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les deux Flendrus suivaient avec ceux du pays de Gessenay la bannière du Vanel, et les soldats des châtellenies de Gruyère et de la Tour marchaient ensemble sous la bannière de Gruyère.

II. .

Mandements et châtellenies du comté de Gruyère.

I. La Bannière du VANEL comprenait, avons-nous dit, deux châtellenies, celle de Gessenay et de Rougemont'.

1o Les principales localités de la première étaient, du sud au nord le Châtelet, en allemand G'steig, ou plus exactement Steig, comme on lit dans les Visitationes ou visites pastorales de 1453*. A cette époque ce village n'avait encore qu'une chapelle, qui fut fondée ou restaurée, dit-on, en 1416, dédiée à St.-Théodule, et consacrée par l'évêque de Grenade à l'occasion de la visite pastorale de 1453. G'steig est situé à l'endroit où commence le pas du Sanetsch, circonstance à laquelle ce village doit Lauinen ou Lauenen, village dans la vallée qu'arrose le torrent du même nom; G'stad, où la Tur et la

son nom.

1

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On peut voir la circonscription du pays de Gessenay dans les documents du 24 novembre 1371, du 10 mars 1397 et du 3 décembre 1448. Nous avons fixé les limites des châtellenies de Rougemont et de Châteaud'OEx d'après la « délimitation de ces deux châtellenies, faite ou rafraichie par le bailli Emmanuel Hermann, dans les mois de mai et d'août 1663. » 'Voir la deuxième partie des Visites pastorales publiées, avec des notes et des additions, par M. Fetscherin, ancien conseiller d'Etat, dans le Recueil intitulé Abhandlungen ou Mémoires de la Société d'Histoire du canton de Berne, T. Ier, 2o liv., p. 253 et 342.

8 Id., ibid.

Lauenen coulent dans la Sarine; die Ebne, plaine aux vertes prairies, parsemée d'habitations qui annoncent l'aisance; le beau village de Gessenay ou Sanen, sur la rive droite de la Sarine, avec l'église paroisiale de St.-Maurice, située sur une colline, dans un des plus beaux sites de la contrée. Cette église, mentionnée dans le Cartulaire du chapitre de Lausanne, fut pendant quelques siècles la seule église paroissiale de tout le pays de Gessenay. En 1453 elle dépendait du prieuré de Rougemont, en vertu du droit de patronage que Jean de Rossillon, évêque de Lausanne, avait conféré en 1330 à ce prieuré, à la demande de Pierre IV, comte de Gruyère 1. Il y a, de plus, à Gessenay, une vieille tour, qui sert de prison.

outre

On remarque dans les environs de Gessenay les Alpes ou montagnes tapissées de verdure, telles que l'Oberberg, le Rudolfsberg ou Rüdersberg, les Pâturages communs, Allmende, dont il est question dans les chartes de la contrée, au N.-E. le Schönried, comme qui dirait le Bel-Essert, et le Schwabenried, c'est-à-dire l'Essert des Souabes ou des Suèves, dont le nom rappelle que les premiers colons de cette partie du comté de Gruyère appartenaient à la race germanique. Enfin, à l'extrémité septentrionale du Gessenay, est le village d'Ablentschen (Afnentschen, dans les chartes du 7 septembre 1457 et du 12 juin 1459), au fond d'un vallon sauvage, près du torrent de la Jogne.

Non loin de Gessenay, la Sarine, suivant la sinuosité des Alpes, se replie tout à coup vers l'ouest, et se trouve bien

1 Herrmann, cité par M. de Rodt, dans son Histoire des comtes de Gruyère (en allemand), dans le Schweiz. Geschichtforscher, T. XIII, p. 136.

tôt resserrée entre deux montagnes qui ne laissent qu'un passage assez étroit. Dans un angle que forment en cet endroit le grand Flendru et la Sarine, s'élève un roc escarpé, qui domine d'un côté la vallée de Gessenay, de l'autre celle de Rougemont, et qui de temps immémorial a marqué la limite entre le Pays-d'Enhaut roman et la contrée alamannique, et séparé les deux idiomes et les deux races.

