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ministre de collègue au lieu d'Excellence; le ministre lui observa qu'il n'était pas l'Institut. Cependant ce ministre était républicain.

Il existe une grande ligne de démarcation entre les comédiens des premiers spectacles et ceux des spectacles du second ordre.

Lorsque des acteurs du premier ordre ho norent de leur présence un petit spectacle, une cour, composée de toute la troupe, va au devant de ces Messieurs, et plusieurs restent debout dans leur loge comme les aides-de-camp d'un souverain.

Avant la révolution, l'indisposition d'une actrice célèbre occupait toute la Cour : on distribuait des bulletins de sa santé.

Vestris fils, sous prétexte d'une indisposition, refusa de danser un jour que la Reine était à l'Opéra ; mais on lui ordonna d'aller rétablir sa santé dans la prison du Châtelet.

Le père de Vestris se considérait comme

un homme de la plus haute importance; il disait : « Je ne connais que trois grands » hommes en Europe; Vestris,, lé roi dé » Prousse, et Voletaire ».

Lorsqu'un souverain venait à Paris Vestris lui allait rendre sa visite.

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Rien de plus curieux que d'assister à la lecture d'une pièce, devant le tribunal des acteurs et actrices; l'on dirait le Sénat de Rome lorsqu'il s'occupait du salut de l'État. Madame Suin avait, dans le conseil du Théâtre Français, la gravité d'une souveraine.

Lorsqu'il est décidé que telle pièce est digne d'être reçue, une guerre intestines'élève pour la distribution des rôles.

Il est des auteurs qui possèdent à fond Fart d'intriguer pour faire prendre une pièce; ils ont des compères au parterre, aux premières, aux deuxièmes, et jusqu'aux troisièmes loges.

Nous avons connu un particulier qui n'avait pas d'autre état, ni d'autre revenu que d'assister à toutes les premières représentations; placé au milieu du par

terre, il faisait l'apologie de différens passages de la pièce, et donnait l'élan aux applaudissemens. On lui avait donné le sobriquet de Monsieur Claque: ses mains étaient comme des battoirs de blanchisseuses. Il se faisait 36 livres par

payer

vacation lorsque la pièce réussissait, et 12 livres dans le cas contraire.

Rien de plus ridicule que d'exiger qu'un auteur se présente sur la scène pour recevoir des applaudissemens'; le Public a le droit de juger sa pièce, mais non sa personne. Aussi ne voit-on paraître sur le théâtre que des auteurs médiocres.

La meilleure place pour juger du jeu de l'acteur est le parterre.

Le souffleur peut seul prononcer si une débutante a la jambe bien faite : il voit souvent jusqu'à sa cuisse.

Depuis quelques années on a obligé les directeurs de spectacles de mettre sur les affiches les noms des acteurs et acrices qui doivent jouer. Le Public n'est

plus trompé par les doublures, qui remplaçaient trop souvent les premiers acteurs. Depuis que le Public est assis au parterre, les auteurs et acteurs ont perdu des juges sévères dans les jeunes gens. Ils avaient, étant debout, la facilité de changer de place pour ne pas être reconnus, après avoir lâché une saillie ou une satyre contre la nouvelle pièce, ce qui souvent décidait de son sort.

On lit dans le Tableau de Paris, de M. Mercier, l'article suivant sur les battemens de mains au spectacle.

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BATTEMENT DE MAIN S.

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Langue et monnoie universelles des Parisiens; ils ne s'expliquent point au» trement; ils claquent pour la reine et » pour les princes quand ils paraissent » dans leurs loges, et qu'ils ont fait la gra>> cieuse révérence; ils claquent quand » l'acteur paraît sur la scène, et tout aussi » fort;

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» fort; ils claquent pour un beau vers; » ils claquent ironiquement quand la pièce > les ennuie ou les impatiente ; ils claquent » quand ils demandent impérieusement » l'auteur; ils claquent pour Gluck et font plus de bruit que tous les instrumens de » l'orchestre, que l'on n'entend plus. Ils claquent dans un jardin public, au retour » d'un héros; ils claquent dans la chapelle de >> l'académie française, lors d'un panégy>> rique, ou même d'une oraison funèbre : » nouveauté fort étrange, et qui paraît sou» mettre bientôt les prédicateurs évangéliques au joug de l'approbation et de l'improbation. Ils claquent les vers et la >> prose dans toutes les séances académiques » ou assemblées littéraires. Quelquefois ces » battemens de mains vont jusqu'à la fréné» sie; on y a joint depuis quelque tems les » mots de bravo, bravissimo. On bat aussi » des pieds et de la canne; tintamarre af» freux, étourdissant, et qui choque cruel»lement l'ame raisonnable et sensible qui Tome I.

»

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