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Bientôt se développa le sentiment naturel qui poussait notre ami vers les recherches historiques et archéologiques; il joignit le talent du graveur, du dessinateur, du peintre céramiste à l'opiniâtreté inlassable et féconde du fouilleur intrépide et enthousiaste. Pendant quinze ans, il se pencha sur le sol de sa ville natale, assistant à tous les travaux qui l'entr'ouvraient, et sa persévérance, aidée de sa merveilleuse érudition et de sa connaissance profonde du Vieux-Paris, fut amplement récompensée par une superbe moisson.

Sa réputation était déjà faite lorsqu'il publia, en 1888, ses découvertes sous le titre Mes fouilles dans le sol du Vieux-Paris (Dunkerque, chez Paul Michel, avec une préface de Frédéric Loliée). Ce livre fit sensation et on envia surtout à son auteur la découverte de la fameuse trousse d'un chirurgien du me siècle qu'il trouva, en octobre 1880, dans une sépulture antique, sur le mont Glandiolus, non loin de la mairie du XIIIe arrondissement, en bordure de l'ancienne voie allant de Lutèce vers les villages d'Ivry et de Vitry. De nombreux savants commentèrent cette trouvaille : le docteur Deneffe, président de l'Académie Royale de médecine de Belgique, qui devait être frappé par la mort le jour même de l'enterrement d'Eugène Toulouze, a consacré une importante étude à ces instruments d'une parfaite élégance.

En 1891, paraît dans la Revue Archéologique une étude de notre collègue sur la bataille navale de Morsang-Saintry. Profitant du dragage de la Seine qui ramène au jour, entre les villages ci-dessus indiqués, une énorme quantité d'armes, de bracelets, de torques, de fibules, d'épingles, de débris de l'armement naval, l'auteur reconstitue les détails de cette action qui a mis en présence les guerriers de Camulogène et les soldats de Labiénus sous les murs de Lutèce.

En 1892, la société savante de Dunkerque publie : Découverte d'une tête de statue antique dans le sol du Vieux-Paris; Découvertes archéologiques au quartier du Panthéon.

La même année, La Revue archéologique publie : Un témoin des âges antiques à Lutèce.

C'est encore en 1892 que M. Eugène Toulouze entreprend d'écrire l'histoire du village de Bagneux, qui l'a attiré par la

beauté de son église. Cette œuvre, qui constitue une monographie intéressante au plus haut degré, a été publiée en 1898 (Paul Schmidt, éditeur) avec une préface de M. H. Monin, sous le titre de : Histoire d'un village ignoré, Balneolum.

Pendant quelque temps M. Eugène Toulouze, pour rétablir sa santé compromise, a abandonné Montrouge pour se retirer à Saint-Mammès, près Moret. Mais sa passion des fouilles fut plus forte que son besoin de repos. Au milieu de cette contrée riche en épaves du passé, il se lança bientôt dans de nouvelles et fructueuses explorations.

L'Union Républicaine de Seine-et-Marne, l'Indépendant de Fontainebleau, le Jacques Bonhomme, impriment de lui : 1895. Découverte d'une sépulture de l'âge de pierre, près du pont de Saint-Mammès.

Un témoin de l'industrie du bronze et du fer au village de Villemer.

Découverte de sépultures antiques à Vernon.

Découverte d'une sépulture néolithique à Saint-Mammès au lieu dit « Les Montières ».

1896. Découverte de deux meules antiques à Saint-Mammès. Découvertes de deux sépultures antiques et d'un moulin à Veneux-Nadon.

Découverte d'une sépulture antique aux Roches-Courtault, près Saint-Mammès.

Découverte d'une monnaie gauloise à Saint-Mammès. Découverte d'une urne cinéraire à Villemer, au lieu dit les « Rois d'Inville ».

Découverte d'un polissoir à Saint-Mammès.

Une série d'études sur :

1° La numismatique des corporations et communautés de métiers au moyen âge ;

2o Les boulangers et les talmeliers, le pain et les moulins; 3o La cuisine dans l'antiquité;

1897. 4° Les armes de guerre dans la haute antiquité;

5o Les inhumations à travers les âges.

6o La corporation des apothicaires, les barbiers phlébotomistes (saigneurs), les méreaux historiques et les Scriptori d'étudiants;

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7° Le pèlerinage de saint Mathurin de Larchant;

8° Les méreaux ecclésiastiques;

1898. 9° Les ateliers antéhistorique de la vallée de Moret (Revue archéologique).

Découverte d'une grotte préhistorique à la Celle-sous-Moret. 1902. Hypothèse sur la retraite des troupes de Clotaire après la défaite de Dormelles. L'auteur la fonde sur la découverte à divers endroits de nombreux groupes de squelettes de guerriers mérovingiens avec leurs armes.

1903. Trouvaille d'un bijou préhistorique.

Je n'ai pas voulu interrompre la série des publications de notre savant collègue sur Moret et ses environs. Mais depuis 1898, il les avait abandonnés non sans y faire quelques retours, pour revenir à Montrouge, et à ses amis de Paris.

Il se retrouve ainsi sur le champ de ses explorations préférées et il reprend ses publications sur le sol parisien.

En 1898, dans le Bulletin de la Société La Montagne Sainte-Geneviève : Mes fouilles au quartier Saint-Marcel, du Jardin des Plantes, de Croulebarbe, sur l'emplacement de l'École de médecine et rue Racine.

