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reur général et gruier au siège des eaux et forêts de Dreux. <«< tant et si longuement qu'il ne sera point payé des trois deniers pour livre provenant de la vente des bois et haute fustaye du comté et domaine de Dreux qui lui sont attribués par l'édict de création des offices de controoleurs des domaines >> (1).

Non seulement leurs fonctions et leurs émoluments, mais encore leur tenue est réglementée. Ils étaient assimilés sur ce point aux trésoriers de France, généraux des finances, secrétaires et tous officiers comptables. Une ordonnance de Henri III du 24 mars 1583 dit qu'«< ils pourront porter taffetas et samy de soie en robes, pourpoints et sayes, et doubler leurs manteaux, robes et capes de velours et de soie, mais seulement d'un lez par devant et de trois doigts tout autour; mais ne pourront porter velours en robes, bonnets, souliers, chapeaux et fourreaux d'épée que s'ils sont en notre suite, ni ne pourront y mettre passements d'or, argent, boutons de pierrerie, ni porter chaînes d'or. Leurs femmes porteront, si bon leur semble, toutes soies de couleur, hors le cramoisi en devant de cottes, manchons et doublure de manches de robes, mais sans broderies et pierreries qu'en boutons, aiguillettes et ferrets, chaperons et coiffures ». Et ces sévères prescriptions sont encore une atténuation de l'édit du 22 avril 1561 beaucoup plus restrictif (2). Tous ces édits et ordonnances faisaient partie de cette très remarquable législation fiscale du xvi° siècle que nous devons aux Valois, car il faut reconnaître que si ces princes ne se firent point

(1) Jean Filleau, Recueil général des édits... (t. I, p. 435).

(2) Voir la très remarquable étude de M. Flour de Saint-Genis, Histoire documentaire et philosophique de l'administration des domaines... Le Havre, 1903, 8°, t. II, p. 299 (supp. à la XXIe année des Annales de l'Enregistrement). Bibl. Nat. Lf90, 97.

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faute de dilapider nos finances, ils surent au moins les organiser.

Outre ses titres de conseiller du roi et de contrôleur général des bois de l'Isle de France, dont nous venons de voir les droits et les devoirs, Louis Le Barbier aurait pu en prendre bien d'autres, car c'est un personnage qui semble avoir mené beaucoup d'affaires de front. Au moment qui nous occupe, outre ses projets de construction de la rue des Petits-Augustins, il prépare les travaux du PontRouge qui aboutissait juste en face la rue de Beaune et dont il est l'entrepreneur.

Dans l'esprit de ceux qui en décidèrent la construction, ce pont n'avait qu'un caractère provisoire, c'est pourquoi on le construisit en bois, laissant libre l'emplacement en prolongement de la rue du Bac où devait s'élever un jour un pont de pierre.

Pour un motif que nous ignorons, c'est Pierre Pidou, commis de Le Barbier, qui figure dans le procès-verbal de vacation du bureau de la ville, pour donner l'alignement de la construction et en déterminer exactement la place. Le texte complet de cette pièce datée du 13 février 1632 a été publié par M. Duplomb dans son livre La rue du Bac. Et cependant Le Barbier est bien l'entrepreneur, puisque ce pont est communément nommé pont Barbier; on l'appelle aussi pont des Tuileries ou pont Sainte-Anne, en l'honneur d'Anne d'Autriche ou pont Rouge, à cause de sa couleur. En 1656, il fut en partie dévoré par un incendie dont Loret nous conte les circonstances en une de ses lettres rimées qui manque dans toutes les éditions de sa Muse historique, que l'on croyait perdue ou détruite intentionnellement, et que M. Henri Masson a retrouvée en Allemagne et publiée dans le Bulletin de la Société de l'His

toire de Paris (1). Mais pour provisoire qu'il fût, le pont Rouge devait durer encore. On le répara et il dura jusqu'au 20 février 1684 où il fut emporté par la débâcle des glaces. C'est seulement alors que l'on construisit le pont Royal.

Quelques années après la construction du pont Rouge, en 1638, nous voyons Le Barbier, dans un factum, abandonner son titre de contrôleur général des bois et le remplacer par celui de maître d'hôtel ordinaire du roi, secrétaire de Sa Majesté et de ses finances. Il avait sans doute vendu sa charge de contrôleur des bois pour acheter celle de maître d'hôtel. Du reste, ces achats et ces ventes ne nous étonnent point chez un homme d'affaires aussi actif que Louis Le Barbier. On le trouve continuellement en négociations, en contestations, en procès. A peine le lotissement de 1629 de l'hôtel de la reine Marguerite a-t-il eu lieu, qu'il a déjà des difficultés à ce propos avec l'un des copartageants, Etienne Brioys, secrétaire du roi, qui s'est joint à MM. de Vassan et de Garsaulan également copartageants (2). D'un autre côté, il est au contraire l'allié desdits MM. de Garsaulan, de Vassan et consorts pour publier un factum contre les docteurs et régents de l'Université de Paris qui prétendent que, lors de la saisie du parc de l'hôtel de la reine Marguerite, il a été saisi par erreur quelque chose de leur terre (3). Il est encore en procès contre Pierre Vliet, Sasbourg, de Varicq, Jean Boulard et consorts à propos de deux pieds de terrain contestés et d'échopes élevées à tort sur ce terrain contre sa maison,

