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avoir gardé l'ancienne enseigne : La Cour impériale. On rencontre en effet, à plusieurs reprises au XVIIIe siècle, la mention d'une maison de la rue de Buci, connue sous cette désignation.

En 1700, c'est M. Feuillet, maître de danse, auteur de la Chorégraphie ou l'art de décrire la Dance par caractères, figures et signes démonstratifs, qui donne son adresse pour l'achat de son ouvrage : rue de Bucy, faubourg SaintGermain, à la Cour impériale.

En 1753, le rez-de-chaussée est occupé par Quingret, perruquier, rue de Bucy, à la Cour impériale, qui tient des chambres garnies et ne regarde pas de trop près à la qualité des locataires. Un rapport de police du 16 mai, fait connaître qu'une demoiselle Le Vasseur âgée de dix-sept ans, grande, bien faite et assez jolie, vient d'y être installée par un mousquetaire qui a loué pour elle, chez le susdit perruquier, une chambre, un cabinet et un grenier moyennant vingt-quatre livres par mois. Le même rapport parle du voisinage, profitable pour la demoiselle, d'une matrone appelée la Montbrun, sans préciser si cette dernière habitait la même maison (1).

Enfin, en 1760, on signale, parmi les hôtels garnis connus à Paris, celui de la rue de Bucy, à la Cour impériale, où l'on peut se loger à raison de 18 à 30 livres par mois (2).

Entre-temps, la propriété était passée, en 1719, à la veuve de Jean Debresnes, puis, en 1727, à Henri Millon et Auguste-Louis Millon, ses petits-fils, issus d'un premier mariage de ladite dame, et enfin à Henri Millon seul, héritier de son frère. La fille unique de ce dernier, Catherine-Louise

(1) Archives de la Bastille n° 10,238.

(2) État ou tableau de la Ville de Paris (Prault, 1760).

Millon, épousa Jean-Louis Girault, notaire, qui paraît, vers 1768, avoir fait disparaître l'enseigne de la Cour impériale.

Après la mort du notaire Girault, et par suite de divers partages, sa maison de la rue de Buci, réunie à une autre donnant sur la rue des Boucheries, échut à sa fille MarieLouise Girault, femme de Guillaume-André Delignac avocat général au Parlement. Les époux Delignac habitaient encore ces deux immeubles réunis, lorsque, par acte du 1er germinal an VIII, ils les vendirent tous deux moyennant 44.000 francs à un Suisse nommé Samuel Bory. Celui-ci, par le même acte, les leur donnait à bail moyennant un loyer de 4.500 francs.

Le 6 mars 1811, Samuel Bory revendit la maison du no 33, seule, à Mme veuve Reimbole. Enfin, le 2 avril 1846, Mm veuve Auffray en fit l'acquisition et la réunit aux nos 29 et 31, ainsi que nous l'avons dit, pour en faire un seul immeuble qui reçut, à partir de 1850, le n° 27.

Aucun locataire notable ne nous a été signalé dans cette maison depuis la période révolutionnaire. A une époque moderne, en 1870, on y doit mentionner la demeure du professeur Dreyss, auteur de plusieurs ouvrages d'histoire estimés.

N° 29

La Ville de Marseille. - La Ville de Stockolm. Raquette. - César Grosjean. Pierre Cherré. Président Langlois de la Fortelle. Les Gravet.

La

Le

Un grand établissement de bouillon-restaurant occupe tout le rez-de-chaussée et le premier étage. C'est l'an

cienne maison Hennebuisse qui jouit d'une bonne réputation parmi les gourmets. De temps immémorial, comme on va le voir, cet immeuble important a été occupé, en tout ou en partie, par des hôteliers ou traiteurs.

Au xvire siècle, c'était une auberge ayant pour enseigne La Ville de Marseille, puis La Ville de Stockolm. Le Livre commode des Adresses de Paris publiait en 1692 qu'on y mangeait à table d'hôte pour 15 sols pår tête.

L'immeuble appartenait à César Grosjean, conseiller du roi et dame de Soulas sa femme. Le 15 juin 1695, ils le donnèrent en dot, par contrat de mariage, à leur fille qui épousait Pierre-Jean Cherré, conseiller du roi, maître à la Chambre des comptes dont il devint plus tard Président.

De ce mariage naquirent trois enfants : une fille aînée, Geneviève-Sophie, qui épousa Robert Langlois de la Fortelle, Président à la Chambre des comptes; une deuxième fille mariée à Potier de Novion, Président à mortier au Parlement de Paris; et un fils, Jean-BaptisteLouis Cherré qui se fit prêtre, fut docteur en théologie, et en même temps, maître des comptes.

