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ferme et lui donne son nom; la plaine dite Sierne piqua, la plaine de Mocausa, ancien nom de la Verda, bel alpage à l'extrémité de la vallée de Vertchamp'.

Toutes les localités que nous avons nommées ci-dessus formaient jadis la paroisse de Château-d'OEx, car le temple de St.-Donat fut jusqu'après l'introduction de la réformation la seule église paroissiale du mandement de Châteaud'OEx. Le village de Rossinière n'avait qu'une chapelle, dédiée à St.-Antoine.

III. Le Mandement et châtellenie de MONTSALVENS s'étendait sur la rive droite de la Sarine, dès le Pas de la Tine jusque sur la rive droite de la Jogne et du Javro.

Le château de Montsalvens, siége des seigneurs de ce nom, issus de la maison de Gruyère, et connus dès le XIIe siècle, était situé un peu plus bas que le village de Châtelsur-Montsalvens, non loin du confluent de la Jogne et de la Sarine. Il reposait au bord d'un affreux précipice, sur une colline ou Motte, au-dessus de la gite, c'est-à-dire du pâturage à mi-côte, dit de Bataille. Ce nom, loin de rappeler le souvenir d'un combat qui aurait eu lieu en cet endroit, servait à désigner une fortification. Il était commun à beaucoup de châteaux forts flanqués de tours, qu'on appelait aussi Bastilles. Un document du mois de juin de l'an 1281 nous apprend que les Fribourgeois s'étant emparés de cette forteresse, elle échut à Richard de Corbières, seigneur de Bellegarde,

1 Voir pour plus de détails le « Coup d'œil sur une contrée pastorale des Alpes, dans le Conservateur suisse, T. IV, et la Notice sur Châteaud'OEx. ibid.. T. V.

qui en reçut l'investiture pour sa part'. On a conclu des ruines éparses d'anciennes constructions à l'existence de deux châteaux de Montsalvens 2, dont l'un au bord d'un précipice, sur la droite du chemin qui conduit de Broc à Charmey, aurait été le fort pour lequel Richard de Corbières fit hommage aux Fribourgeois en 1281; l'autre un peu plus élevé, sur la hauteur dite de Bataille, aurait été le château qui donna son nom à la châtellenie de Montsalvens, et qui ne sortit de la maison de Gruyère qu'en 1555. Cette hypothèse crée une difficulté qu'on ne peut résoudre. Je ne crois point à l'existence de deux châteaux de Montsalvens qui auraient appartenu à deux seigneurs différents. Il est beaucoup plus probable qu'il y eut en cet endroit une grande fortification composée de deux forts ou châteaux, l'un supérieur ou Monsalvens-dessus, au delà du torrent de la Jogne, à gauche du chemin qui conduit de Broc à Charmey, sur la hauteur qu'on appelle la gile de Bataille, l'autre inférieur, ou Montsalvens-dessous, à droite du chemin, sur un roc coupé à pic; là il fallait s'arrêter, rétrograder ou se précipiter. Une muraille d'enceinte, flanquée de tours, aboutissait à la bretêche élevée sur le bord du ravin qui sert de lit à l'impétueux torrent. L'un de ces deux châteaux qui dans notre opinion formaient ensemble une forteresse, com

« Cum Friburgenses... castrum de Montsarwayn ceperint, et id castrum ad manus meas devenerit, in parte mea me contingente»... Voyez le Recueil diplomatique de M. Werro, T. I, N° XXXIV.

M. Werro, ibid., p. 116. L'auteur de la Course dans la Gruyère, p 92-93. Combaz, Histoire inédite de la Gruyère, T. II. Bourquenoud, ms. Dans une de ses notes ms., M. Daguet considère aussi les deux constructions dont nous avons parlé, comme ayant formé une seule forteresse. Kuenlin avait déjà énoncé, à ce sujet, une opinion qui s'accorde avec la mienne. Voyez Die Schweiz in ihren Ritterburgen, T. I, p. 356, 357 et 362.

mandait la vallée de Charmey, l'autre, celle de Corbières, et (de même qu'au Vanel) le chemin étroit, ardu, qui conduisait de Broc à Charmey, passait sous les portes ou dans l'enceinte de cette vaste construction, laquelle barrait le passage, défendait le défilé, et protégeait la Gruyère contre les incursions des sires de Corbières et contre les attaques des Fribourgeois, qui cependant parvinrent à s'en rendre maitres en 1281. Ce château fut bientôt rendu à la maison de Gruyère. Il est certain qu'elle le possédait en 1289, puisque cette année, le comte de Gruyère et son neveu firent hommage lige au comte de Savoie pour les châteaux de Gruyère, de Montsalvens, du Vanel et d'OEx', hommage qui s'étendit en 1404 à la Tour de Trème 2.

