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chevalier, seigneur de Boistissandeau, d'une part et les révérends père prieur, ex-provincial et prieur et religieux profès du couvent des Augustins de la Congrégation de Bourges, fondé par la reine Marguerite, d'autre part. Il y est question du rachat de la rente de 100 livres tournois instituée par les fondateurs Jacques de Hillerin, le conseiller au parlement, Jean de Hillerin seigneur de Putillier, conseiller et maître d'hôtel du roi et Hélène de Heuez, épouse de ce dernier. Ces pieux personnages avaient consenti cette rente rachetable au denier 16 pour entretenir une chapelle sous le titre de Saints Jean-Baptiste et Jacques qu'ils avaient fondée dans le couvent et pour y faire dire deux messes basses chaque semaine; l'acte primitif en avait été passé le 14 avril 1626, devant MR Étienne Leroy notaire à Paris. Or, pour seconder les pieuses intentions de ses aïeux, M. Jean-Baptiste-Laurent de Boistissandeau portait généreusement le prix de rachat de la rente à 2.000 livres au lieu de 1.600, chiffre fixé par les fondateurs eux-mêmes; de plus il hypothéquait sa maison pour le paiement de cette somme ainsi que le montant des loyers, ce qui nous apprend qu'il la louait et ne l'habitait pas. Peut-être habitait-il la maison de la rue du Colombier (rue Jacob actuelle) que son aïeul Jean de Hillerin de Putillier avait fait bâtir en 1641 et qu'un acte de 1714 désigne comme touchant l'hôtel Notre-Dame et par derrière le mur de l'abbaye Saint-Germain-des-Prés.

Dix ans après la signature de l'acte dont nous venons de parler, le 14 février 1779, M. Jean-Baptiste-Laurent de Hillerin de Boistissandeau, conseiller du roi, correcteur ordinaire en sa chambre des comptes, mourait à la campagne, à Saint-Sauveur d'Ardelay, où il était inhumé le lendemain, ainsi que le certifie Me Ballou, curé de la pa

roisse. Il laissait pour seuls héritiers un fils, Louis-François de Hillerin, chevalier, seigneur de Boistissandeau et six filles :

1° Marie-Catherine-Agathe de Hillerin, épouse de M. Louis Blandin-Dutertre, conseiller du roi et lieutenant de prévôté en la compagnie de maréchaussée de Bretagne, à la résidence de Nantes.

2o Antoinette-Henriette de Hillerin du Boistissandeau. 3o Marie-Agathe.

4° Julie de Hillerin de la Rébillière.

5° Louise-Adélaïde de Jumeauville.

6° Armande de Hillerin des Erables.

L'acte de notoriété dressé par M° Nau, notaire à Paris, et où nous trouvons cette filiation, ajoute qu'elles étaient toutes majeures; l'aînée seule était mariée.

La succession de M. Jean-Baptiste de Hillerin de Boistissandeau se liquida, et sa veuve, Marie-Agathe Bouret de Beuron, désirant conserver la maison des Petits-Augustins, un arrangement intervint entre elle et ses sept enfants : aux termes d'un acte passé, le 24 avril 1782, devant Me Cordier, notaire, elle renonçait à certaines reprises sur la fortune de son mari, et ses enfants lui abandonnaient la maison qui était comptée pour une somme de 54.000 livres.

Mais Mme de Boistissandeau ne devait pas conserver longtemps la maison qu'elle n'habitait pas, du reste. En effet, le 24 janvier 1784, par l'intermédiaire de son procureur, Jean-Claude du Rosoy, elle la vendait pour 40.000 francs deniers à M. Edme-Didier de La Borne, écuyer, conseiller secrétaire du roi, maison, couronne de France et de ses finances, seigneur de Ménildon et autres lieux, demeurant à Paris rue des Champs Elysées, paroisse de la Madeleine de la Ville-l'Évêque. Pour la première fois, depuis sa

Sté Hue DU VI".

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fondation la maison, sortant du patrimoine des Hillerin, passait aux mains d'une nouvelle famille.

L'opération n'était pas brillante pour Mme de Boistissandeau : en deux ans, la maison subissait une dépréciation de 14.000 francs. La désignation de l'immeuble, conformément à un plan et à une élévation de la façade de l'époque, fait mention d'un corps de bâtiment sur la rue et d'un autre en retour à gauche en entrant, le tout élevé de deux étages et greniers au-dessus, une cour et un puits commun avec l'hôtel de Lautrec (1). Cet acte de vente nous apprend en outre que feu Jean-Baptiste-Laurent Hillerin de Boistissandeau en était propriétaire en qualité de troisième appelé à la substitution, à la charge de laquelle cette maison avait été donnée par Jacques de Hillerin, le conseiller-prêtre, à son neveu Pierre de Hillerin, seigneur de Bucq, le conseiller maître d'hôtel ordinaire du roi. Les trois rentes grevaient toujours l'immeuble, à savoir les 100 livres aux religieux, les 40 livres à l'Hôtel-Dieu et les 10 livres aux prisonniers de la Conciergerie. Une dernière charge qui pèse sur l'acquéreur est celle « de garantir ladite dame de Boistissandeau de tous dépens, dommages et intérêts de la part de M. Cahouet, principal locataire de ladite maison, dans le cas où il ne jugerait pas à propos de le laisser jouir suivant son bail actuel de manière que ladite venderesse ne soit exposée à aucune recherche ».