A la mort de la Présidente Cherré, ces trois personnages devinrent co-propriétaires et restèrent en indivision, laissant leur maison de la rue de Buci louée en totalité à l'hôtelier-traiteur de La Ville de Stockolm.

C'était le Président de la Fortelle qui, en qualité d'aîné, gérait la propriété commune et en passait bail en ́se portant fort pour ses beaux-frères. Bachaumont le présente comme un homme d'esprit, « quoique de la chambre des comptes », et auteur, dans sa jeunesse, d'un vaudeville léger et fort caustique » dont le refrain était : Ah! le

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voilà, ah! le voici, celui qui n'en a nul souci! Cependant, d'après une lettre du commissaire Dubuisson de 1735, ce magistrat d'esprit railleur, fut le héros d'une aventure qui fit rire à ses dépens, La Présidente de la Fortelle, malgré des apparences de grande vertu, était, paraît-il, fort liée avec un secrétaire de son mari et avait l'imprudence de lui écrire souvent. Ce secrétaire vint à mourir; le Président fit apposer les scellés sur ses papiers et prit rendezvous avec les héritiers et le commissaire pour l'inventaire. Mme de la Fortelle, très inquiète de ce qu'on pouvait découvrir, pria secrètement le commissaire de sauver son honneur. Celui-ci, en galant homme, essaya d'abord, mais vainement, de détourner le Président d'assister à l'inventaire. Au jour dit, faute de mieux, il s'empressa de jeter dans la cheminée comme papiers sans intérêt, le paquet de lettres dont il avait reconnu la provenance; mais le Président, sans se douter de ce que ce pouvait être, fit ramasser la liasse, en insistant pour que tout fût communiqué aux héritiers présents. Ceux-ci, intrigués, demandèrent aussi à tout voir. On ouvrit le paquet, on se passa les lettres qui furent lues à haute voix, et quelle fut la stupéfaction du pauvre Président en apprenant ainsi son état de mari trompé !

La Présidente mourut peu d'années après, en 1739. Sa sœur, Mme de Novion, mourut jeune aussi sans laisser d'enfants. L'abbé Cherré survécut seul jusqu'en 1761, restant avec M. de la Fortelle, co-propriétaire de l'hôtel de Stockolm. Cette vieille enseigne avait sans doute cessé de plaire. On voit, dans un bail du 23 décembre 1753, que le locataire d'alors, Denis Pougny, marchand de vin, prenant la maison pour neuf années, moyennant 2.000 livres de loyer, avait choisi pour nouvelle enseigne, la Raquette,

signe de ralliement des joueurs de paume des environs. En 1767, la propriété était échue à Jean-Baptiste-Joseph Langlois de la Fortelle, qui avait succédé à son père dans ses biens et dans sa charge de Président à la Chambre des comptes. Par contrat du 21 août, il vendit la maison de la Raquette, au prix de 40.000 livres, à Joseph Gravet, marchand de vin, qui y avait son établissement comme successeur de Denis Pougny.

A la mort de Joseph Gravet, sa fortune et son fonds. de commerce passèrent à son neveu Charles Gravet qui les conserva juqu'en 1791. A ce moment, par suite de licitation entre sa veuve et ses enfants, la maison fut adjugée, par jugement du 26 mars 1791, moyennant 78.050 francs aux époux Berquier, marchands de vin comme leurs prédécesseurs. Déjà, depuis 1768 au moins, la Raquette n'occupait plus tout l'immeuble, mais seulement une boutique ne prenant que la moitié du rez-dechaussée, l'autre moitié étant louée à un mercier. Il en était ainsi encore en 1790, et le commerce du s* Ducornu, mercier et marchand d'indienne, s'étendait même au point d'occuper en outre le premier étage. Néanmoins, en 1814, à la mort de Hilaire Berquier, son fils continual d'exploiter l'ancien fonds de marchand de vin-traiteur et se fit consentir dans ce but, par sa mère et ses cohéritiers, un bail de la première boutique à partir d'avril 1815.

En 1823, la propriété fut licitée entre les héritiers Berquier, et adjugée le 10 décembre, pour 75.550 francs aux époux Thouvenin et Ronot, marchands de vin. La maison portait alors, depuis 1806, le no 35. Elle était la demeure d'un artiste de talent, Julien-Marie Jouanin, graveur en médailles et pierres fines, qui avait eu le Grand prix de Rome en 1809, et se fit remarquer, notamment au Salon

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