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tueux travaux, il entend le char de la fortune, qui en rentrant fait trembler la maison. L'homme opulent et débauché, voisin du malheureux par le local, éloigné de lui à mille lieues par le coeur, se couche, fatigué du plaisir, lorsque l'autre s'arrache au sommeil. Le riche a perdu ou gagné sur une carte ce qui aurait suffi à l'entretien d'une famille entière, et il ne lui vient point à l'idée de soulager les souffrances de son semblable.

» L'écrivain est souvent placé entre ces contrastes frappans, et voilà pourquoi il devient véhément et sensible; il a vu de près la misère de la portion la plus nombreuse d'une ville qu'on appelle opulente et superbe, il en conserve le sentiment profond, Sil eût été heureux, il y a mille idées touchantes et patriotiques qu'il n'eût pas eues. Orateur du plus grand nombre, et conséquemment des infortunés, il doit défendre, leur cause; mais la défend-on quand on n'a pas senti le malheur d'autrui,

c'est-à-dire, quand on ne l'a point par tagé?»

RÉFLEXIONS SUR LA GRANDEUR DE PARIS.

«VU politiquement, Paris est trop grand:c'est un chef démesuré pour le corps de FEtat; mais il serait plus dangereux aujour d'hui de couper la loupe que de la laisser subsister : il est des maux qui, une fois enracinés, sont indestructibles.

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Les grandes villes sont fort du goût du gouvernement absolu: aussi fait-il tout pour y entasser les hommes; ily appelle les grands propriétaires par l'appât du luxe et des jouissances: il y précipite la foule, comme on enclave des moutons dans un pré, afin que la gueule des matins ayant une moindre surface à parcourir, puisse les ranger plus facilement sous la loi commune. Enfin Paris est un gouffre où se fond l'es pèce humaine; c'est là qu'elle est sous la

elefon n'entre, on ne sort que sous des guichets où règnent des yeux d'Argus. Des barrières de sapin, plus respectées que ne le seraient des murailles de pierres bordées de canons, arrêtent les denrées les plus nécessaires à la vie, et leur imposent une taxe que le pauvre supporte seul; car, dispensé de tous les plaisirs, il ne l'est pas du besoin de manger. Il ne tiendrait 'qu'au prince d'affamer la ville: il tient en cage ses bons et fidèles sujets; et s'il était mécontent, il pourrait leur refuser la béquée : avant qu'ils pussent forcer les barreaux, les trois quarts se seraient mangés, ou seraient morts de faim.

»Il faut que tout le monde vive; car la première loi est de subsister. Je vois cette ville florissante, mais aux dépens de la nation entière. Ces maisons à six étages. tous peuplés, aspirent les moissons et les vignes à cinquante lieues à l'entour; ces laquais, ces baladins, ces abbés, ces bat teurs de paré ne servent ni l'Etat ni la

société, il faut cependant que tout cela subsiste. Il y a des maux politiques qu'il faut tolérer, tant qu'on ne peut y remédier d'une manière sûre; telle est l'étendue dé la capitale on ne fera pas refluer sur les terres ceux qui habitent les chambres garnies et les greniers. Ils n'ont rien, pas même des bras, puisqu'ils sont énervés. Arrête

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-vous aux portes ceux qui entrent ? Conservez donc l'énorme, loupe, puisque vous ne pouvez l'extirper sans mettre en danger le corps politique d'ailleurs... Mais n'anticipons point sur ce que nous avons à faire sentir sur cette ville qui sera toujours chère à un gouvernement dont la tête est aussi disproportionnée qué la capitale l'est au royaume.

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Le czart, lorsqu'il vint à Paris; fut tellement effrayé de sa grandeur, qu'après s'être recueilli, il proféra ces mots : Je la brûlerais, si j'étais le souverain du royaume. II ne l'eût certainement pas fait; mais cet arrêt! prouve qu'il sentait la difficulté d'alimenter! ne aussi grande ville.

On lit dans le tome X du Tableau de Paris, publié en 1788:

Erreur rectifiée.

M. Mercier dit : « Quand on s'est trompé il faut se réformer. Non, Paris n'est point une cité trop grosse et disproportionnée pour la France. Cette figure de rhétorique, que j'avais adoptée, est sans justesse ; car, sans une grande capitale, il ne faut espérer chez un peuple, ni politesse, ni ressources, ni instruction. Les grandes villes ne dévorent point les campagnes; elles ne les rendent que plus florissantes par les moyens de réproduction et de consommation. L'agriculture n'est jamais plus brillante qu'alentour des villes populeuses. Ainsi laissons la capitale avec sa grande population. J'ose dire même que cette ville est nécessaire pour maintenir la liberté nationale; elle impose des soins et des ménagemens particuliers; elle donne le signal à toutes les autres villes; elle est le foyer des lumières; c'est de son ein que partent les cris de joie ou du mé

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