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L'architecte s'occupa aussi du jardin très vaste et qui s'avançait en coin entre les Chartreux et le Luxembourg. On appelait le clos de la Forge la partie du terrain comprenant et avoisinant l'hôtel. Le Blond traça des allées, dessina des pelouses et n'oublia ni les fontaines ni les jets d'eau.

Les travaux ne furent, sans doute, achevés qu'après la mort de la duchesse. La succession les paya et les officiers des Chartreux reprirent possession de la grande maison devenue Hôtel de Vendôme (1).

(1) Arch. Nat. S. 2846: La maison cessa bientôt de s'appeler Hôtel de Vendôme. Philippe, Grand Prieur de France, ayant cloué, en 1719, l'écusson de Vendôme à la porte de l'hôtel de Tessé qu'il venait d'acheter. L'hôtel Tessé était rue de Varenne, à côté de l'hôtel Matignon, Récemment, on lui a substitué une maison de rapport.

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L'Hôtel de Vendôme et ses alentours suivant le plan de Turgot.

III

LES DE CHAULNES, LA PRINCESSE D'ANHALT ET LES PRÉDÉcesSEURS DE L'ÉCOLE DES MINES A L'HOTEL DE VENDOME.

De la mort de la duchesse de Vendôme à l'arrivée de M. de Chaulnes, on ne sait rien de l'hôtel. Il est difficile de croire à la vacance d'une maison aussi considérable, pendant douze années. Il est facile d'imaginer que les officiers des Chartreux ne rencontrèrent, avant M. de Chaulnes, aucun gentilhomme assez haut pour mener, en cette magnifique maison, le train qu'elle demandait. Le 7 février 1734, les Chartreux accordèrent au marquis de Ségur, gouverneur du pays de Foix, lieutenant général des provinces de Champagne et de Brie, la location d'un appartement sis au premier étage de la maison jadis occupée par M. de Saint-Simon :

Ledit appartement consistant en quatre grandes chambres de plein pied, à l'une desquelles est une garde-robe en saillie sur le jardin de l'hôtel de Chaulnes, à l'autre, une garderobe donnant sur l'allée des Chartreux.

Le dossier de la rue d'Enfer n'a rien de plus à nous ré véler. Tout a disparu sous les successeurs de Mme de Vendôme parchemins et baux qui circonscrivent l'intimité de la vie. Les mémoires de l'époque et le document banal, comme l'indicateur des adresses, y suppléent.

Dans l'almanach royal de 1732 on lit: M. le duc de Chaulnes, rue Saint-Dominique. Dans l'almanach de 1733 on trouve M. le duc de Chaulnes rue d'Enfer SaintMichel. A l'époque de la signature du bail passé à M. de Ségur, la maison des Chartreux était donc depuis un an, au moins, hôtel de Chaulnes.

Louis-Auguste d'Albert d'Ailly, duc de Chaulnes, colonel de dragons, lieutenant commandant de chevau-légers, chevalier des ordres du Roi et pair de France, appartenait à la plus illustre noblesse du royaume (1). Saint-Simon lui trouvait la physionomie d'un bœuf, de la droiture et beaucoup de finesse dans les affaires.

M. de Chaulnes a dépassé la cinquantaine quand il arrive rue d'Enfer. Soldat sans éclat, il a fait son devoir à Ramillies et à Malplaquet et il donne encore à la compagnie des deux-cents chevau-légers de la garde ordinaire du roi, le temps qu'il ne donne pas à sa santé et à la Cour. A l'hôtel de la rue d'Enfer, M. de Chaulnes est goutteux et mange avec avidité. C'est, croit-il, le meilleur remède à la maladie. A Versailles, M. de Chaulnes rend des oracles sur les questions d'étiquette. C'est sa principale occupation. Il mérite assurément le bâton de maréchal. Le Roi hésite à le lui donner. Un jour, Mme de Mailly presse le Roi et M. de Chaulnes est fait maréchal de France dans la promotion du 11 février 1741, lui le dernier, M. de Brancas le premier.

(1) La Chesnaye-Desbois et Badier, Dictionnaire de la Noblesse, t. I; famille d'Albert de Luynes. Duc de Luynes, Mémoires sur la Saint-Simon, t. I.

Cour de Louis XV, 1734-1758, Paris, 1860.

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Le maréchal prêta serment le 19 février, et depuis ne revint plus guère à la Cour. Les attaques de goutte se succédaient plus douloureuses, plus tenaces, M. de Chaulnes dut renoncer à la plupart de ses charges militaires et au gouvernement d'Amiens en faveur de M. de Picquigny, son fils, et se résoudre à ne plus quitter le fauteuil. A la fin de 1744, une crise survint que la gloutonnerie (1) dù malade rendit fatale. M. de Chaulnes y succomba, en son hôtel, le 9 novembre.

Le convoi eut lieu le 12, avec un grand déploiement de prêtres, de crieurs, de luminaire, de tentures noires et de carrosses. Les maréchaux à qui on réservait, dans le cortège, un rang au-dessous de leur dignité, se retirèrent. On porta M. de Chaulnes d'abord à Saint-Séverin, pour le service funèbre, ensuite à Saint-Sulpice. Un discours long et touchant du curé de Saint-Séverin qui mit en fuite la plupart des assistants, la dernière absoute, et l'enterrement dans la chapelle de la famille de Luynes terminèrent la cérémonie. Il ne restait, à ce moment, autour du maréchal que le clergé, la connétablie, M. de Picquigny et deux parents, MM. de Luynes et de Sasse

nage.

La maréchale ne survécut pas longtemps à son mari. Pendant la nuit du 24 au 25 mai 1745, elle mourait d'un abcès dans le poumon, d'une pierre dans le foie et de l'eau dans la poitrine. Née à Rome, Beaumanoir de Lavardin, elle avait cinquante-six ans. Très désagréable et dépourvue de beauté, c'était une femme de piété, de vertu et de conduite irréprochable. Mme de Chaulnes laissait

(1) Suivant le résultat de l'autopsie donné par de Luynes. On ne manquait jamais alors d'ouvrir les personnes de qualité, après la mort. La même remarque s'applique à la maréchale. Voir ci-après.

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