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» et le seigneur de Corbières. Cette guerre ayant duré quelque temps, ils s'accordèrent enfin et arrangèrent > l'affaire comme il suit, savoir que notre seigneur le comte » de Gruyère démolirait la tour (turrim) qu'il avait sur la » Motte, et des pierres de ladite tour édifierait l'église de > St.-Donat, qui existe maintenant, et donnerait la Motte › avec ses dépendances, ainsi que les libertés et franchises » de ladite église, au curé, pour lui, ses successeurs et les › habitants...... Tant que l'église fut au lieu dit le Chanoz, le curé de ce lieu s'appela curé d'Oyes (d'OEx), mais

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depuis sa transformation sur la Motte, le curé se nomma > curé de Château-d'Oyes, et la villa attenante à la Motte » ayant été donnée au curé, fut dès lors appelée villa de › l'Eglise, nom qu'elle a conservé........ »

La vérité de ce récit fut attestée par des hommes notables et dignes de foi, est-il dit à la fin de l'acte intéressant dont nous venons de traduire la partie essentielle.

Il résulte de la relation qu'on vient de lire que l'église primitive du Pays-d'Enhaut fut construite non sur le rocher tapissé de verdure et boisé qu'on appelle la Motte, mais au lieu dit lo Chanoz ou le Chêne, sur une petite colline à quelques minutes du château, où est le hameau qu'on nomme la Frasse, et que jusqu'à l'époque où le château d'Ogo fut métamorphosé en un temple auquel l'antique beffroi sert de clocher, elle porta le nom d'Eglise d'OEx1. C'est ainsi qu'elle est appelée au XIe siècle (dans l'acte de fondation du prieuré de Rougemont), et à la fin du XIIIe, dans les ‹ Extentes » ou rôles-censiers de Château-d'OEx, qui n'ont

1 « Ecclesia de « Oit» et « de Oyes » chapitre de Lausanne de l'an 1228, p. 23.

de Ooiz, dans le Cartul. dụ

pas été consultés jusqu'ici, et qui méritaient de l'être, car ils offrent quelques détails précieux, et confirment ce qui a été dit ci-dessus de la position et du nom de la plus ancienne église des Alpes occidentales'.

De ces divers renseignements nous concluons, d'une part, que la fondation de l'église actuelle de Château-d'OEx remonte à peine au delà du XIVe siècle ; de l'autre, que l'église d'OEx existait au XIe et que vers la fin de ce siècle elle était la seule église paroissiale qu'il y eût dans le Paysd'Enhaut. Elle avait alors des dîmes et des revenus dans les environs, preuve qu'à cette époque la vallée d'OEx était habitée et que la culture des terres et l'éducation du bétail y avaient déjà fait des progrès.

La fondation de l'église d'OEx fait supposer un accroissement de la population d'alentour, ainsi que le désir de poursuivre l'œuvre de la civilisation. Ces deux circonstances concoururent à la construction d'un nouvel édifice consacré à la religion. L'église paroissiale dédiée à St.-Donat, laquelle comprenait les laboureurs et les pâtres du val d'Ogo, fut la mère de l'église de St.-Nicolas de Rougemont, qui comprit à son tour les paysans d'un autre quartier, et donna naissance à celle de Gessenay.

Partout où s'établissait une corporation religieuse, où s'élevait une chapelle, une église, un monastère, il y avait nouveau défrichement, nouvelle culture, nouvelle vie.

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<< On chanoz in confinio

1 << Ecclesia de Oyz», Extente de l'an 1276. ante castrum ». Autre Ext. de la fin du XIIIe siècle. · -Sub ecclesia ont chanoz. » — « Ecclesia dœz. » << Perrochia doz. » Ibid.

'La date au moins probable de la construction de ce temple est importante. Si le doyen Bridel l'eût soupçonnée, il se serait moins égaré dans ses conjectures sur la guerre du comte de Gruyère et du seigneur de Corbières. Voir le Geschichtforscher, T. II, p. 238 et suiv.

Les sons redoublés de la hache et de la pioche, les cris du bétail animaient tour à tour la contrée où durant des siècles avait régné le silence du désert. Celui-ci construisait une habitation, l'entourait d'un enclos, soignait sa chenevière; un autre labourait ses novales, fécondait ses guérêts, ou menait paître un troupeau. A certains jours, à certaines heures, pâtres et laboureurs se réunissaient en un lieu saint pour célébrer ensemble les louanges de l'Eternel. Si on en croit la tradition, ce peuple, bien que soumis à la loi du servage, passait une vie paisible et champêtre, que ne venaient troubler ni le tableau affligeant de la misère, ni l'aspect des richesses qui excitent l'envie.

