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APPENDICE.

Nous rassemblons, dans un supplément, quelques détails qui n'auraient pas facilement trouvé leur place dans le cours de cet ouvrage.

J.

DES NOMS PROPRES.

A propos des noms propres, dont il a été dit un mot ci-dessus, pages 107 et 151, nous remarquons ce qui suit:

1. Des noms de personnes.

La plupart des noms de personnes que nous avons rencontrés non seulement dans notre Cartulaire du comté de Gruyère, mais encore dans un grand nombre de documents relatifs à d'autres contrées de la Suisse romane, appartiennent aux langues du nord. Cette observation paraît surtout applicable aux noms d'hommes. Tels sont les suivants : Aimo ou Aymo et Haimo, Albertus, Amalricus, Anselmus, Bernardus, Bertholdus, Boamundus, Cono, Cuno et Cœnetus, qui sont formés de Conradus; Ebal ou Hebal, Franciscus, Georgius, Girardus, Godefridus, Gualcherus ou Valcherus et Walcherus, Gualterus ou Walterus, Guarnerius ou Warnerius, Guerricus, Guibertus ou Wibertus, Guido ou Guigo et Wido, Guillelmus et Willelmus ou Guillermus et Willermus, Henricus, Hubertus, Hugo et Ugo, Humbertus et Umbertus, Joceranus, Jocelinus, Jordanus,

MEM. ET DOCUM. IX.

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Lambertus, Landricus, Lodovicus, Mermetus, Nanthelmus, Nicodus ou Nicolaus, Rabodus, Rainaldus ou Reinaldus, Robertus, Radulfus ou Rodulfus, dont les Romans, rejetant le d, ont fait Raoul, Roul, Rou et Ruil'; Richardus, Rogerius, Thurimbertus, Torincus ou Turincus, Udalricus, soit Uldricus ou Ulricus.

Quelques-uns sont des noms ecclésiastiques, tels que Jacobus, d'où on a fait Jaquetus et Jaqueta; Johannes, d'où viennent Johanna et Johanneta, et Petrus, d'où se sont formés le nom masculin Perrodus et les noms féminins Petronilla, Perroneta, Pernette.

Parmi les noms de femmes qui appartiennent aux langues du nord, nous remarquons les suivants: Adela, Adelais, Adelina, Agnes, Alix, Beatrix, Bertha, Catharina, Ermengardis ou Irmengardis, Gertruda, Guillermeta ou Willermeta, Henrietta, Isabel, Isabelle ou Isabeau, Jordana, Luqueta (de Ludowica?), Mermeta, Odelina, etc.

D'autres noms de femmes sont d'origine grecque ou latine, tels que Agatha, Ambrosia, Anastasia, Bastiana 2, Bonna, Cæcilia, Claudia, Clementia, Columba, Constantia, Contesseta, Helena, Juliana, etc.

1

On trouve, dans certains documents, Vallis Rodulfi ou Vallis Rodulî, d'où on a fait Vaus de Ruil et Val de Ruz, laquelle vallée est aussi désignée sous le nom de Vallis de Roerio. Voy. Kopp, Gesch. der eidgen. Bünde, L. IV, p. 87, note 7.

2

Pour Sebastiana, du grec σεβαστός οι σεβαστή.

Le mot Contessète, nom de baptême d'une Dame de Gruyère, épouse de Rodolphe, seigneur de Montsalvens, père de Pierre du Vanel, n'est apparemment que le diminutif de Comtesse, formé du latin comitissa. La lettre m a été remplacée par n, comme dans l'italien contessa. On rencontre dans le Cartulaire de St.-Père de Chartres, p. 428, une dame, épouse de Hugue, vicomte de Châteaudun, nommée Comitissa ou Comtesse, nomine Comitisse. »

2. Des noms de familles.

Pendant longtemps le campagnard, l'artisan, le simple homme libre n'eurent d'autre nom que celui que le prêtre leur avait donné. L'homme du peuple ne connaissait son égal ou son pair que sous le nom que celui-ci avait reçu à l'église. On disait: Pierre fils de Pierre ou de Rodolphe. Mais le plus souvent, pour distinguer un individu d'un autre qui avait même nom que lui, on le désignait par un surnom. Les surnoms, déjà communs à l'époque où s'établit la féodalité, étaient ordinairement placés après le nom de baptême. Les chartes de nos contrées nous en fournissent un bon nombre.

