis par une fraternelle affection, restèrent célibataires et ne se quittèrent pas. Daniel Sage n'avait pu terminer ses études par suite de la mort de son père en 1752, et n'avait pas été reçu maître apothicaire. Néanmoins, son mérite le fit nommer apothicaire privilégié de l'Écurie de Monsieur frère du roi, et apothicaire-major de l'Hôtel des Invalides. Il fut dépositaire du Sirop de Portal qui eut alors une grande vogue. Enfin il fut particulièrement renommé pour ses analyses chimiques.

En 1784, les Religieux de Sainte-Croix renouvelèrent bail pour la dernière fois à Daniel et Ursule Sage. Cinq ans après, les décrets des 2-4 novembre et 10 décembre 1789 déclaraient les biens ecclésiastiques propriété de la Nation, et en ordonnaient la vente. La Communauté de Sainte-Croix de la Bretonnerie disparaissait.

En 1791, l'administration du Domaine national fit deux lots séparés des deux petites maisons contiguës construites

vers 1681 sur l'emplacement de l'ancienne propriété de Michel Besnard. La maison d'encoignure occupée depuis plus de soixante-dix ans par la famille Sage fut mise en vente pour le 11 avril 1791 sur la mise à prix de 20.500 francs.

Daniel Sage et sa sœur ne s'étaient pas beaucoup enrichis. Désireux d'acquérir ce modeste immeuble, ils eurent recours à un de leurs cousins, Danzel marchand épicier, dont le fils était auprès d'eux comme élève apothicaire et peut-être déjà successeur désigné : Danzel s'engagea à leur prêter 18.000 francs et à se porter caution de la totalité du prix d'adjudication. Grâce à ce concours, la maison fut adjugée, après plusieurs enchères, moyennant 30.000 francs à Daniel-Jacques et Marie-Ursule Sage, chacun pour moitié.

En l'an xi, Daniel Sage mourut laissant pour héritiers sa sœur Ursule et son frère Balthazar l'académicien, qui devinrent ainsi co-propriétaires de la maison de la rue de Buci. Le fonds de commerce passa à Adrien-Albert Danzel le jeune parent, l'élève, presque le fils adoptif de Daniel et d'Ursule. Cette dernière lui fit, en outre, par acte du 24 thermidor an xi, donation entre vifs irrévocable de sa part de propriété sous réserve d'usufruit, pour lui témoigner, disait-elle, les marques de son attachement et de son amitié. Bientôt après, la vieille et bonne demoiselle Ursule Sage rejoignit dans la tombe son frère Daniel, et Danzel, rachetant pour 3.000 francs le quart restant à Balthazar Sage, fut seul possesseur de cette maison, désignée en 1790 par le no 42, en 1791 par le no 385, puis de 1793 à 1805 par le no 380, devant enfin en 1806 porter le n° 9, et, à partir de 1850, le no 7.

Balthazar Sage n'avait pas traversé sans encombre la

Révolution. Très attaché aux anciennes traditions monarchiques aussi bien qu'à la personne du roi Louis XVI et à celle de Marie-Antoinette dont il se plaisait à rappeler les bienfaits et une visite dans sa propre maison de campagne près de Saint-Cloud, il fut scandalisé des idées révolutionnaires. Il manifesta trop hautement ses sentiments, fut dénoncé, emprisonné pendant plusieurs mois, eut sa maison dévastée; puis, remis en liberté, s'enfuit et se cacha près de Blois. Après le 18 brumaire, rentré en faveur, il fut, en 1801, nommé membre de l'Institut et replacé à la Monnaie où il réinstalla ses collections. Le littérateur allemand Reichardt, énumérant en 1803 les curiosités de Paris (1), raconte sa visite au vieux chimiste Sage et à son musée d'histoire naturelle, Malheureusement, à partir de 1805, Sage devint aveugle. Il survécut encore pendant dixneuf ans et mourut à l'Hôtel des Monnaies le 9 septembre 1824 à l'âge de quatre-vingt-quatre ans.

L'antique pharmacie Sage continua de prospérer sous la direction de Danzel. Celui-ci, n'ayant pas eu d'enfant, suivit l'exemple de ses prédécesseurs. Par acte du 25 septembre 1837, il fit donation de sa maison de la rue de Buci, sous réserve d'usufruit pour lui et sa femme, à son élève et successeur Jean-Grégoire-Amand Maufra. Les deux époux Danzel étant décédés en 1837 et 1842, Maufra eut la pleine propriété du fonds de commerce et de la maison. A son tour, par une coïncidence bizarre, il n'eut pas d'enfants et légua, en mourant en 1867, son immeuble à un neveu Antoine-Marie Thore qui, lui, n'était pas pharmacien, mais fit bail au successeur de son oncle nommé James. Ce dernier acheta l'immeuble des héritiers Thore et Maufra en

(1) Un hiver à Paris sous le Consulat, 1802-1803, d'après les Lettres de Reichardt, par Laquiante (Plon, 1896).

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