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de 1831, par une composition intitulée : l'Amour aiguisant ses traits.

A partir de 1841, les époux Ronot, héritiers des Thouvenin, étaient restés seuls propriétaires de l'immeuble et du fonds de commerce de vin. Leur fille, mariée à M. Bauche, en hérita et laissa à son décès, en 1903, la propriété à ses enfants qui la mirent en vente sur la mise à prix de 120.000 francs. L'adjudication en a été prononcée le 22 décembre 1903, au profit d'un des héritiers, moyennant le prix de 172.000 francs.

Depuis plus de vingt ans l'antique réputation de La Ville de Marseille, de La Ville de Stockolm et de La Raquette s'est relevée. De nouveau, c'est un restaurant en renom qui occupe la plus grande partie de la maison.

Nos 28 et 30.

Ces deux numéros ne forment, depuis 1810, qu'une seule propriété, mais chacun à son histoire qui mérite d'être relatée séparément.

I. N° 28.

La Herse en croissant. - L'apothicaire Fraguier et le docteur Joncquet. Les Bailly de la Chesnaye. - Le

franc de Jettonville. L'avocat Huerne de La Mothe et

Mile Clairon.

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Le cafetier Maliban.

tier. Emery limonadier.

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de Buci.

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Le café Roy.

Grande maison de quatre étages bizarrement surmontée de deux étages de mansardes, et ornée de consoles ou mascarons sculptés attestant son origine du XVIe siècle.

Elle forme l'encoignure de gauche de la rue Bourbon-leChâteau sur laquelle donne la porte cochère servant de seule issue aux locataires des appartements.

Vers 1640, après le percement de la petite rue créée par François de Bourbon sur les anciens terrains de Jean de Moussy pour servir d'entrée au Palais abbatial, il existait ici trois petites maisons enchevêtrées l'une dans l'autre, et n'ayant qu'une seule porte donnant sur la nouvelle voie. Elles appartenaient et servaient d'habitations à François Fraguier, maître apothicaire et à son gendre, Messire Denis Joncquet, docteur Régent de la Faculté de médecine et médecin du roi. Les registres de la paroisse Saint-Sulpice nous apprennent qu'en 1645, le docteur Joncquet eut le malheur de perdre sa femme, Françoise Fraguier, décédée en son logis rue de Buci, mais qu'il se remaria et que sa seconde femme lui survécut jusqu'en 1691. Sa propriété personnelle était la maison d'encoignure qui paraît avoir été aussi sa demeure jusqu'à sa mort. A côté était celle de François Fraguier qui y tenait son officine, à l'enseigne de La Herse, puis de La Herse en Croissant. Se retirant sans doute des affaires, le 20 juin 1656, il vendit cette maison à une dlle Anne Godin qui épousa peu de temps après André Bailly (ou Lebailly) de la Chenest (ou de la Chesnaye). Quelques années plus tard, en 1675, les époux Bailly avaient acquis aussi la maison Joncquet et se trouvaient propriétaires des trois petits immeubles jumeaux de l'encoignure.

Vers la même époque, dans une des boutiques donnant sur la rue de Buci, se fonda la première maison de café installée dans Paris.

L'Arménien Maliban avait entrepris d'abord cette innovation dans une baraque de la foire Saint-Germain; ayant

réussi, il résolut de se fixer aux environs et choisit la rue de Buci qui était le chemin fréquenté de la foire. Il céda son fonds, au bout de quelque temps, à un de ses garçons nommé Grégoire qui lui-même le revendit au Persan Makara (1).

En 1678, Jean Bailly de la Chesnaye succéda à ses père et mère et fit sa déclaration de propriété à l'Abbaye. Peu de temps après, en 1681, la maison fut saisie par ses créanciers et adjugée, par sentence du 6 septembre, à sa femme Marie Bachelier pour le paiement de ses reprises. Celle-ci, devenue veuve, en était encore propriétaire en 1730, mais laissa bientôt, en mourant, sa fortune à ses trois enfants.

Le 16 septembre 1739, les héritiers Bailly vendirent leurs trois maisons, donnant sur la rue de Buci et sur la rue du Petit-Bourbon-Château, moyennant 47.000 livres, à Armand-Claude Lefranc de Jettonville, avocat au Parlement. Ce dernier démolit ces vieilles masures et construisit à la place la maison qui existe aujourd'hui. Le rez-dechaussée fut divisé en trois boutiques dont deux sur la rue de Buci et une sur la rue de Bourbon-le-Château. Elles furent occupées dès 1745 par un parfumeur, un cafetier limonadier et un papetier. On voit dans Jaillot qu'à cette époque une boîte aux lettres était fixée sur la boutique du parfumeur au coin des deux rues.