En 1898, dans la Gazette des Hôpitaux:

Découverte d'un laboratoire d'apothicaire du xvIIe siècle, rue du Plâtre.

Découverte d'un ornement monétiforme de l'époque gau

loise.

En 1901, dans notre Bulletin :

Révélations du vieux sol parisien.

En 1905, dans la Gazette des Hôpitaux :

Découvertes archéologiques dans le sol parisien d'instruments de l'époque gallo-romaine.

Découverte d'un compte-gouttes antique.

Dans Panthéon-Luxembourg, dans la Tribune des cantons de Sceaux et de Vanves, on trouvera encore de nombreux articles d'archéologie qui ont rendu populaire le nom d'Eugène Toulouze.

Puis, il est chargé par M. Hustin, notre éminent collègue, secrétaire général du Sénat, de déterminer de nombreux objets découverts dans le voisinage du Palais du Luxembourg,

et son travail est luxueusement imprimé dans le journal L'Art. Son dernier ouvrage fut aussi le plus important. IlI parut, en 1905, sous le titre de Histoire de Montrouge, en collaboration avec M. C.-A. Maugarny, son disciple et son ami fidèle, à qui nous exprimons ici notre reconnaissance pour les renseignements qu'il a bien voulu nous communiquer.

Toutes ces publications sont illustrées de figures dessinées et gravées par l'auteur lui-même; l'artiste vient au secours de l'archéologue, et complète ses descriptions par l'exacte reproduction des objets.

L'énumération des travaux de M. Eugène Toulouze vous donne déjà une idée de leur importance. Ce qui les caractérise, c'est la quantité d'objets nouveaux ou de formes nouvelles qu'ils ont mis en évidence. Le hasard, quand il se répète si souvent, n'est pas le principal auteur de trouvailles heureuses il n'est que l'auxiliaire d'une profonde science, d'une persévérance acharnée, qui étaient les qualités de notre regretté collègue: ajoutez-y une entière sincérité, qui lui faisait présenter ses découvertes, telles qu'elles étaient; s'il ne s'interdisait pas les hypothèses, les déductions, il ne s'est jamais permis d'en altérer les bases, et ses observations resteront, pour les archéologues, des documents authentiques, dont s'enrichiront leurs études.

Chez M. Eugène Toulouze, l'artiste n'était pas exclusivement subordonné à l'archéologue. Il a produit des œuvres originales en peinture, en gravure, surtout en céramique. En léguant à notre Société les trois beaux plats qui ornent notre salle des séances, il nous a permis d'avoir sous les yeux les témoignages de son talent.

Rappellerai-je qu'il a été conseiller municipal de SaintMammès, délégué cantonal du canton de Moret, et qu'il portait la rosette d'officier de l'Instruction publique depuis plus de vingt ans? C'est qu'il ne se désintéressait pas de la chose publique et qu'il avait conscience du rôle de l'École dans. notre démocratie républicaine.

Pour achever le portrait de notre regretté collègue, il faudrait dire sa simplicité, ses goûts modestes, sa vie familiale

à côté de celle qui fut sa compagne idéale et dévouée, son entourage d'amis fidèles, pris dans toutes les classes de la société, où se rencontraient des poètes, des savants, des artistes. C'est l'un d'eux, Paul Guignebault, qui a voulu faire son portrait, entouré des spécimens de ses trouvailles réunies comme dans un petit Musée dans sa maisonnette de Montrouge. M. Eugène Toulouze a légué ce portrait à notre Société, et sa veuve a désiré ne pas surseoir à l'exécution de ces dernières volontés. Nous lui adressons ici l'expression respectueuse de notre reconnaissance pour cette œuvre, d'un si grand caractère, et d'une ressemblance frappante qui fait revivre parmi nous celui que nous avons perdu.

Cependant il me faut terminer. L'état de santé de notre ami, si précaire depuis plusieurs années, avait absolument réclamé qu'il passât l'hiver dans le midi. Mme Toulouze le conduisit près de Cannes, et ses soins incessants surent rendre encore une fois au malade, sous le ciel méditerranéen, un peu de sa vigueur. Elle lui servit à faire la Découverte d'un oppidum gaulois, caché dans les roches et dans les bois, au point culminant d'une montagne. C'était la dernière défense de la puissante tribu des Ligures, qui luttèrent si longtemps contre les Romains et ne furent définitivement subjugués que sous Auguste. Toulouze revint à Montrouge, heureux de ce dernier exploit. Mais les froids tardifs, qui marquèrent le printemps, dans notre région, saisirent l'habitué du climat du midi. Une congestion pulmonaire, dont les conséquences ne purent être arrêtées, mit fin à cette vie de travail, le 8 juin 1908, et le surlendemain ses amis désolés conduisaient sa dépouille au cimetière de Montrouge.

Ainsi disparut l'un des plus infatigables pionniers de la science archéologique, dont l'avenir dira tout le mérite, l'ami excellent, le collègue dévoué, qui nous a laissé de précieuses marques de sa sympathie. Puissent ces lignes assurer à sa veuve, à ses disciples, à ses collaborateurs que la Société du VI arrondissement partage leurs regrets et qu'elle a conscience de la perte qu'ont éprouvée l'art et la science en perdant Eugène Toulouze.

Félix HERBet.

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