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quelques jours de mariage, que la modestie de la belle qu'il adorait s'est changée en effronterie; que l'orgueil, la fierté, la mauvaise humeur, ont pris la place de la candeur et de l'enjouement; s'il vient à s'apercevoir de changemens bien plus considérables, il ne doit pas s'en plaindre. Il faut alors qu'il avale tranquillement la pilulle. Ce serait une sottise à lui de dire qu'elle est amère, s'il ne veut être le jouet de tout son quartier.

Le mari trompé doit se guider sur ces deux vers de Lanoue:

La plainte est pour le fat, le bruit pour le sot; L'honnête homme trompé s'éloigne et ae dit mot.

Une femme aperçoit-elle une pareille métamorphose dans l'aimable cavalier devenu son époux, et qu'on lui vantait tant avant le mariage, elle doit confier son secret à une seule de ses amies, en lui recommandant de n'en parler à personne : avec cette précaution, on est sûr que,

dans

les quarante-huit heures, son mari sera le sujet de toutes les conversations du quar

tier et des environs.

Rien de si facile dans cette ville que de tromper une demoiselle honnête, soit sur la fortune, soit sur des vices cachés, et que l'on ne découvre que peu de tems après le mariage. Il y a quatre ans, un jeune homme se qualifiant d'un grade supérieur dans le service militaire, et chargé d'une mission importante par le gouvernement, demande en mariage la demoiselle de M. Dondo, ex-ministre de la police générale. Tout est convenu, les informations sont faites et à l'avantage du futur les bijoux sont achetés; mais, peu de jours avant le mariage, la police se saisit de l'individu, le traduit à la police correctionnelle, où il est condamné comme filou.

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D'après ce fait, si un ex-ministre de la police peut être trompé, à plus forte raison tout autre père de famille. Beaucoup de demoiselles sont aussi dupées par des né

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gocians nouvellement établis, qui épousent la dot pour mettre de l'ordre dans leurs affaires; d'autres font banqueroute peu de tems après leur mariage; mais il y a séparation de biens par le contrat. Il est presque impossible à Paris d'avoir des renseignemens certains, tant sur la fortune. que sur la moralité d'an particulier qui veut faire des dupes.

La conduite de beaucoup de femmes y est très-mystérieuse; souvent c'est la faute des maris, qui confient trop légèrement leurs femmes, jeunes et jolies à leurs meilleurs amis, pour les conduire au spectacle, à la promenade, au bal, etc. On en doit aussi souvent attribuer la cause aux contrariétés que les femmes éprouvent de la part de leurs maris pour leur toilette.

Cependant, persécuter sa femme, la contrarier, serait une chose odieuse et toujours condamnée, et quelle que soit la vie particulière, jamais on ne doit manquer aux égards que l'on se doit réciproque

ment. Jamais les disputes intérieures ne doivent être remarquées de l'étranger, ce serait un vrai scandale. Souvent deux époux, après avoir mené chacun une conduite déréglée, se reconnaissent et se rapprochent sur la fin de leur carrière. Ils oublient leurs torts réciproquement. Une douce amitié fait alors le charme de leur vieillesse. Ils goûtent, quoiqu'un peu tard, ce bonheur domestique auquel rien ne peut suppléer. Tels se seraient aimés constamment toute leur vie, s'ils n'en eussent prononcé le serment à l'autel.

Si l'intérêt ne formait pas le plus grand nombre des mariages, il n'y aurait pas autant de mauvaises alliances. C'est un grand vice dans nos mœurs, que la femme soit obligée d'apporter une dot.

Beaucoup de jeunes gens sont tentés d'imiter le gascon à qui on avait donné la dot la veille, qui l'emporta, et qui s'excusa, en disant qu'il avait oublié la femme.

CHAPITRE X V I.

+ Dîners des Parisiens; diners escroqués.

DINERS DES PARISIEN S.

Il y a vingt-cinq ans que feu M. Panc

koucke, libraire, proposa, dans le Mercure de France, de dîner à quatre heures, de supprimer les soupers, et d'ouvrir les spectacles à sept heures, comme à Londres. Dans son calcul il trouva non-seulement de l'économie, mais beaucoup d'agrément de ne s'occuper d'aucune affaire après dîner; il ajoutait que le travail des bureaux du soir était nul; en outre que la santé exigeait de ne pas se charger l'estomac pour se coucher, etc., etc.

M. Panckoucke fut plaisanté, même

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