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LES STATUES DU CARDINAL DE BÉRULLE (1)

A différentes reprises la Société historique du VI® arrondissement s'est occupée du cardinal de Bérulle et de ses statues qui furent ou déposées ou exposées au musée des Monuments français. Il y eut des renseignements contradictoires. En des occasions diverses, les journaux ont également parlé des statues du cardinal et, afin de corser l'information, ont, par suite de confusion, édifié une histoire souvent inexacte. Ils avaient chance d'avoir raison une fois et de se tromper deux, car trois monuments avaient été, à Paris élevés au prélat. Enfin, les éclaircissements placés au bas des pages de la publication des Archives du musée des Monuments français ne sont pas toujours heureux, en ce qui concerne les statues qui nous occupent.

Aussi allons-nous essayer de préciser le caractère de

(1) Germain Brice, Description de la ville de Paris (Paris, 1752, 4 vol. in-12);

Dezallier d'Argenville, Voyage pittoresque de Paris (Paris, 1765, I vol. in-12);

Hurtaut et Magny, Dictionnaire historique de la ville de Paris et de ses environs (Paris, 1779, 4 vol. in-8°);

Thiéry, Guide des amateurs et des étrangers voyageurs à Paris. (Paris, 1787, 2 vol. in-12);

Archives du musée des monuments français (Paris, 1883-1897), 3 vol. in-8°);

Ingold, Les trois statues du cardinal de Bérulle (Paris, 1893, gr. in-8°).

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chaque monument et de le suivre dans ses destinations successives, mais sans avoir la prétention de clore la question. Car, à la fin de ce travail, plusieurs interrogations seront posées.

Pierre de Bérulle, cardinal, ministre d'État, introducteur en France des Carmélites et de l'ordre de l'Oratoire, est né le 4 février 1575 au château de Sérilly, près Troyes. Il est mort à Paris le 2 octobre 1629. Les Jésuites commencèrent son éducation qui fut terminée à l'Université de Paris. Prélat brillant, il déploya également des talents politiques certains. Il présida à la première réconciliation de Louis XIII avec sa mère, et à la conclusion du traité de Monçon avec l'Espagne. D'autre part, malgré les intrigues de l'ambassadeur d'Espagne, il obtint de Rome les dispenses nécessaires au mariage d'Henriette de France avec le prince de Galles. Ces succès entraînèrent sa nomination de ministre d'État. Toutefois il devait faire petite figure devant Richelieu dont il essaya d'entraver, mais en vain, la grande politique.

L'activité de l'homme d'église fut également récompensée. Sa parole persuasive ramena au catholicisme nombre de réformés. Introducteur en France des Carmélites en 1604, il institua en 1611 la congrégation de l'Oratoire, fondée à Florence, en 1550, par Philippe de Neri, et fut nommé cardinal en 1627. Quoiqu'il ait eu l'assentiment du général des Carmes lorsqu'il appela d'Espagne les Carmélites, il dut subir l'hostilité de ces religieux quand il fut nommé supérieur des Carmélites par délégation et commission du pape. Ils le poursuivirent, lit-on dans ses œuvres « de calomnies et de libelles injurieux et diffamatoires soigneusement espandus mesme aux provinces estrangères ». Sa situation politique portait,

d'autre part, ombrage à Richelieu qui le savait contraire au projet d'abaissement de la maison d'Autriche. Aussi lorsqu'il mourut subitement, en disant la messe, le 2 octobre 1625, on ne manqua pas de dire que Richelieu n'était pas étranger à cette mort (1).

Le cardinal de Bérulle avait été l'un des protecteurs de Descartes. Hostile aux Jésuites il eut par contre l'estime des Jansénistes qui approuvèrent et répandirent son traité Des grandeurs de Jésus.

La vénération que vouèrent Carmélites et Oratoriens à leur fondateur a résisté aux siècles et aux révolutions. Il était donc naturel que ceux-ci et celles-là tinssent à posséder dans chacune de leurs maisons une effigie du saint prélat.

Les images peintes et gravées du Cardinal sont nombreuses. L'Institut de l'Oratoire conservait, avant la révolution, son portrait peint par Philippe de Champaigne. Il a été gravé par Habert et par N. de Platemontagne. A la Révolution, il passa au dépôt du musée des Monuments français qui le possédait encore en 1795 comme en témoigne un état, dressé par Lenoir, des tableaux et autres objets qui ne tiennent point à la collection du musée des Monuments français et qui s'y trouvent provisoirement déposés.

