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à M. le Dr Albert-Auguste-Florens Luling, le propriétaire actuel, moyennant le prix de 660.000 francs, contrat en main. La contenance de la propriété est évaluée à 880 mètres. Ce n'est que la fantaisie intelligente d'un esprit curieux qui a poussé M. le D' Luling à prendre ses grades en médecine, car ses intérêts et ses occupations sont à Reims, où il est à la tête d'une des grandes maisons de champagne de cette ville. Il habite cependant le bel appartement du premier dont il a scrupuleusement conservé l'ornementation Directoire.

Lors de cette dernière vente les locataires étaient à peu près les mêmes qu'en 1892, sauf pour la boutique ouest, où les époux Legoubin sont remplacés par la librairie d'art Rapilly. Il paraît que le local qu'elle occupe fut jadis une écurie et qu'on peut encore voir sous les boiseries les points d'attache des mangeoires. Dans la boutique d'angle, le doreur Stahl est remplacé par Alexandre-Jules Couée, marchand de meubles dont le bail de 3, 6 ou 9 années n'est plus que de 1400, 1600 puis 1800 francs. Ce dernier locataire vient du reste d'être tout récemment remplacé lui-même par M. Roux, photographe d'art pour qui on a remis la boutique complètement à neuf avec une fermeture métallique. Les Duméteau ont pour successeurs Mme Berthe-Lydie-Marie Lejay, Vve de M. Plagne, photographe. Quant au premier étage, il fut, après la mort de la marquise de Blocqueville, loué par bail en date du 1er juillet 1893, pour 3, 6 ou 9 années à Me Lassence, moyennant un loyer de 8.000 francs. C'est donc cette dernière locataire que M. Luling trouva dans l'appartenent qu'il se destinait à lui-même, quand il acquit l'immeuble en 1897. C'était une personne âgée et fort originale. L'annonce d'un changement de propriétaire l'irrita et elle dé

clara qu'elle ne laisserait même pas visiter son appartement par le nouvel acquéreur. Pour pénétrer, M. Luling dut se présenter à l'improviste avec une serviette sous le bras, en se faisant passer pour le commis de l'architecte, et en alléguant, d'accord avec M. Rapilly, une prétendue fuite d'eau dans l'épaisseur des murs. Il trouva l'appartement dans un état d'abandon et de malpropreté inimaginables.

Mile Lassence vivait enfermée dans les pièces du devant, ne sortant guère, et se faisant passer sa nourriture par un judas pratiqué dans une porte. Elle ne voulait même pas que son unique domestique pénétrât dans les pièces qu'elle habitait. Quand par hasard elle mettait le pied hors de chez elle, un équipage invraisemblable l'attendait à la porte et ses harnais de l'an quarante surchargés d'ornements faisaient retourner les passants. Dans le grand salon, par terre et à même sur le parquet, était un dépôt de bois et de charbon. Heureusement elle avait recouvert les murs de vieilles tentures de reps qu'elle préférait aux beaux panneaux blanc et or qui furent ainsi préservés. On alla jusqu'à dire que, se méfiant du lait qu'on lui vendait, elle avait fait monter une vache dans son appartement. Ce cancan de quartier qui n'est qu'une légende montre cependant de quel renom d'originalité elle jouissait.

Mais ce ne fut là qu'une détresse momentanée et aujourd'hui, grâce au goût de leurs nouveaux habitants, les beaux salons de l'ancien hôtel de Transylvanie où d'Hillerin pria, où Des Grieux tricha, où Mme de Gramont économisa, où Lautrec trépassa, où Fontaine de Biré trembla, où Péan de Saint-Gilles instrumenta, et où la marquise de Blocqueville trôna, ces beaux salons ont retrouvé leur lustre d'antan.

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Relevons en terminant une erreur de Lefeuve dans ses << Anciennes maisons de Paris », tome V, page 346 - : il prétend que l'hôtel, qui porte le n° 9 du quai Malaquais a appartenu au comte de Brienne et ne fut, à deux reprises, que la doublure d'un hôtel contigu plus important dont la démolition a permis d'agrandir l'école des Beaux Arts. L'un et l'autre, ajoute-t-il, furent à Mazarin.

Il suffit de jeter les yeux sur la série ininterrompue des titres de propriété que nous citons pour souligner l'erreur. Quant à la confusion avec l'hôtel d'à côté qui fut l'hôtel du ministre de la police générale, il n'en est trace nulle part dans toutes les pièces que nous avons eues en main. Quant au comte de Brienne, il ne fut jamais propriétaire que de l'hôtel qui porta son nom, qui devint plus tard l'hôtel de la police générale et qui est aujourd'hui disparu. Ce qui pourrait expliquer cette double erreur, c'est qu'en 1775, l'ancien hôtel de Brienne appartenait au duc de Mazarin; d'autre part l'hôtel de Brienne, d'après Berty (Topographie historique du vieux Paris), fusionna bien à plusieurs reprises avec son voisin, mais avec son voisin de gauche et point du tout avec notre hôtel. M. le Mis de Rochegude, dans son Guide pratique à travers le vieux Paris, a reproduit l'erreur de Lefeuve.

Nous ne voulons pas clore cette notice sans exprimer tous nos remerciments à M. Luling, à l'amabilité de qui nous devons la communication des titres de propriété sans lesquels notre travail eût été impossible. Nous n'oublierons pas non plus notre président, M. Herbet et notre collègue, M. Henri Masson qui ont bien voulu nous aider par la communication de renseignements précis et intéressants, notamment plusieurs noms de locataires importants qui nous manquaient. Nous n'aurions garde d'oublier non plus

M. Roux, le photographe d'art qui habite l'immeuble et qui est attaché en qualité de photographe à la Commission du vieux Paris. C'est à ce double titre qu'il s'est intéressé à ce travail et qu'il a bien voulu nous offrir gracieusement les photographies de l'hôtel de Transylvanie que nous reproduisons aujourd'hui.

Léo MOUTON.

PUBLICISTES ET PUBLICATIONS PÉRIODI-
QUES EN 1848 DANS LE VI ARRONDISSE-
MENT (1).

L'année dernière, en étudiant les clubs de 1848 (2), nous avons pu nous rendre compte d'une partie de l'activité politique qui existait alors dans notre arrondissement (3). Mais l'action des clubs fut naturellement secondée par un grand nombre de journaux et par des publications d'actualité. Nous essayerons d'en établir chronologiquement une nomenclature aussi complète que possible; sans négliger toutefois les publications moins nombreuses d'où la politique est exclue. Nous aurons ainsi un aperçu de l'activité intellectuelle du XI® arrondissement, en cette année si pleine d'événements.

Parmi les auteurs de ces publications, les uns sont célèbres, et il suffira de citer leurs noms; les autres les plus nombreux complètement inconnus ou bien

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(1) Cf. Bibliographie de la France ou Journal général de l'imprimerie et de la librairie; XXXVII année; Paris 1848. Hatin (Eugène), Bibliographie historique et critique de la presse périodique française ; Paris, - Daniel Stern, Histoire de la Révolution de 1848 ; 2o édit.; Paris,

1866. 1862.

(2) Cf. Bulletin de la Société historique du VI® arrondissement de Paris, année 1904, nos 3 et 4, pp. 120 et 121.

(3) Inutile de rappeler que la plus grande étendue du VI arrondissement actuel formait alors une partie du XIa.

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