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Il ne faut pas accoutumer le peuple à voir indifféremment couler le sang.

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Nous nous sommes récriés dans notre Journal des Révolutions de Paris, lors des événemens du 14 juillet et jours suivans. On y lit Malheur au peuple qui se fait justice lui-même, qui s'accoutume à faire couler le sang, il finira par s'entr'égorger de sang-froid. Peuples, n'oubliez pas que les proscriptions sanglantes outragent l'humanité et font frémir la nature.

Il est donc urgent qu'on établisse hors de Paris des tueries; qu'on n'entende plus les cris plaintifs du bœuf et du mouton.

Nous avons aussi reproché aux tragédistes l'usage du poignard. Quoi de plus révoltant que de voir un fils assassiner son père, sa mère, et des maris leurs femmes, etc.?

Les jours du marché de Poissy, l'on voit arriver des centaines de bœufs qui s'arTome I. C c

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rêtent paisiblement devant la rue des Boucheries St.-Germain. Là, les lots se. distribuent pour les boucheries des diffé rens quartiers de Paris.

Il est fort heureux qu'il n'arrive pas plus souvent des scènes sanglantes. Néanmoins il ne se passe pas d'année qu'on ne voie quelques malheurs. Nous avons remarqué un boeuf qui, entré dans une allée très-étroite, ne pouvoit avancer ni reculer. Un autre, dans la boutique d'un bijoutier, y a causé un grand dégât, etc.

Si cet animal n'était pas aussi docile, il arriverait tous les jours des accidens.

Souvent un boeuf se détache de la bande et s'arrête tranquillement pour attendre ses camarades.

Il sera difficile de croire qu'un seul homme, avec deux gros chiens, conduise vingt ou trente boeufs dans les rues de Paris, qui sont souvent embarrassées de Voitures.

Une partie du cortége de la cour de l'Empereur allant au Sénat, fut obligée de s'arrêter pour laisser passer très-respectueusement un troupeau de bœufs, qui ne paraissaient pas intimidés par la belle cavalerie et l'infanterie de ce cortége.

Il y a long-tems que la Police a sagement empêché les charcuitiers d'égorger et de brûler les cochons devant leurs portes.

Les femmes de bouchers et de charcuitiers ont ordinairement le teint frais. Il en est beaucoup de jolies.

CRIS DE PARIS.

« Non, il n'y a point de ville au monde où les crieurs et les crieuses des rues aient une voix plus aigre et plus perçante. Il faut les entendre élancer leur voix pardessus les toits; leur gosier surmonte le bruit et le tapage des carrefours. Il est impossible à l'é

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tranger de pouvoir comprendre la chose le Parisien lui-même ne la distingue jamais que par routine.

» Le porteur-d'eau, la crieuse de vieux chapeaux, le marchand de ferraille, de peaux de lapin, la vendeuse de marée, c'est à qui chantera sa marchandise sur un mode haut et déchirant. Tous ces cris discordans forment un ensemble dont on n'a point d'idée l'orqu'on ne l'a point entendu. L'idiôme de ces crieurs ambulans est tel, qu'il faut en faire une étude pour bien distinguer ce qu'il signifie.

» Les servantes ont l'oreille beaucoup plus exercée que l'académicien; elles descendent l'escalier pour le dîner de l'académicien, parce qu'elles savent distinguer du quatrième étage, d'un bout de la rue à l'autre, si l'on crie des maquereaux ou des harengs frais, des laitues ou des betteraves.

» On entend de tous côtés des cris rauques, aigus, scurds, Voilà le maquereau qui n'est pas mort; il arrive, il arrive! Des harengs qui glacent, des harcngs nou

veaux! Pommes cuites au four! Il brûle, il brûle, il brûle! Ce sont des gâteaux froids. Voilà le plaisir des dames, voilà le plaisir ! C'est du croquet. A la barque, à la barque, à l'écailler! Ce sont des huîtres. Portugal, Portugal! Ce sont des oranges.

>>

Joignez à ces cris les clameurs confuses des frippiers ambulans, des vendeurs de parasols, de vieille ferraille, des porteurs-d'eau. Les hommes ont des cris de femmes, et les femmes des cris d'hommes. C'est un glapissement perpétuel; et l'on ne saurait peindre le ton et l'accent de cette pitoyable criaillerie, l'orsque toutes ces voix réunies viennent à se croiser dans un carrefour.

>> Le ramoneur et la marchande de merlans chantent encore ces cris discordans en songe quand ils dorment, tant l'habitude leur en fait une loi. » (Tabl. de Paris.)

Depuis le règne des patentes, on rencontre dans les rues des commerçans dans tous les genres, avec de petites charrettes.;

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