Il est ainsi indiqué :

INSTITUTION DE L'ORATOIRE : 1221. Le portrait du cardinal de Bérulle.

Un autre portrait du cardinal de Bérulle entra dans le

(1) Thiéry, l'auteur du Guide des amateurs et des étrangers, à Paris, observe que « ce prélat mourut en disant la Messe, au moment où il prononçait ces paroles du Canon: Hanc igitur oblationem; ainsi il fut luimême la victime du Sacrifice qu'il n'eut pas le temps d'achever ».

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même dépôt le 26 pluviose (15 février 1799). Quelle était sa valeur? Médiocre sans doute, car il est compris dans un lot qui inspire cette appréciation à Lenoir : « Reçu de l'Enfant-Jésus, du commissaire de la Section, neuf tableaux très mauvais, sans autre désignation » (1). L'église de Cerilly possède, au-dessus de l'autel, un portrait allégorique du prélat peint par Simon Vouet. Or, on peut voir au cabinet des Estampes de la Bibliothèque Nationale une gravure de Moreau représentant le cardinal agenouillé adorant la vierge et l'enfant Jésus dans une gloire. J'ignore s'il y a corrélation entre les deux œuvres. Enfin le père Ingold conservait un petit portrait aux crayons de couleur qu'il attribuait aux Lenain. Le judicieux et érudit Antony Valabrègue ne le mentionne pas dans son catalogue de l'œuvre des Lenain. Le connaissaitil ou l'a-t-il rejeté comme douteux d'attribution? Cette supposition ne diminuerait en rien la qualité de l'œuvre et sa valeur documentaire.

Les noms des maîtres graveurs, Michel Lasne, B. Moncornet, J. Lubin, Jaspar Isac, se lisent aussi sous des portraits du prélat.

Mais l'intérêt de cette iconographie disparaît devant les trois monuments élevés au xvII° siècle à la mémoire du cardinal de Bérulle.

Le premier était placé au grand couvent des Carmélites,

(1) Un portrait peint du cardinal de Bérulle était conservé jusqu'à ces derniers temps au séminaire de Saint-Sulpice où on le donnait à Philippe de Champaigne. Était-ce celui qui, de l'Institution de l'Oratoire passa au musée des Monuments français ? Nous le supposons sans pouvoir l'affirmer. Il aurait été donné au séminaire par un descendant de Pierre de Bérulle au moment où les cendres du prélat y furent déposées, c'est-à-dire au mois d'août 1840 (Voir plus loin, p. 122, le Séminaire de Saint-Sulpice (addenda) par M. N. Raflin).

sis rue Saint-Jacques et rue d'Enfer; le second, à la maison de l'Oratoire, passé la barrière Saint-Michel, c'est aujourd'hui l'hospice des Enfants-trouvés, rue DenfertRochereau; le troisième, à l'église des Prêtres de l'Oratoire de la rue Saint-Honoré, attribuée maintenant au culte protestant.

Voyons ce qu'ils furent et ce qu'ils sont devenus.

STATUE DU GRAND COUVENT (1)

(1657)

Le cardinal est représenté agenouillé. Ses mains qui tiennent la barrette cardinalice se rejoignent sur sa poitrine, le visage est incliné à gauche. Il a devant lui un livre ouvert porté par un ange. La statue est posée sur un piédestal, décoré sur le devant des armes du prélat supportées par des génies. Deux bas-reliefs ayant pour sujet les deux sacrifices de l'ancienne et de la nouvelle loi sont placés sur les côtés à droite, Noé offrant un sacrifice à Dieu au sortir de l'Arche; à gauche, le Sacrifice de la Messe célébré par saint Philippe de Neri. L'épitaphe gravée au-dessus des armes est reproduite dans la Description de Paris de Germain Brice (t. III, p. 115116, éd. 1752). La statue et le piédestal sont en marbre blanc. Sur l'angle postérieur du socle on lit : JACOB SARRAZIN SCULPSIT 1657.

Les anciens guides s'accordent à dire que les deux basreliefs furent exécutés par Lestocart, élève de Sarrazin.

(1) Reproduite en héliogravure dans l'ouvrage du P. Ingold.

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