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LA RUE DE BUCI

SES MAISONS ET SES HABITANTS

(Suite)

N° 27.

(Anciens nos 29, 31 et 33)

La propriété portant actuellement le n° 27, s'est trouvée formée de trois maisons réunies seulement en 1846 et désignées alors par les n° 29, 31 et 33. Il y a donc à rechercher, au moins pour la période antérieure à 1846, les origines distinctes de ces trois anciens immeubles.

I. No 29. Mondion. - Fulcrin André. - Fabre. — Le journaliste Bénard. — Auffray.

Pour cette première partie (n° 29), nous n'avons, jusqu'à l'époque de la Révolution, que des renseignements vagues et incomplets.

D'après une désignation des tenants et aboutissants de la maison suivante, il y aurait eu ici, vers 1630, un jardin appartenant à un s" de Beaumont. Quarante-cinq ans plus tard, en 1675, le Plan figuré du faubourg Saint-Germain, 1905.

sté Hque DU VIo.

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fait par Claude Du Bairieu (1), mentionne à cette même place la propriété du s' Mondion. Cette dernière indication paraît confirmée par deux déclarations notariées faites à l'Abbaye, la première, en 1721, par Pierre Mondion, la deuxième, en 1727, par le mandataire des consorts Roydot se disant héritiers du susdit Mondion (2). Mais les déclarations de propriété qui ont dû être faites postérieurement, ne se retrouvant pas malheureusement aux Archives, la série des propriétaires qui se sont succédé nous échappe et l'identification reste douteuse.

A la date du 27 mai 1770, on rencontre, dans le registre des insinuations, l'acte de vente d'une maison dont la désignation se rapporte à ce même emplacement de la rue de Buci. Le vendeur est Messire Paul de Grasse de Rouville, comte de Grasse, et l'acquéreur est le s' Fulcrin André, marchand chapelier, « demeurant rue de Bussy », probablement, comme on le verra, dans la propriété vendue. Le prix stipulé est de 32.000 livres. Quatorze ans après, en 1784, par suite de licitation entre les héritiers André, l'adjudication en est prononcée au profit de JeanBaptiste Fulcrin André, moyennant le prix exorbitant de 60.050 livres.

Ici, existe encore une lacune dans nos renseignements. Puis, le Registre foncier de l'Enregistrement nous apprend qu'en 1809, le no 29 appartenait à un s' Joseph Fabre qui acquit également le n° 31. Enfin, les titres de la propriétaire actuelle mentionnent que, par jugement du 25 avril 1818 rendu à la requête de la dame Leroux de la Magdelaine, épouse divorcée de feu Eustache Maillard Fabre, les

(1) Arch. nat. KK 1015.

(2) Arch. nat. S. 2839.

deux immeubles, nos 29 et 31 réunis, furent adjugés aux époux Auffray moyennant 55.650 francs.

En 1846, Mme veuve Auffray agrandit encore cette propriété par l'acquisition du n° 33, et son fils, par acte du 24 avril 1863, vendit le tout à M. Deshayes, horloger, établi depuis longtemps dans la maison, lequel est l'auteur direct de la propriétaire actuelle.

Comme locataires et habitants, il faut signaler d'abord, de 1790 à 1806, alors que cette maison avait le n° 32 puis le no 407, le chapelier Delessement, successeur probable de Fulcrin André, commerçant notable du quartier sous la Révolution, et qui devint plus tard propriétaire du no 26 où il transporta son domicile. Au-dessus de la boutique. du chapelier, demeurait, en 1791, Denis-Alexandre Bénard, jeune et ardent publiciste de vingt-quatre ans, associé à une maison de commerce de Saint-Domingue. Lors de la guerre civile qui ensanglanta cette colonie française et en ruina le commerce, Brissot, apôtre de l'émancipation des esclaves, prit la défense des hommes de couleur. Le 1er décembre 1791, il fit à la Législative, un long discours en leur faveur, attribuant leur révolte à la tyrannie des blancs, et, dans la séance du 3 décembre, il proposa la mise en accusation du Gouverneur et de tous les membres de l'Assemblée générale de Saint-Domingue. Bénard prit au contraire le parti des colons français, et voulut en appeler à l'opinion publique. Il rédigea, fit imprimer et placarder dans tous les quartiers de Paris une affiche intitulée : A M. Brissot, sur son projet de décret concernant Saint-Domingue, signée B..., volontaire patriote de la Section du Luxembourg. Cette affiche, contenant de violentes attaques contre Brissot, fut saisie par la police, et, le 10 décembre,

procès-verbal fut dressé contre Bénard qui s'en reconnut l'auteur. Cependant l'affaire n'eut sans doute pas de suites sérieuses, car, peu de temps après, Bénard entreprit de fonder le Journal du commerce de l'Europe dont les bureaux étaient rue de Bussy no 32. Le premier numéro prospectus (1) de huit pages, daté du 17 février 1792, donnait des nouvelles détaillées de Saint-Domingue, puis rendait compte du mouvement commercial et maritime. des ports de France et des colonies. Ce journal commença de paraître régulièrement le 2 avril 1792, disparut en 1793, reparut de l'an V à l'an VIII; enfin en 1811 fusionna avec le Journal de Paris (2). En 1794, Bénard fut poursuivi et emprisonné avec le libraire Gattey, sous l'inculpation de menées contre-révolutionnaires, mais il eut le bonheur d'être acquitté, tandis que Gattey fut condamné à mort (3).

Trente ans plus tard, en 1820 et 1821, un autre journaliste qui habita aussi cette maison, fit quelque bruit dans le monde; ce fut Auguis, écrivain, puis député et enfin bibliothécaire de la Mazarine jusqu'à sa mort survenue en 1846.

De 1827 à 1834, les almanachs d'adresses mentionnent à ce n° 29, une étude d'huissier tenue par Bazin puis par Pilleux, et un horloger nommé Stronval, prédécesseur de M. Deshayes devenu en 1863 propriétaire, comme nous l'avons vu.

En 1834, demeurait aussi dans la maison, Me Bessin, peintre de fleurs, élève de Redouté. Elle obtint une mé

(1) Coll. pers.

(2) Voir M. Tourneux, Bibliographie de l'hist. de Paris pendant la Révolution, t. II.

(3) Bulletin du Tribunal révolutionnaire, no 38, p. 151; Wallon, Hist. du Tribunal révolutionnaire, t. III.

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