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Ces hauts vanels ne sont ni des rochers ni des montagnes, soit saxes ou saxels, comme on disait encore, mais les hauts passages ou les sentiers élevés, étroits, ardus, qui servaient de lignes de démarcation.

D'où vient le mot vanel, vanelle ou venelle? « Les uns, dit Ducange, le font dériver de venire ». Lui-même pense qu'il vient de vena. Je partage l'opinion du savant Ducange. On sait que vena (veine) se disait au figuré de toute raie, de tout méat, conduit, passage ou canal étroit. Par analogie on a bien pu donner au diminutif venella, qui est notre venelle, le sens de petite rue, de passage étroit et serré.

Le mot de veine, ou petite veine (vena, venella) était une expression très-propre à désigner l'un ou l'autre de ces mille sentiers et chemins étroits qui traversent en serpentant nos monts et nos vallées.

Le mot allemand, très-usité en Suisse, qui correspond à vanel ou venelle, est Steg. Voyez G'steig.

VAULRUZ, signifie « rio de la vault », ruisseau de la vallée, vallis rivus, que l'allemand rend exactement par Thalbach. VILLA; Villar, Villard, Villars (seul bon), noms de localités nombreuses dans les pays de langue romane; wil, wyl, wiler, wyler, weiler, plus usités dans les contrées allemandes. Dans un document de la Suisse romane se trouvent ces mots : « près dou wilere », pour du villars.

La villa désigne, dans un temps: 1° l'habitation romaine ou gallo-romaine au milieu des campagnes et de la population agricole; 2o un centre d'exploitation des grands do maines. Ces terres comprenaient des habitations plus ou moins rapprochées, plus ou moins nombreuses, dont les

Voyez Guizot, Histoire moderne, 35o leçon.

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différents systèmes formaient, suivant les cas, une villa, une villula, un villaris. M. Guérard pense que, dès le VIIIe siècle, on doit entendre en général par villa un village avec son territoire, et par villaris, un hameau avec les terres qui lui appartenaient. Ces deux noms paraissent plus tard dans la Gruyère. Il n'était pas rare que la villa eût une église et formât une paroisse rurale; ainsi, par exemple, alta villa, Hauteville, dans la seigneurie de Corbières. Cependant on trouve en tout temps une quantité de lieux qualifiés villa, qui n'étaient pas des paroisses. On donnait encore le nom de villa, comme ceux de castrum et de burgum, à un lieu muré, ceint d'ouvrages de défense, muni d'un château fort, dont les habitants, qualifiés burgenses, formaient une commune urbaine, qui avait sa constitution, soit coutume ou loi municipale; ce qui n'était pas le cas des habitants de la campagne, des villageois ou villains, villani, qui - leur nom l'indique habitaient des villæ. Quelquefois, dans les chartes, la villa est distinguée du villagium. De ces deux noms viennent ceux de ville et de village. villaris ou villare-d'où viennent wiler et weiler, — n'était dans l'origine qu'un écart ou une dépendance de la villa, un hameau, ou un petit nombre de maisons champêtres écartées l'une de l'autre et de la paroisse. Cependant certaines ville ne formaient pas une paroisse, tandis que des villars dont la population s'était augmentée, avaient une église paroissiale, tels que Grandvillars, Villarvolar, et d'autres.

Le

Le mot villa s'est conservé dans une foule de noms qui se terminent par ville, ou wil (wyl), et le mot villaris se

Proleg. du Polypt. d'Irminon, § 25.

présente dans un grand nombre de localités romanes et allemandes qui se terminent les unes par villiers, les autres par weiler, wiler ou wyler.

VOÈTES (les). Ce village, situé au pied du château fort d'Aigremont, était protégé par ce manoir, et le défendait à son tour. Les habitants étaient apparemment tenus d'observer ce qui se passait aux environs, de faire le guêt, la waiti', wacta (en vieux allemand), die wacht, ou, comme on disait encore, les gaytes, guêtes, ou waites. De là, si je ne me trompe, le nom de ce village.

'Cartulaire du chapitre de Lausanne, p. 487.

2

Ibid. p. 601 prononcez ouaites, exactement comme on prononce les Voètes. On dit en patois waiti (prononcez ouaiti, ou vouaiti) pour regarder, épier, guéter.

CHAPITRE VI.

De l'état des personnes.

A l'époque où le comté de Gruyère prend sa płace parmi les états constitués, à l'époque où commence son histoire politique, nous sommes, pour ainsi dire, dans un monde nouveau. Le règne des mœurs et des lois romaines n'a laissé çà et là que de faibles traces, les temps des Franks mérovingiens et des Bourgondes sont loin de nous, le siècle de Charlemagne est passé, les institutions de ce prince sont dès longtemps tombées en désuétude, l'œuvre de la centralisation et de la fusion des peuples, hardiment conçue par son puissant génie, s'est convertie à sa mort en une œuvre de dissolution, et de l'édifice magique élevé par l'habile architecte qui pensait recomposer et consolider le monde romain, il ne reste que des ruines. La décomposition du vieux monde a repris sa marche, elle aboutit à la décentralisation organisée, au morcellement du territoire et du pouvoir, à l'érection d'une foule de petites souverainetés locales. Toute l'économie sociale est changée. Hâtons-nous de le dire: Nous sommes en pleine féodalité. Les lois des Barbares, d'abord modifiées par les lois romaines ou fondues avec elles, ont été remplacées par les Capitulaires, qui, à

leur tour, ont disparu devant les lois et les coutumes féodales. De même, les différentes classes de personnes non libres tendant à se confondre, finissent par tomber ensemble dans le servage et à former, pour ainsi dire, une seule classe de personnes, celle des villains, ou mainmortables. Depuis longtemps il ne s'agit plus de leudes ou d'antrustions, ni de rachimbourgs et de scabini, ni de lètes ou de lides. Nous allons nous trouver tour à tour au milieu des serfs, des colongiers, qui perpétuent la classe des colons, des affranchis et des colliberts, des hôtes et des prudhommes, des chevaliers et des bourgeois. Au degré supérieur de cette échelle apparaît la noblesse aventureuse et guerrière, quelquefois généreuse, plus souvent insolente. Ici la terre sert la terre, et la personne sert la personne : jusqu'au faite de la hiérarchie sociale, chaque membre a au-dessus de soi quelqu'un dont il est l'homme.

Malgré ses défauts, la société féodale vaut mieux que celle qui l'a précédée. Il y a une amélioration sensible, il y a progrès. Déjà l'homme n'est plus réduit à l'état de chose, il a revêtu sa personnalité. Le surnom qui servait à le distinguer de son voisin homonyme est devenu un nom propre. C'est ainsi que les noms de familles percent et se multiplient, gage certain d'un progrès dans la propriété et, par celle-ci, dans la liberté. L'élément qui prédomine dans la société féodale est germanique, nommément dans la Suisse romane, et, en particulier, dans le pays qui fait l'objet de nos recherches. Cependant tout n'est pas entièrement nouveau dans les temps où nous allons pénétrer. On y remarque, dès l'entrée, comme un mélange confus des siècles précédents. Les vestiges des temps antérieurs ne sont pas tous effacés.

Les documents nombreux que nous avons recueillis pour

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