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d'Enfer pour la rue de Varenne, en attendant la construction de l'hôtel, aujourd'hui Palais de la Légion d'honneur. On connaît ses mœurs détestables, ses trahisons et sa lâcheté. Il périt sur l'échafaud en 1794.

L'identification de l'abbé de Salm est moins facile. Le Rhingrave Nicolas Léopold, prince de Salm, eut de sa cousine, Dorothée de Salm, dix-neuf enfants et il faut choisir le locataire des Chartreux parmi les trois derniers, nés de 1742 à 1745, Emmanuel, François et Guillaume. Tous pourvus de canonicats pouvaient prétendre à la dignité d'abbé. Par exemple, Guillaume était chanoine à Cologne, à Liège et à Strasbourg. Presque certainement, c'est Emmanuel qui fut rue d'Enfer et se fixa, à partir de 1779, rue de Grenelle. L'almanach de Paris précise son prénom dans cette nouvelle résidence. Emmanuel de SalmSalm était chevalier de Malte, chambellan de Leurs Majestés et très charitable (1).

M. de Salm parti, les Parisiens rendirent à la maison le nom d'Hôtel de Vendôme, oublié depuis 1719. L'Hôtel de Vendôme avait des salons de réception princiers et seulement cinq chambres à coucher de maîtres, trois au rez-dechaussée, deux au premier dont la grande à trois fenêtres sur le jardin, où passèrent Mmes de Vendôme, de Chaulnes, d'Anhalt et de Toulouse. L'hôtel ainsi distribué ne convenait pas à une nombreuse famille. On modifia, dans le sens bourgeois, les appartements pour les successeurs de

(1) La maison de Salm était une des plus anciennes maisons princières de l'Europe. Voir le Dictionnaire de la Noblesse à l'article « Rhingrave ». Le départ d'Emmanuel de Salm coïncide avec la mort de son frère aîné Louis de Salm-Salm, en 1778. Louis a vécu en France, on peut donc se demander s'il n'habita pas avec Emmanuel. Emmanuel de Salm, en 1787, fit don aux hôpitaux de 2.400 livres. Répertoire de la Gazette de France, par des Grange des Surgères, 1906.

Ste II DU VI".

1908.

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M. de Salm, les Clément de Sainte-Palaye, et on en fit ce qu'ils étaient en 1815, à l'entrée des élèves de l'École des Mines.

Dès 1780, les Clément de Sainte-Palaye étaient rue d'Enfer. L'hôtel leur plut et, en 1785, ils s'y attachèrent pour une longue durée. Le bail a été saisi en 1790, il est aux Archives Nationales (1).

Bail de neuf ans, commençant le 1er juillet 1785, passé devant Me Clairet à Me Jean-Chrysostome-Antoine Clément de Barville, er avocat général de la Cour des Aides et son épouse, M. Athanase-Alexandre de Boissy, maître des comptes, tant en son nom que comme se portant fort pour M. AlexandreJean-Baptiste Clément de Sainte-Palaye, maître des comptes, son fils; M. Ambroise-Alexandre Clément de Verneuil, conseiller au Parlement, et dame Brochant, son épouse, M. JeanBaptiste-Auguste le Rebours, président au parlement et dame Marie-Geneviève Clément, son épouse.

D'une grande maison appelée l'hôtel de Vendôme, bâtiments, cours, jardins, avec les ornements étant dans lesdits jardins, en en exceptant une petite portion du jardin du côté de celui de l'hôtel de la Michodière, laquelle portion lesdits bailleurs se réservent de faire enclaver dans le jardin dudit hôtel de la Michodière, en faisant redresser le mur qui sépare lesdits deux jardins sans que le nouveau mur puisse gâter

(1) Archives nationales. S. 3948. Ce carton contient l'expédition authentique des procès-verbaux dont on trouve les minutes dans T. 5145. Cette expédition est intéressante au point de vue de l'inventaire détaillé des tableaux et des livres qui étaient à la Chartreuse. En dehors de ce procès-verbal, on y trouve l'inventaire d'une maison sise rue d'Enfer, à côté de l'hôtel de Vendôme, et louée à M. Ogier d'lvry, grand audiencier de France, description minutieuse jusqu'aux grilles des soupiraux des caves. On y trouve enfin le bail passé aux Clément de Sainte-Palaye pardevant Me Clairet, notaire, par dom Bouteix, procureur des Chartreux. V. aussi T. 5145.

l'allée d'arbres qui est dans ce côté dudit jardin, ladite construction à faire seulement dans la cinquième année dudit bail.

Moyennant le prix de 13.000 livres de loyer pour et par chacun an que les sieurs Clément et Rebours s'obligent à payer auxdits chartreux un seul pour le tout aux 4 termes accoutumés dont le 1er écherra le 1er octobre 1785.