Au delà du Vanel et à l'autour étaient les Alamans. A cette race appartenaient les premiers défricheurs des contrées que baignent le lac de Thoune, la Simmen et la Kander, ainsi que les premiers colons et les premiers pâtres de la partie orientale du comté de Gruyère. Mais la date présumée de certaines fondations religieuses dans l'Oberland bernois, en donnant une opinion trop avantageuse du progrès de la culture des terres dans cette partie de la Suisse, ferait conclure à un défrichement précoce du territoire situé entre l'Aar et la Sarine. En effet, si on consulte la tradition ou le rapport fabuleux de quelque chronique, les églises de Spiez et de St.-Béat, au lac de Thoune, auraient été fondées en 662; celle de Scherzligen en 763. L'église qui passe pour la plus ancienne de la contrée est l'église d'Einigen, dont la tradition fait remonter l'origine au delà du VIIe siècle. Le chroniqueur Anshelm et, après lui, plusieurs historiens ont attribué la fondation de l'église d'Amsoldingen à la reine Berthe, femme de Rodolphe II, roi de la Bourgo

gne transjurane, qui l'aurait consacrée en 933. Le roi, son époux, aurait annexé à l'antique église d'Einigen douze églises filiales, dont voici les noms : Frutigen, Leuxingen, Eschi, Wimmis, Uttigen, Thierachern, Scherzligen, Thun, Hilterfingen, Sigriswyl, Amsoldingen et Spiez'. Suivant une légende rapportée par Gruner, chaque année avant la Réformation, à certains jours, une voix faisait entendre, dans l'église de Könitz, ces mots : « Nous célébrons l'anniversaire du roi Rodolphe et de la reine Berthe, fondateurs de cette église. * »

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Ce n'est pas sans raison que, de nos jours, on a révoqué en doute l'authenticité de ces relations, qui, loin d'être appuyées de preuves positives, semblent devoir leur naissance à la supposition gratuite que l'Oberland bernois fut le berceau des souverains du second royaume de Bourgogne 3.

L'église de St.-Etienne, dans le Haut-Simmenthal, date peut-être de l'an 1040. Environ quarante ans plus tard, celle de Rüggisberg venait d'être fondée. Le monastère d'Interlaken et l'église voisine de G'steig sont cités dès le XIIe siècle, et le prieuré de Dierstetten dès la première moitié du siècle suivant. Admettons que ces dates permettent d'attribuer à ces églises une origine moins moderne, nous ne sommes cependant nullement autorisés à les croire aussi anciennes que plusieurs écrivains l'ont pensé. Tout

1 Voyez Burckhardt, Untersuchungen, etc. (Recherches sur les premiers babitants des Alpes), dans les Archives de la Société suisse d'histoire, T. IV. p. 99. Stettler, die Regesten der Archive etc., T. Ier, 2e livraison, p. 17. Fetscherin, dans les Mémoires (« Abhandlungen ») de la Société d'histoire de Berne, T. Ier, p. 352 et suiv.

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Fetscherin, ibid., p. 364.

Voyez Stettler, ibid. L'art de vérifier les dates, T. X. p. 383.

annonce, au contraire, que les bords du lac de Thoune ne furent pas défrichés aussi tôt qu'on l'a dit. La culture s'avança plus lentement encore vers les montagnes. Sur la fin du XIe siècle, la contrée du Montcuchin (Guggisberg) était un désert. Ce fut alors seulement qu'on se mit à la défricher.

Le Cartulaire du chapitre de Lausanne mentionne comme paroisses qui, en 1228, faisaient partie du doyenné d'Ogo, les églises de Bellegarde et de Gessenay. A cette époque l'église de G'steig ou du Châtelet et celle de Lauenen n'existaient pas elles ne furent fondées que beaucoup plus tard. Dans la première moitié du XIIIe siècle, les doyennés d'Ogo et de Berne comprenaient l'un vingt-huit, l'autre vingt-neuf paroisses; d'où nous inférons qu'à cette époque, non-seulement la Basse-Gruyère, mais tout le pays entre l'Aar et la Sarine était défriché et peuplé.

J'ignore pourquoi M. Burckhardt, qui a eu sous les yeux l'abrégé du Cartulaire de l'Eglise de Lausanne, publié avec une carte par M. Matile, recule la fondation de l'église de Bellegarde à l'an 1249, celle de l'église de Gessenay à 1444, tandis que l'auteur du dit Cartulaire, le prévôt Conon d'Estavayer, qui ne pouvait ignorer le nombre réel des églises du diocèse de Lausanne, et qui en fit le catalogue en 1228, nomme les églises paroissiales que nous avons citées. La date que M. Burckhardt assigne à la fondation de l'église de Gessenay paraît avoir été empruntée à Kohli, qui, dans son Histoire du pays de Gessenay, a dit (p. 18) que l'église de ce nom fut fondée en 1444 et inaugurée en 1447. Ces deux dates se rapportent nécessairement, soit à la restauration, à la reconstruction et à l'agrandissement de l'ancienne église, soit à sa translation sur le tertre qu'elle occupe (comme il est arrivé, par exemple, à celle de Château-d'OEx). Il est certain que depuis longtemps il existait une église de Gessenay. Dans le rôle-censier du château et mandement du Vanel, fait en 1312, on lit plusieurs fois de tel ou tel censitaire qu'il doit à cette église « debet ecclesie de Gissiney. De plus, on trouve ailleurs, sous l'an 1382, Dom Ulrich Webert, curé de Gessenay, et en 1408, D. Chrétien Pochen, curé de ce lieu. Cahiers de M. l'arch. Daguet.

MEM

ET DOCUM. IX. 1.

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