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Rensoneire, Rensoniere, Ressonnyere, Rosière, ROSSEINIEYRI, ROSSENEIRE, Rossoneria, Rossonniere, Russenaire.

A l'orient de ce village, « au Crest », c'est-à-dire sur la crête ou cime d'un rocher, était une tour, que mentionnent des chartes de 1370 et 1518: elle portait le nom de la Tour de Rossinière. «Au lieu où était cette tour (dit Combaz, dans son Histoire inédite de la Gruyère, p. 586), est un cabinet, un pavillon ou une espèce de belvédère,— d'où la vue plane sur tout le bassin : ce cabinet a conservé le nom de la Tour.» Le roc sur lequel cette tour forte était bâtie et la tour même s'appelaient peut-être en latin Rochia nigra, la roche noire, « la rotse neire » dans l'idiome de la contrée. C'est de là que, dans cette hypothèse, le village de Rossinière aurait tiré son nom. Il est facile de remarquer dans les variantes plus d'une leçon qui se rapproche de rotse neire, et qui aide à établir l'étymologie que je crois devoir adopter.

On sait d'ailleurs que la Roche est le nom de plusieurs châteaux forts, d'où il a passé à des villages.

ROUGEMONT, de rubeus mons (dans les chartes latines). On rencontre les formes Rogemont, Rogomons, Rongemont, orthographe vicieuse pour Rougemont; Röschmont, prononciation tudesque du nom roman, ainsi que Rossmont et Rottschmont; Rothberg et Rottenburg (incorrect), traduction allemande du mot Rougemont.

RUBLI, Rebloz, Reublo, Rubloz, mots patois venant de rubeus (mons), rouge(-mont).

1 Rochia pour rupes, était usité au moyen-âge. Voy. p. 51, note 1. * Telle est, dans l'opinion de M. Moratel, la véritable explication du nom de Rossinière.

Sarine, Saruna, Serona, Serone ou Seroye, Serunaz, Sorona, Sanona. Voy. Sanen, au Glossaire des noms allemands.

SAXE rouge, de saxum rubeum (pour rubrum), la roche rouge. Plusieurs monts et rochers ont conservé le nom latin saxum, sous une forme plus ou moins altérée, telle que saxe, saix, (se) sexe et sas (qu'on retrouve dans sasiema, formé de saxum imum, roche inférieure). De saxe ou saxum vient le dimin. saxet, rocher, en latin saxetum, qui signifie une contrée rocheuse.

SEPEY, dans les documents en langue latine Seppetum, de septum ou de sepes, qui signifie une haie, faite de bois, de branches d'arbres ou d'épines, pour enclore une propriété.

SINGINE. Voyez Sense au Glossaire des noms allemands.

TINE (la), en patois la Tinaz. Ce mot, de même que l'italien tina ou tino, vient du latin tina ou tinum et signifie un grand vase d'une forme particulière, ou une espèce de tonneau. Il servit à désigner l'étranglement ou le resserrement du lit de la Sarine, et la gorge ou le défilé qu'on nomme le Pas de la Tine. (Voyez p. 65). Quiconque a vu la Tine de Montbovon et la Tine de Conflens (près de La Sarra) admettra l'explication que je donne de ce nom. J. de Muller et d'autres après lui ont prétendu que la montagne derrière Gruyère (dont le nom est Cullan) s'appelle en allemand Bokten, et en français la Tine. Je n'ai rencontré dans aucun document ces noms comme désignant une montagne. Je ne crois pas non plus que le gouffre de la Sarine ait tiré

'T. I, p. 349, n. 166 de l'éd. all. de 1825.

son nom d'une montagne. La Tine, dont l'origine est latine ou romane, a été rendu en allemand par Bocken ou Bokten. Voyez ce mot.

Cp. la Taouna près de Grandvillars, et la Tinière.

TORNERESSE, vient de tornare, tourner, mettre en mouvement, et resse, ou raisse (dans un doc. de 1550), qui, en patois, signifie une scie.