Le papetier donnant sur la rue Bourbon-le-Château, était, à partir de 1756 tout au moins,Jollivet l'aîné, fils du premier Jollivet que nous avons rencontré dès 1730 au n° 10, sous l'enseigne de L'Image Notre-Dame. S'établissant pour son compte quelques maisons plus loin, il avait

(1) Voir: Franklin, Le café, le thé et le chocolat, p. 43.

Sté Hue DU VIe.

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1905.

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duite

pris pour enseigne : L'Image de Sainte-Geneviève (repropar nous précédemment à côté de la précédente). L'appartement du premier étage au-dessus de l'entresol fut donné à bail pour six ans, le 31 mars 1746, par Lefranc de Jettonville à un de ses confrères du barreau, FrançoisCharles Huerne de La Mothe. Cet avocat, inscrit depuis 1737, avait quitté passagèrement la barre à l'époque de cette location, pour la place de directeur général des domaines de Son Altesse Mademoiselle de Sens, mais reprit bientôt sa profession première et obtint sa réinscription au tableau en 1752. C'était un jurisconsulte sérieux, qui publia des Essais de jurisprudence et un traité sur l'Esprit ou les principes du droit canonique, mais c'était en même temps un littérateur épris de théâtre, il en publia une apologie, - et un fervent admirateur de la célèbre Clairon, ce qui l'entraîna dans une fâcheuse aventure. En 1760, cette grande artiste dont les aventures galantes étaient légendaires et que de mauvaises langues avaient surnommée Frétillon, s'imagina de se désoler de l'excommunication qui frappait les acteurs. Elle écrivit sur ce sujet un mémoire qu'elle soumit à Huerne de La Mothe en lui adressant une lettre commençant ainsi (1):

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Monsieur, la confiance que j'ai en vos lumières et la juste douleur que me cause l'excommunication, et par conséquent l'infamie qu'on attache à mon état, me fait vous prier de jeter les yeux sur les mémoires ci-joints, etc...

Sous cette aimable inspiration, La Mothe composa et publia un ouvrage intitulé: Libertés de la France contre le pouvoir arbitraire de l'excommunication, ouvrage dont on est spécialement redevable aux sentiments généreux et

(1) E. de Goncourt, Mademoiselle Clairon, p. 188, note 1.

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supérieurs de Me Clai... Cet écrit parut subversif et scandaleux. On le dénonça au Procureur général qui le déféra au Comité des Anciens du barrreau. Par décision de ce Comité, confirmée par un arrêt du Parlement rendu en audience solennelle le 22 avril 1761, Huerne de La Mothe fut frappé de la radiation du tableau des avocats et il fut ordonné que son livre serait brûlé par la main du bourreau au bas de l'escalier du Palais.

Mile Clairon, émue de cette condamnation dont elle était un peu la cause, sollicita et obtint du duc de Choiseul, pour le malheureux avocat, un emploi à Versailles au ministère des affaires étrangères.

Comment et depuis combien de temps Huerne de La Mothe était-il en relations avec la Clairon? Celle-ci, dans ses Mémoires, en parle assez dédaigneusement en disant qu'elle reçut la visite de M. de La Mothe qu'elle n'avait jamais vu, et qui venait la prier de lui rendre service; puis, elle raconte qu'ayant parlé entre autres choses de l'excommunication, cet homme assez instruit avait écrit son mémoire sans même la consulter. Cette version, forgée par la Clairon longtemps après, est démentie par la lettre rapportée ci-dessus, par le titre de l'ouvrage, et par son contenu. Il est certain que Huerne de La Mothe avait lu les écrits que lui avait adressés Me Clairon, en avait longuement conféré avec elle et s'est trouvé ainsi entraîné par celle dont il vantait les sentiments généreux et supérieurs. Il est, d'autre part, intéressant de remarquer qu'en 1746, justement à l'époque où La Mothe s'installait rue de Buci, M1le Clairon y habitait aussi, depuis ses débuts à la Comédie française en 1743. Elle demeurait, dit-elle dans ses Mémoires, rue de Bussy près la rue de Seine et l'abbaye Saint-Germain, et, dans un autre passage, elle ajoute :

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