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comme son père l'art de barbier-chirurgien. En 1636, ce dernier était donc mitoyen avec René de Bueil, lorsqu'il apprit que le Paon était saisi et affiché en vente publique par les nombreux créanciers de son noble voisin. Nous avons dit que les deux propriétés étaient, comme elles sont encore maintenant, fort enchevêtrées l'une dans l'autre; il y avait notamment une allée aboutissant à la cour de la maison du Paon, passant à travers la maison du Croissant et servant à l'écoulement des eaux. Jacques Mesnard se plaignait, sans doute avec raison, de l'infection de ce ruisseau et prétendait en faire ordonner la suppression. Par acte du 11 avril 1636, il s'opposa à la vente annoncée, jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la contestation pendante. Peut-être le comte de Sancerre, partie saisie, ne fut-il pas fâché de cet incident qui retardait sa dépossession, car, grâce à cette procédure, la mise aux criées fut ajournée pendant cinq ans. Enfin, en 1641, le Parlement décida qu'il serait passé outre à la vente, à la charge par l'adjudicataire de faire son affaire du procès pendant.

Le 8 juin 1641, l'adjudication fut prononcée au profit de Michel Mesnard, marchand panacher ordinaire du roi et bourgeois de Paris, en présence de Messire René, sire de Bueil, comte des Marais, démissionnaire de feu Messire Jean, sire de Bueil, chevalier des ordres du roi, comte de Sancerre, Grand Echanson de France, qui était héritier de défunte Anne de Bueil, duchesse de Bellegarde, laquelle était aussi héritière de défunte Anne de Bueil, dame de Fontaine-Sancerre.

La maison vendue était ainsi décrite :

Maison faubourg Saint-Germain où était ci-devant pour

enseigne le Paon, proche le Pilori de l'Abbaye de Saint-Germain, consistant en trois corps de logis, le premier sur le devant appliqué par bas à une cave et au-dessus à une allée, salle basse à côté, trois étages de chambres hautes dont la dernière est en galetas et petit grenier au-dessus, les deuxième et troisième corps de logis étant sur le derrière et à côté appliqués par bas, l'un à salette, l'autre à écurie, deux étages de chambres et grenier au-dessus, le toit couvert de tuiles, cour au milieu, puits à l'un des coins d'icelle, à côté de l'allée où est la porte pour entrer ès-dits lieux est une autre allée et porte dépendantes de ladite maison vendue, enclavées dans la maison joignante appartenant au sieur Menard, chirurgien.

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Le nouveau propriétaire, Michel Mesnard, simple marchand de panaches, succédant aux sires de Bueil, était-il frère, parent, ou seulement homonyme des Mesnard chirurgiens? Nous n'en savons rien, mais ce qui est certain, c'est qu'il n'y eut pas encore réunion entre ses mains et fusion des deux héritages, et que le procès pour l'écoulement des eaux de la cour resta en suspens. Le barbier Jacques Mesnard mourut dans sa maison du Croissant, le panacher Michel Mesnard mourut de son côté, et le ruisseau malpropre continua de couler comme par le passé. Mais, en 1670, un homme habile, rompu à la pratique de la procédure, succéda aux Mesnard chirurgiens, par suite de son mariage avec une demoiselle Catherine ou Laurence Mesnard. C'était Claude Amyot, principal commis au greffe criminel du Parlement de Paris. Par suite de la succession recueillie par sa femme au décès de Laurence Le Roy, veuve du premier Mathurin Mesnard, puis d'une adjudication du 3 avril 1670, puis enfin d'un abandonnement consenti le 24 décembre 1674 par Mathurin Mesnard, deuxième du nom, Claude Amyot acquit, du chef de sa femme, puis en son

nom propre, la totalité de la propriété du Croissant. Il reprit l'instance introduite en 1636 par Jacques Mesnard et la poursuivit contre la veuve et le fils du marchand panacher, et le 14 avril 1676, juste quarante ans après le premier acte de procédure, il obtint un arrêt du Parlement qui déclara sa maison libre de toute servitude, et ordonna que Marie Turpin, veuve de Michel Mesnard et son fils seraient tenus de faire écouler leurs eaux de leur côté et de refaire, à cet effet, la pente du pavé de leur cour, à peine de mille livres d'amende.

Claude Amyot, après ce succès, continua longtemps encore de jouir de sa propriété et d'exercer son emploi de greffier au Parlement. En 1716, une ordonnance royale, instituant une chambre de justice pour la recherche et punition des abus et malversations au fait des finances, le désignait encore spécialement pour en être le greffier. Il mourut en 1718, laissant un fils, PierreClaude Amyot, avocat au Parlement, demeurant à l'hôtel des Ursins, qui resta propriétaire de la maison de la rue de Buci et en fit sa déclaration en 1727.

D'autre part, le 15 septembre 1690, il avait été procédé au partage des successions de Michel Mesnard le panacher et de Marie Turpin sa femme. La maison où pendait toujours pour enseigne le Paon, formant le quatrième lot du partage, était échue à Marguerite Mesnard, femme de Michel Lyonnard, marchand papetier, qui s'y installa. En 1716, Anne-Marguerite Lyonnard, héritière de sa mère, en passa déclaration en mentionnant qu'elle y demeurait. Onze ans plus tard, en 1727, elle renouvelait la même déclaration conjointement avec son frère Augustin-Léopold Lyonnard, co-propriétaire avec elle, chacun pour moitié.

Vers cette époque, les deux propriétés contiguës, donnaient directement sur le marché au poisson, établi de ce côté de la place Sainte-Marguerite. La boutique des Amyot, louée à un limonadier nommé Renard, n'était séparée de la boutique des Lyonnard louée à un fruitier que par une allée servant d'entrée aux Lyonnard, mais prise sur le terrain des Amyot, et aboutissant juste aux baraques du marché. En 1732, un orfèvre nommé JeanSimon Gallien profita de cette disposition pour se créer une large installation, en réunissant pour la première fois les deux maisons rivales. Ayant repris le bail du limonadier Renard chez les Amyot, et loué aussi la boutique Lyonnard, il sollicita la permission d'ouvrir une porte dans le mur séparatif de l'allée, ce qui lui fut accordé par une convention passée devant Duport, notaire, le 26 mai 1732 et signée par Pierre-Claude Amyot, alors ancien avocat au Parlement, Augustin-Léopold Lyonnard et Anne-Marguerite Lyonnard. Ce fut le premier acte de fusion des deux héritages.

Le 16 février 1741, les Lyonnard donnaient à bail leur maison entière, moyennant 2.200 livres de loyer aux époux Gallien, à charge de laisser jouir le fruitier Pierre Bigand d'une boutique divisée en deux salles, et de trois chambres, pendant deux années encore. Gallien s'obligeait à faire établir sous ses enclumes les piliers nécessaires à la solidité des voûtes des caves. Dans la description des locaux loués, on remarque que l'ancienne allée sert de magasin, et que les deux corps de logis de l'immeuble, l'un sur la place du marché, l'autre sur le derrière, ont quatre étages et greniers au-dessus. En 1743, nouveau bail de neuf ans à partir du 1er avril 1744, consenti pour 2.000 livres de loyer au même Simon Gallien,

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