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quelle galerie d'images, pleine de contrastes frappans pour qui sait voir et entendre!

» La prodigieuse conformation de huit

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cent mille hommes entassés et vivant sur le même point, parmi lesquels il y a deux cent mille gourmands ou gaspilleurs, conduit au premier raisonnement politique. Le duc ne paie pas le pain plus cher que le porte-faix qui en mange trois fois plus. Comment n'être pas étonné de, cet ordre incroyable qui règne dans une si grande confusion de choses? Ils laissent apercevoir ce que peuvent de sages lois, combién elles ont été lentes à se former, quelle machine compliquée et simple est cette police vigilante; et l'on découvre du même coup-d'œil les moyens de la perfectionner sans gêner cette liberté honnête et précieuse, l'attribut le plus cher à tout citoyen.

» Si l'on a le goût des voyages, tout en déjeûnant dans une bonne maison, l'on se promène bien loin en imagination.La Chine

et

et le Japon ont fourni la porcelaine où bouillonne le thé odoriférant de l'Asie;

en

on prend avec une cuiller arrachée des mines du Pérou le sucre que de malheureux Nègres, transplantés d'Afrique, ont fait croître en Amérique, on est assis sur une étoffe brillante des Indes, pour laquelle trois grandes puissances se sont fait une guerre longue et cruelle; et si l'on veut être informé des faits de ces débats, étendant la main l'on saisit sur une feuille volante l'histoire récente et fugitive des quatre parties du monde; on y parle du conclave et d'une bataille, d'un visir étranglé et d'un nouvel académicien; enfin jusqu'au singe et au perroquet de la maison, tout vous rappelle les miracles de la navigation et l'ardente industrie de l'homme.

» En mettant la tête à la fenêtre, on considère l'homme qui fait des souliers pour avoir du pain, et l'homme qui fait un habit pour avoir des souliers, et l'homme qui ayant des habits et des souliers, se tourTome I. D

mente encore pour avoir de quoi acheter un tableau. On voit le boulanger et l'apothicaire, l'accoucheur et celui qui enterre, le forgeron et le joaillier, qui travaillent pour aller successivement chez le boulanger, l'apothicaire, l'accoucheur et le:marchand de vin.

+

HABITANS DES GRENIERS.

<< PARLONS d'abord de la partie la plus curieuse de Paris, les greniers. Comme dans la machine humaine le sommet renferme la plus noble partie de l'homme, l'organe pensant, ainsi dans cette capitale le génie, l'industrie, l'application, la vertu occupent la région la plus élevée. Là, se forme en silence le peintre; là, le poëte fait ses premiers vers; là, sont les enfans des arts, pauvres et laborieux, (contemplateurs assidus des merveilles de la nature, donnant des inventions utiles et des leçons à l'univers; là, se méditent tous les chefs

d'oeuvres des arts; là, on écrit un mandement pour un évêque, un discours pour un avocat général, un livre pour un futur ministre, un projet qui va changer la face de l'État, la pièce de théâtre qui doit enchanter lanation. Allez demander à Diderot s'il voudrait quitter son logement pour aller demeurer au Louvre, etécoutez'sa réponse. Presque point d'hommes célèbres, qui n'aient commencé par haber un grenier. J'y ai vu l'auteur d'Emile, content. Lorsqu'ils en descendent, les écrivains perdent souvent tout leur feu, ils regrettent les idées qui les maîtrisaient lorsqu'ils n'avaient que le haut des cheminées pour perspective. Greuze, Fragonard Vernet, se sont formés dans des greniers; ils n'en rougissent point, c'est là leur plus beau titre de gloire.

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Pauvre, fier et

Que le riche escalade ces hautes demeures pour y apporter quelques parcelles d'or, et tirer un profit considérable des travaux de jeunes artistes pressés de vivre

et encore inconnus. Le riche est utile, quoiqu'il soit dirigé par l'avarice, et qu'il cherche à tirer parti de l'indigence où languit l'ouvrier; mais puisqu'il a fait le voya ge, qu'il frappe à la porte voisine.... Oserat-il entrer? Les horreurs de la misère vont l'investir et attaquer tous ses sens : il verra des enfans nus qui manquent de pain; une femme qui, malgré la tendresse maternelle, leur dispute quelques alimens; et le travail du malheureux devenir insuffisant pour payer des denrées que grève le plus cruel des impôts. On a falsifié la nourriture du misérable, et il ne mange presque plus rien tel qu'il est sorti des mains de la nature. Le cri de l'infortuné relentit sous ces toits entr'ouverts et ressemble au vain son des cloches dont il est voisin, qui ébranle l'air et s'évanouit; la langueur le consume, en attendant que l'hôpital s'ouvre et l'englou

tisse.

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Quand cet infortuné s'éveille le matin

pour recommencer ses pénibles et infruc

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