(1) Année 1905, p. 72.
(2) Bibl. Nat., 4o F3. (18104.)
(3) Bibl. Nat., 4° F3. (13240.)

rue des Saints-Pères, au lieu dit « le Sanitat » ( 1 ). En 1638, alors que les acquéreurs se croient en paisible jouissance, que quelques-uns « ont vendu, dressé des rües, basty et estably un marché », une certaine Anne Hodée, veuve de feu Jacques Bourdin, revendique un quartier de terre du parc de la reine Marguerite, qu'elle prétend lui appartenir. Et voilà Louis Le Barbier remis en cause avec les anciens coacheteurs et de nouveau des factums se rédigent, s'impriment et s'échangent (2).

Mais tous ces contre-temps ne doivent pas embarrasser Louis Le Barbier, car il est un grand brasseur d'affaires, sa situation de fortune est énorme mais terriblement compliquée. Il est un de ces traitants dont Colbert va bientôt régulariser les fonctions en créant la compagnie des fermiers généraux. A l'époque où nous sommes, il y a encore de nombreuses petites fermes, pour telle espèce de taxe, pour telle région; le roi traite en particulier avec chacun, d'où le nom de « traitant ».

A cette époque, ce titre ne donnait pas à vrai dire à ses titulaires une bien grande considération. Les « traitants >> ou « partisans » étaient même en général exécrés du peuple et tenus en piètre estime par ceux mêmes qui les nommaient. Le cardinal de Richelieu, qui eut beaucoup à faire avec Le Barbier et ses confrères, laisse percer son opinion sur le personnage dans une lettre qu'il écrit d'Amiens, le 21 août 1638 à MM. de Bullion et Bouthil

(1) Bibl. Nat., 4o F3. (18105.)

(2) Bibl. Nat., 4o F3. (18103.) D'après Berty et Tisserand (Topographie historique du vieux Paris) on appelait au xvIe siècle « Le Sanitat », un terrain compris entre le quai, le grand pré aux clercs, le chemin de SaintPierre (rue des Saints-Pères) et la petite Seine, ou plus tard le chemin de la Noue (rue Bonaparte). La maison de Le Barbier était donc du côté des numéros impairs de la rue des Saints-Pères et assez près de la Seine.

lier, surintendants des finances; il leur parle des impôts qui accablent le peuple et notamment les habitants d'Abbeville et de Saint-Quentin, lesquels se plaignent des taxes trop lourdes qu'on lève sur eux, soit pour élever les fortifications de leur ville, soit sur les vins, alors qu'on leur a promis de ne pas les surcharger.

« Ces choses, dit le cardinal, sont de telles considérations qu'elles doivent estre bien pesées avant que d'estrefaictes. Le Roy perd la réputation de sa parole; les habitans, le cœur et l'affection; les villes, leur seureté et conséquemment le royaume; et tout cela pour la satisfaction d'un Barbier ou autre partisan (1). »

Ce ton parfaitement méprisant n'empêchait pas qu'on eût de plus en plus besoin de leurs services. Pendant l'année suivante, 1639, la guerre était partout et le roi n'avait pas moins de dix armées sur pied. Vers la fin de 1640, le trésor royal était aux abois et on songea à frapper d'impôts nouveaux des catégories de personnes que leur état en rendait exemptes jusque-là, notamment le clergé. Un arrêt du conseil établit sur le revenu des bénéfices une taxe du tiers. Cette taxe promettait sans doute de rendre beaucoup, car Le Barbier, qui s'y connaissait, offrit dix-sept millions de ce tiers (2).

Le Barbier est encore spéculateur de terrains, il fait bâtir un peu partout, achète et revend des offices, possède une infinité de créances les plus diverses et a non moins de dettes. En 1641, sa situation est si embrouillée que le 10 avril il est obligé de passer un traité avec maître Fran

(1) Lettres, instructions diplomatiques et papiers d'État du Cardinal de Richelieu, t. VI, p. 99. (Collection de Documents inédits sur l'histoire de France.)

(2) Ibid., t. VI, p. 742 (note de M. le vicomte d'Avenel).

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