Les documents existant aux archives de la Seine indiquent même la part de chacun des locataires : M. le Rebours, 4.520 livres; M. de Barville, 1.480 livres; M. de Verneuil, 4.400 livres; M. de Boissy, 1.100 livres; M. Clément de Sainte-Palaye, 1.500 livres ensemble, 13.000 livres.

Telle était la famille de magistrats qui occupait l'Hôtel de Vendôme, ìo1, rue d'Enfer-Saint-Michel, au début de la Révolution. Le plus connu est Alexandre-Clément de Boissy, jurisconsulte éminent et écrivain, auteur du Recueil de la Jurisprudence de la Chambre des comptes et d'ouvrages sur la misère des choses humaines et sur la Prière (1).

Avec des locataires aussi honorables, Alexandre-Richard Rousseau jugea que l'acquisition de l'hôtel des Chartreux était une opération absolument sûre. La condamnation de M. le Rebours, le 26 prairial an III, l'émigration de M. de Barville, le départ de M. de Boissy pour Sainte-Palaye où il mourut en 1793, rendirent impossible le recouvreinent des treize mille francs de loyer annuel (2).

(1) Biographie Didot.

(2) Archives départementales, Domaines an II, no 3153. La vente fut enregistrée le 4 mars 1791. Prix de vente, 332.800 livres. Le dossier des Archives contient des pièces sur les difficultés rencontrées par Rousseau, ancien notaire au Châtelet, pour se faire payer. Rousseau mourut le 23 avril 1793, date d'un inventaire après décès. La veuve Rousseau épousa, en l'an III, Thomas Colin, notaire public.

Le Rebours accusé, Barville émigré et les autres suspects, il fallait moins pour attirer à l'Hôtel de Vendôme les hommes du Comité révolutionnaire. Ce qui restait des nobles était en fuite, les financiers se logeaient autour de la rue Taitbout. Je vois donc, à la chute du siècle, la belle maison des Chartreux déserte, les salons dévastés, le grand jardin inculte.

Au commencement du siècle suivant, un vieil antiquaire allemand vint se fixer au 34 de la rue d'Enfer. La guerre et les troubles politiques avaient fait de Paris le marché de la curiosité et du bibelot. Le baron Hoorn de Wlooswyck voulait y compléter sa collection de camées, d'intailles et de bronzes. Hoorn de Vlooswyck (1) mourut en janvier 1809. Une vente d'antiquités mit fin à l'histoire ancienne de l'Hôtel de Vendôme.

Janvier 1909.

P. MAHLER.

(1) Biographie Michaud. Col. Lazare, t. 36, p. 477, coupure du Moniteur du 21 novembre 1809: « Annonce d'une vente d'objets rares et précieux, provenant du cabinet de feu M. le baron P. N. Van Hoorn van Vlooswyck, membre de l'Académie royale des Antiquités de Cassel, de celle de Cortone, etc. etc. La vente se fera en l'hôtel de feu M. le baron de Hoorn de Vlooswyck, rue d'Enfer no 34, le 22 novembre 1809, et jours suivants, à midi précis; les objets seront exposés le dimanche 19 et 21 du dit mois, depuis 11 heures jusqu'à 3 heures. Voir la suite de l'Histoire

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de l'Hôtel de Vendôme dans Aguillon, loc. cit.

LA « MESON DE NAVARRE » A PARIS (1) (1260-1484).

La maison de Navarre, qu'il ne faut pas confondre avec le collège de ce nom, était située sur l'emplacement actuel du lycée Fénelon, au coin des rues de l'Eperon et Saint-André-des- Arts. Jaillot s'est évidemment trompé en disant qu'il y avait deux hôtels de Navarre, l'un situé entre la rue de l'Eperon (rue Gaugain) et la porte de Bucy; l'autre situé rue Saint-André et qui avait été légué par Jeanne de Navarre, le 25 mars 1304 pour y fonder un collège. Il y a là une confusion que la suite même du texte de Jaillot explique puisqu'il dit que les exécuteurs testamentaires de la reine, l'évêque de Meaux, Simon Festu, et Gilles, abbé de Saint-Denis, préférèrent vendre l'hôtel de Navarre et acheter, sur la montagne SainteGeneviève, l'emplacement du collège dont la première pierre fut posée le 2 avril 1309.

Avant de suivre M. Piton dans son histoire intime' de l'hôtel, il est bon de nous rendre compte de l'état de l'em

(1) M. Camille Piton, dont on connaît les beaux travaux sur le vieux Paris et sur Les Lombards en France, avait réuni un certain nombre de documents et de notes sur la Meson de Navarre. Les circonstances ne lui ayant pas permis d'utiliser les matériaux accumulés il a bien voulu les confier à la Société historique du VI arrondissement qui les a remis, à son tour, à M. Etienne Deville dont l'érudition certaine pouvait tirer un parti profitable des recherches de M. Piton. (Ch. S.).

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