Cet acte de vente avait été fait en l'étude de Me Belurgey, notaire à Paris; quant à Durosoy, le procureur de Mme de Boistissandeau, il touchait 1.200 livres de pot-de-vin que M. de La Borne avait dû lui verser. Il n'est point fait mention, dans la désignation de l'immeuble, du n° 21 qu'il de

(1) Précédemment Hôtel de Transylvanie.

vait porter en vertu de l'ordonnance sur la numérotation qui remontait déjà à 1775. On sait que les gens de qualité et même de robe s'insurgèrent contre un règlement qu'ils considéraient comme humiliant, et c'est peut-être pour ce motif que vendeur et acquéreur ne voulurent pas faire figurer de numéro sur l'acte qu'ils passèrent. Quoi qu'il en soit, nous trouvons ce numéro 21 sur l'almanach de Paris, années 1788 et 1789, à l'adresse de M. de La Borne qui ajoute alors à son nom, le nom de terre de Jumeauville à la place de celui de Mesnildon. Nous constaterons que ce nom de Jumeauville était également porté par la cinquième fille de M. de Boistissandeau au moment de sa mort, en 1779, comme nous avons vu plus haut, ce qui fait supposer qu'outre la maison de Paris, M. de La Borne acquit aussi des terres provenant des Boistissandeau.

Nous n'avons pu retrouver le bail Cahouet qui nous eût donné quelques désignations sur ce locataire principal de l'immeuble, mais il est probable qu'il s'agit d'une famille de gens de robe où il y avait des avocats et des secrétaires du roi Nous trouvons, en effet, sur l'almanach royal un Cahouet secrétaire du roi qui, en 1776, habite rue Saint-Andrédes-Arts et en 1777, rue des Petits-Augustins près le quai. C'est très probablement de ce personnage qu'il s'agit, car, en 1787, nous le retrouvons habitant rue des MaraisSaint-Germain (aujourd'hui rue Visconti). Le bail troissix-neuf encore en cours en 1784, au moment de la vente de la maison dont il est question plus haut, aurait donc été passé en 1776, ce qui cadre parfaitement avec les renseignements pris dans les titres de propriété et ceux pris dans l'almanach royal. Cette famille était sans doute assez nombreuse pour occuper la maison. En effet, sans pouvoir affirmer leur parenté, nous connaissons deux secrétaires

du roi de ce nom : Pierre-Louis-René Cahouet, avocat en parlement, poursuivant sa réception en l'office de secrétaire du roi à la date du 20 avril 1765 et Noël-Nicolas Cahouet poursuivant sa réception au même office à la date du 26 octobre 1775 (1).

Cette famille Cahouet était originaire de l'Orléanais et avait des prétentions à la noblesse ses divers membres produisaient avec orgueil des lettres royales d'anoblissement datées du 5 mai 1559, par lesquelles un de leurs aïeux, Antoine Cahouet de la Géraudière, lieutenant de chevaulégers était élevé à la dignité de gentilhomme pour sa bravoure et services rendus au roi. Une copie de cette lettre d'anoblissement se trouve même au cabinet des titres de la Bibliothèque Nationale (2).

Mais, dans les collections Chérin, se trouve une dissertation sur cette pièce dont l'auteur conteste l'authenticité. Il faut reconnaître que l'allure générale de la famille est bien plutôt de bonne bourgeoisie que de noblesse. Pendant tout le xvII° siècle nous trouvons des avocats, des prêtres, des secrétaires du roi, des trésoriers de France; un membre de la famille devient le gendre d'un gentilhomme de la grandc fauconnerie du roi. En 1692, l'un d'eux est premier président au bureau des finances de la généralité d'Orléans. Enfin, en arrivant à l'époque où nous les voyons paraître nous trouvons le 31 mars 1767, Charles Cahouet d'Heurcourt, avocat en parlement, pourvu de l'office de conseiller en la Cour des Monnaies et, le 15 novembre 1775, Noël-Nicolas Cahouet, ancien greffier en chef de la table de marbre des Eaux et Forêts de France, pourvu de l'office de conseiller, secrétaire du roi, maison, couronne

(1) Arch. nat. V2 50.

(2) Carrés d'Hozier, 145 et Chérin 43.

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