Les uns sont empruntés des qualités physiques des personnes: Petrus albus, P. blancus (Blanc, Leblanc), Nicoletus niger (Noir, Lenoir), Willelmus rufus (Rufi, Rouge, Rousseau, Roux, Leroux); Aimus pilosus, etc.

Tel surnom rappelle un vice de la parole: Uldricus balbus (Bègue, Bégoz); tel autre annonce une qualité morale: Uldricus sapiens (Lesage).

Il en est qui sont tirés des produits de la terre, p. ex. Petrus panis et vinum.

D'autres sont empruntés à des animaux: Petrus lupus (Loup), Boso piscis (Poisson), etc.

Plusieurs se rapportent aux habitudes personnelles: Paganus manducans lardum (mâchelard); Petrus morandus (Morand).

Les uns marquent des pays, ou l'origine: Petrus de Germania, Petrus dictus thotonicus, Peronet li alamant.

D'autres se rapportent à quelque localité, à quelque propriété, etc. Jaquetus deis cullayes (Descoulayes), P. de bosco

ou del bosco (Dubochet, Dubois), W. de subtus viam (Soulavie), R. dou villar, et dou willere (Duvillars), P. de esserto (Delessert, Desessarts), W. de prato (Dupraz, Dupré), P. de puteo (Dupuis), etc.

Un grand nombre de surnoms se rapportent à la profession: Willelmus fabri (Fabri, Fabre, Favre), Johannes sutor, P. carpentarius (Charpentier), Rodulfus li pelliciers, P. molenarius (Meunier, Mounier), P. monachus (Lemoine).

D'autres indiquent un office: Johannes mistralis (Mestral), R. maior ou Mayor, P. cellerarius (Cellérier), R. marescallus (Maréchal). Remarquons encore les noms de Chastellain ou de Châtelain et de Tschachtlan.

Une foule de surnoms ont des origines diverses: Willelmus campus avene (Champd'avoine), P. panis avene (Paind'avoine), Petrus cognominatus miles (Chevalier, Lechevalier), Stephanus dictus ou cognomine appellatus comes (Comte, Lecomte), P. nomine rex (Roi, Leroi), Guillelmus dictus imperator (L'empereur). Ces hommes sont des taillables, de simples tenanciers du XIIIe siècle.

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Avec l'affranchissement des serfs, l'augmentation des prudhommes ou des paysans libres et propriétaires, et la formation des communes coïncide l'hérédité des surnoms, qui constituent par conséquent de vrais noms de familles. Ainsi, p. ex., le fils d'Uldricus balbus, au XIIIe siècle, s'appelait Perretus balbus, preuve que ce surnom, passant de père en fils, était devenu un véritable nom de famille héréditaire. Il en était de même des surnoms rufus, niger, faber, paganus (Payen), etc.

1 Voy. pour plus de détails sur cette matière, en ce qui concerne la France, les Prolég. du cartul. de St.-Père de Chartres, § 67 et suivants

Enfin, nous ferons observer que des noms de baptême sont devenus des noms de famille: p. ex. Guarinus ou Warinus, Gualterus ou Walterus, Guarnerius ou Warnerius, Germundus, Henricus et d'autres.

II.

DU DROIT DE JUSTICE.

(Voyez ci-dessus, p. 300-301.)

Avant que le comté de Gruyère se fût accru de la seigneurie et châtellenie de Corbières, il comprenait quatre mandements militaires ou bannières, qui s'appelaient Gruyère, Montsalvens, Château-d'OEx et le Vanel. Chacun de ces noms était le nom d'un château fort, manoir ou siége de quelque seigneur de la maison de Gruyère, qui, en raison des droits attachés à ce château, était le justicier du territoire ou de la juridiction qui en dépendait.

Y avait-il dans la Suisse romane, notamment dans la Gruyère, des cas où la justice fût tenue indépendamment du château, comme provenant d'une inféodation différente? ou plutôt n'y avait-il que des justices inséparablement attachées au château, qui fissent corps de fief avec lui, et où la justice dût suivre la concession du château comme une annexe ou une dépendance?

Le second cas nous paraît seul admissible '.

Cependant les quatre anciens mandements du comté de Gruyère formaient ensemble six châtellenies, attendu que ceux de Gruyère et du Vanel comprenaient chacun deux châtellenies, à savoir: le premier, les châtellenies de Gruyère

1 Voy Boutaric, Traité des droits seigneuriaux, p. 442.

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