Dans la partie inférieure de cette vaste enceinte on reconnait un fossé très-large et des vestiges de fortifications. Il reste de la partie supérieure une tour carrée, apparemment celle d'où l'une des dernières comtesses de Gruyère, dame de Montsalvens, put suivre d'un œil inquiet son infidèle époux chevauchant du côté de la Monse.

En 1556 (28 sept.), le gouvernement de Fribourg fit examiner et couvrir la tour de Montsalvens; en 1671 (11 décembre), il la fit revêtir d'un toit plat: devenue inutile, elle fut abandonnée aux injures du temps. Cette imposante ruine, comme celle du Vanel, a bravé les orages des siècles. On devine à son aspect ce que dut être un jour la Bataille élevée contre les turbulents voisins de la maison de Gruyère.

1 Document du 18 avril 1289.

"Document du 3 juillet 1404:

Cahier de M. l'archiviste Daguet, et le Ms. Bourquenoud.

La châtellenie de Montsalvens comptait plusieurs villages, entre autres celui de Broc, situé dans l'angle méridional que forme la jonction de la Jogne et de la Sarine et que domine la Dent de Broc. Le véritable nom de ce joli village, tel qu'il se présente dans la plupart des documents, est Broch, « villa de broch ». Il est déjà question de Broc dans un acte de l'an 998'. La paroisse de Broc est une des plus anciennes du pays. Suivant une tradition, l'église paroissiale de ce village, dédiée à St.-Blaise, fut consumée vers l'an 1001, année d'une grande sécheresse, par un incendie qui n'épargna que le prieuré et la maison forte près du pont. Elle ne fut pas rebâtie, faute d'argent. Dès lors les offices de paroisse se firent dans l'église de St.-Omar. Nous ne pouvons établir la vérité de ce fait par des preuves certaines. Nous avons déjà dit que le prieuré bénédictin de St.-Omar de Broc, dépendant de celui de Lutry, fut annexé en 1577 au chapitre de St.-Nicolas de Fribourg. On n'a que peu de détails sur ce prieuré. Ses archives qui, d'après un document du XVe siècle, devaient être réunies et conservées dans une caisse, sont très-probablement devenues la propriété du chapitre de St.-Nicolas, où elles restent enfouies au détriment de la science historique. Le vieux bâtiment adossé au pont et connu dans les anciennes chartes sous le nom de maison forte ou de château de Broch 3, ap

'Cahier de M. l'archiviste Daguet.

' Combaz, Histoire inédite de la Gruyère, T. I. Voir la charte du 8 août 1458.

Le pont de pierre, d'une construction hardie, fut jeté sur la Sarine en 1579, suivant une note de M. l'archiviste Daguet. Il y en avait sans doute un autre auparavant.

5 « Domus fortis de Broch», docum. du 29 avril 1368. « Castrum de

partint primitivement aux nobles de Broc ', et dans la suite aux seigneurs de Montsalvens, puis aux comtes de Gruyère. Quand l'état de Fribourg vendit les fonds du comte Michel, un bourgeois de cette ville, nommé Fruyo, qui fut ensuite bailli de Gruyère, fit en 1557 l'acquisition de cette maison forte, qui subsiste encore aujourd'hui. Les seigneurs de Broc avaient droit de justice, des fourches patibulaires hors des terres du prieuré, près du village de Botterens. Ce droit passa ensuite à la seigneurie de Montsalvens, et depuis à celle de Gruyère".

La châtellenie de Montsalvens comprenait, outre Broc, les villages de Châtel et de Crésus, du moins en partie; et plus au sud, le Grand-Villars, appelé autrefois Vilar, avec l'église paroissiale de St.-Jaques près de ce village on admire la cascade du torrent de la Taouna, « dont les eaux écumantes tournoient dans les cavités d'une coquille avant de hasarder le saut ". » Le Buth est un hameau entre Grand-Villars et Lessoc, village dont le site est un des plus riants de la Gruyère. A une demi-lieue de cet endroit on remarque un pont couvert, d'une construction hardie, qui

Broc», docum. du 5 avril 1455. Bourquenoud dit qu'on appelle cet ancien manoir le burgstall. Ce mot allemand signifie château fort.

1 On rencontre un Turincus de Broyc, dans le Vidimus de la fondation du prieuré de Rougemont, de 1115; un Hugo de Broc, frère de Vilermus, miles, vers l'an 1160; un Willelmus de Broc, en 1290; un nobilis vir Rodulphus de Broc, en 1328.

2 Voir la charte du 29 avril 1368.

3

Course dans la Gruyère, p. 89, note, et Bourquenoud, ms.

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P. ex. dans le Cartulaire du chapitre de Lausanne, p. 23.

Course dans la Gruyère, p. 68. et Kuenlin. Dict. du canton de Fribourg, au mot Grand-Villard.

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