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VANEL «lo vanel», «del vanel», n'est pas plus celtique que Charmey et d'autres mots de la Gruyère et de la Suisse romane en général. Il n'est pas exact de dire que ce mot n'a probablement pas d'autre origine que le mot ven ou van, si commun, dit-on, dans les idiomes celtiques où il aurait la même signification. Ce serait également une erreur de croire que d'un prétendu mot celtique Vanel nous est venu le français venelle. Vanel est un mot que la langue romane revendique de plein droit, et qu'il faut lui restituer. Je ferai d'abord observer que le patois a changé, dans une foule de mots l'e en a, et réciproquement. C'est une affaire de dialecte qui ne doit pas nous arrêter. Venel, ou Venelle (plus usité) signifie une petite rue, (on dit enfiler, prendre la venelle), un chemin étroit, serré, ardu (comme était celui qui conduisait au château du Vanel et dont une partie subsiste encore). C'est ainsi que l'explique le Glossaire de Ducange: «Venella et venula, viculus, angiportus, via strictior, Gallis venelle. » Dans l'acte de fondation du monastère de Norwich, cité par Ducange, on lit aquæ quidem terra S. Michaelis incipit ad caput eiusdem venellæ quæ quondam

V. Les Etudes sur l'histoire littéraire de la Suisse, de M. le prof. Daguet, p. 8.

* C'est l'opinion de l'auteur du Conservateur suisse, T. IV, p. 271.

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iacuit inter cimeterium... et mansum... ». Il se peut qu'aujourd'hui le Gruérien désigne par lo vani le pic de ses montagnes, mais je doute que ses ancêtres aient entendu par là autre chose qu'un passage en général, un sentier ou chemin étroit, difficile, qui conduisait au sommet d'un mont, d'une colline, ou d'un rocher.

Remarquez que le mot Vanel n'est point la propriété exclusive du dialecte gruérien. On le rencontre dans plusieurs quartiers de la Suisse romane, où il n'a pas pu avoir la signification d'une éminence ou d'une cime de montagne. Ainsi, par exemple, dans un document de 13822, il s'agit de la vente d'une a vigne sise au vanel ». On appelle encore aujourd'hui de ce nom un terrain ou quartier attenant à la ville de Cully; ce ne pouvait être autrefois qu'un chemin ou sentier étroit. Il y a près de Bex un vanel, qui n'est ni un roc ni un sommet de montagne; il en est un autre dans le pays de Gex. Mais voici des détails plus curieux et plus concluants.

On lit dans une charte du 9 juin de l'an 1242 que Rodolphe, comte de Neuchâtel, vendit à l'abbaye des Bénédictins de Cerlier la pêcherie ou le droit de pêche qu'il avait au Vanel, « piscina de Vanel »; de plus, « omnia iura » que habebam in Thela maiori ab eius exitu, quo profluit a lacu Novicastri usque ad alveum collateralem, ubi influit » in maiorem predictam Telam » 3.

Une autre charte, du 29 septembre 1249, enseigne que le comte Berchtold (de Neuchâtel) et son fils Rodolphe cédè

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Soloth. Wochenbl. (Feuille hebdomadaire de Soleure), de l'an 1827,

p. 240. et Kopp, Gesch. der eidgen. Bünde, L. IV, p. 61 et la note 6.

MEM. ET DOCUM. IX. 1.

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rent à l'abbaye susdite le droit qu'ils avaient de pêcher dans la Thièle dès le lac de Neuchâtel à celui de Nugerol (appelé dans la suite lac de Bienne), a in piscaria de Thela a lacu Novicastri usque ad lacum de Neural», afin que la navigation de la Thièle ne pût être aucunement empêchée à l'avenir.

Le rapprochement de ces deux passages montre qu'il s'agit du droit de pêche dans la Thièle, de la pêcherie dite du Vanel. Or, quiconque a vu la contrée qu'arrose la Thièle entre les deux lacs nommés ci-dessus, dira que le mot trèscommun de Vanel n'indique pas une éminence, et qu'il ne peut avoir d'autre signification que celle que nous avons établie.

Je ne puis m'empêcher de citer encore un passage du Supplément au Glossaire de Ducange, au mot Vanella. Il est tiré d'une charte de 1344 Item creant... dicti con>sules... curatores seu gardiatores operum et ædificiorum,

D

parietum, vanellarum, aygueriarum, stilicidiorum... » Il est évident qu'ici, comme en d'autres endroits, vanel ne peut désigner qu'un passage ou chemin.

Enfin, je trouve que, dans la haute Gruyère, le mot vanel avait conservé, au XVIIe siècle, sa signification primitive je doute qu'il l'ait perdue depuis. Dans la « Délimitation des deux châtellenies de Château-d'OEx et de Rougemont faite le 12 mai de l'an 1663», il est dit que la limite va par l'arête de la montagne de Tissinivaz à un » autre crêt, et de là contre les rochers et hauts vanels à » une roche noire devers la montagne des Champs.... »

1 Soloth. Wochenb. de l'an 1829, p. 309. Kopp, ibid., p. 82 avec les

notes 7 et 8.

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