Dès le XIe siècle, sinon plus tôt, les comtes de Gruyère, maîtres du pays, voulant affermir leur autorité et garder un passage important, soit pour pénétrer dans le Simmenthal par les Mosses ou marais de Gessenay (Sanenmöser ), qui s'étendent vers Zweisimmen, soit pour entrer dans le Vallais par le Sanetsch, ou dans le val d'Ormont par le col du Pillon, couronnèrent de tours et de remparts ce haut rocher, qui leur offrait d'ailleurs un asile assuré. Le seul chemin praticable passait nécessairement dans l'enceinte de ce fort, qui défendait l'entrée des deux vallées que nous venons de nommer. C'est évidemment ce chemin étroit, serré, ardu, qui fit donner à ce château le nom de Vanel'. On dit qu'une voie souterraine laissait pénétrer l'eau de la Sarine dans cette redoutable fortification. Peut-être les prisons étaientelles par dessous le château. Quoi qu'il en soit, à l'abri sur ce rocher, qui n'était accessible qu'aux oiseaux et aux reptiles, les sires du Vanel, de la branche cadette de Gruyère3,

3 Voyez Bridel, dans le Conservateur suisse, T. IV, p. 270 et suiv. et notre Glossaire.

2 Les plus anciens documents de la Gruyère font mention des seigneurs du Vanel. Ulric, qui paraît dans l'acte de 1115 comme l'un des bienfaiteurs du prieuré de Rougemont, et comme cousin du comte qui fonda ce monastère, était sans doute seigneur du Vanel. J'ai rencontré en 1211, 1215 (5 Id. Jun.), 1218 et 1220 un Uldricus de Vanel; en 1225, sa femme, Bertha; parmi les témoins d'un acte de 1217, un W. del Vanel; en 1221,

pouvaient à l'époque des guerres privées, fondre à l'improviste sur leur proie, surprendre l'ennemi, attaquer leurs voisins, et faire le gast, comme on disait alors, c'est-à-dire faire un dégât ou dévaster le pays.

La tradition qui attribue faussement aux Romains la construction du Vanel n'en est pas moins un fait remarquable: elle prouve que l'origine de cette fortification remonte fort haut dans le passé, et que dans l'opinion populaire la construction de ce fort, aussi hardie que solide, était un ouvrage digne des anciens maîtres du monde.

Le château du Vanel, dont les pierres séculaires paraissaient unies par un ciment indestructible, dut céder, comme tant d'autres, aux vives attaques de la bourgeoisie et des paysans armés contre la féodalité. Les deux lourdes portes d'entrée furent enfoncées, le redoutable manoir pris de force et détruit, les uns disent en 1350, d'autres, avec plus de raison, en 1406, année probable de la destruction du fort d'Ogo, qui partagea la destinée du Vanel. Les ouvrages qui barraient le passage et gardaient le défilé furent rasés. On élargit le sentier, on établit entre le pays roman et le Gessenay une communication, qu'une route moderne a rendue plus facile. Telle était la solidité du fort du Vanel que ses ruines résistent depuis environ cinq siècles à la fureur de la tempête et au poids des sapins qui croissent à leur

sommet.

2o La châtellenie de ROUGEMONT Comprenait les com

1223 et 1233 un « Umbertus de Vanello, canonicus Lausannensis » ; une Petronilla de Vanello, un Johannes de Vanello, dans les Extentes de Châteaud'Ex. Dès le XIVe siècle les sires du Vanel sont bien connus. Le plus célèbre est Perrod ou Pierre de Gruyère, chevalier, seigneur du Vanel, co-seigneur de Corbières, bailli de Vaud, et comte de Gruyère.

munes entre les deux Flendrus », le village ou hameau (villa) de ce nom, plusieurs autres localités, particulièrement Rougemont, situé dans une agréable vallée entre les monts Rubli et Rodomont. Ce village, déjà considérable au XVe siècle, se prolongea à peu près jusqu'au Vanel. Toute la contrée du fond de la vallée jusqu'au sommet des collines est tapissée d'un vert gazon, et parsemée d'habitations rustiques. Dans la plaine, au milieu d'une grande et belle prairie, s'élève un édifice dont le style et l'éclatante blancheur contrastent avec la simplicité des maisons rembrunies des villageois et des humbles chalets des pâtres. Ce bâtiment est le château de Rougemont, qui fut construit en 1577 pour servir de résidence aux baillis bernois. Il n'occupe point, comme on le croit généralement, la place de l'ancien prieuré de St.-Nicolas. Celui-ci, d'après une découverte récente, était situé à une demi-lieue au-dessus du village paroissial, entre les deux ruisseaux ou torrents qu'on appelle Flendrus, dans un lieu alors inculte et désert, qui, défriché par les religieux venus de Cluny, se peupla promptement de colons, qui construisirent les maisons éparses dont se compose le hameau du Flendru. L'auteur à qui nous devons ce renseignement y a reconnu les vestiges d'une ancienne fondation qu'il rapporte au monastère'.

Au delà du hameau que nous venons de nommer est la plaine appelée Sierne piqua, vers la jonction du Rio de Vert-champ et du Rio de Béviaux; de là s'étend au nord la vallée étroite qui, de ses vertes prairies, a pris le nom de vallée de Vert-champ, et à l'extrémité de cette vallée est la

'Note tirée des cahiers manuscrits de M. le colonel Daguet, archiviste d'Etat, à Fribourg.

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