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1

Michel

Orme du Roi

Hôtel de Vendôme

Denfert

Saint

Rochereau

Boulevard

Rue du

Val de Grace

Moulih des Chartreux

Rue

Nicole

A.Fournier delt.

Superposition de la Chartreuse de Vauvert et de l'Hôtel de Vendôme

au Luxembourg, par P. Mahler.

I

LES CHARTREUX DE VAUVERT, LEUR COUVENT, LEUR ENCLOS

L'Hôtel de Vendôme fut, jusqu'à la Révolution, la propriété de la Chartreuse de Paris, fondée par saint Louis (1). Ce roi pieux jugea utile de fixer, près de Paris, les Chartreux dont il connaissait l'austérité et les vertus. Au commencement de l'an 1257, il manda au supérieur de la Grande Chartreuse, le père, dom Bernard de la Tour, de lui envoyer quelques religieux. Dom Bernard de la Tour y consentit et, au mois d'août de la même année, le prieur dom Josseran et quatre autres religieux arrivèrent à Paris, pour y asseoir un monastère.

On les installa aussitôt à Gentilly, en une maison entourée de vignes, que le roi avait achetée à leur intention.

(1) Sources bibliographiques : Le Théâtre des Antiquités de Paris, par Jacques de Breul (1612). • Histoire de la Ville de Paris, par les PP. Félibien et Lobineau (1724). — Description de Paris, par Piganiol de la Force (1742). Histoire de la Ville et du Diocèse de Paris, par l'abbé Le Beuf (1754); édition et additions de Cocheris (1883, t. I, p. 441). — Recherches historiques et topographiques sur Paris, par Jaillot. Variétés historiques, physiques et littéraires ou Recherches d'un savant (1752), (Boucher d'Argis et Le Beuf), t. I, p. 73 et suivantes (1752). Antiquités nationales, par Millin (1791). · Topographie historique du Vieux Paris, par Berty, région du Faubourg Saint-Germain (1882). - Épitaphier du Vieux Paris, par Raunié, t. III (1901). - Sur l'origine et l'histoire de la Chartreuse jusqu'au commencement du xvII° siècle, la notice, écrite par Jacques du Breul, malgré sa naïveté, est la principale source de renseignements. Archives nationales, Archives de l'Assistance publique, Archives départementales.

Mais les Chartreux étaient venus de fort loin pour vivre à la porte de Paris, et non pas dans un lieu aussi écarté que le village de Gentilly. Au bout de quelques semaines, ils demandèrent et obtinrent la propriété de l'Hôtel royal de Vauvert et de toutes ses dépendances (1).

L'Hôtel de Vauvert était situé à quelques centaines de mètres de la porte Gibard. Il était abandonné ou plutôt infesté par des truands qui rendaient particulièrement difficile les abords de Paris. C'est dire que saint Louis avait bien volontiers accordé Vauvert aux fils de saint Bruno, en les pressant d'y entrer le plus tôt possible. Ceuxci arrivèrent processionnellement le 21 novembre 1257, jour de saint Colomban. Le fameux diable Vauvert disparut; il n'en fut plus question que dans les chansons (2).

Le roi avait pris les Chartreux sous sa protection. Un diplôme daté à Melun, en mai 1259, et dont l'original est aux Archives nationales, confirme la donation de Vauvert, celle de la ferme de Gentilly, et accorde aux religieux, pour assurer leur subsistance, cinq muids de blé de Gonesse à prendre, chaque année, dans les greniers de Paris.

(1) Une légende, sans fondement, attribue la construction du manoir de Vauvert à Robert le Pieux, fils d'Hugues Capet.

(2) L'imagination populaire peupla volontiers de démons les ruines païennes, au moyen âge, et je crois que le diable Vauvert fut le proche parent des diables qui hantèrent les débris des villas romaines, épars sur l'emplacement du Luxembourg et de l'École des Mines. Dans ses Essais historiques sur Paris, Saint-Foix dit : « Un hasard voulut que les esprits ou revenants s'avisèrent de s'emparer de ce château. On y entendait des hurlements affreux; on y voyait des spectres traînant des chaînes et entre autres un monstre vert avec une grande barbe blanche, moitié homme, moitié serpent, armé d'une grosse massue qui semblait toujours 'prêt à s'élancer la nuit sur les passants. Que faire d'un pareil château ? Les Chartreux le demandèrent à saint Louis, il le leur donna avec toutes ses dépendances et appartenances. Les revenants ne revinrent plus, et le nom d'Enfer resta seulement à la rue, en mémoire de tout le tapage que le diable y avait fait. >>

Dès leur arrivée, les Chartreux durent transiger avec le curé de Saint-Séverin (1) dont la paroisse s'étendait jusqu'à Vauvert. Moyennant une rente de 10 sous parisis, le curé les autorisa à bâtir une église et un clocher, à percevoir des aumônes, à avoir des cloîtres et un cimetière. La faculté d'exploiter un cimetière était une source très appréciable de revenus les libéralités des fidèles étant surtout destinées à leur assurer une place, après la mort, dans la terre bénite du monastère.

Les Chartreux, laborieux et bienfaisants, devinrent vite populaires. Aux dons des hauts personnages de la cour, s'ajoutèrent ceux des bourgeois et des artisans. Alors que saint Louis n'avait prévu que trente cellules, on put demander à Eudes de Montreuil les plans d'une belle église et commencer la construction d'un couvent capable de loger quarante religieux et un nombre important de serviteurs et d'hôtes. La pierre (2) ne manquait pas sous Vauvert et on obtint de prendre, dans les forêts du roi, tout le bois nécessaire.

L'église, Notre-Dame de Vauvert, fut achevée en 1325, grâce, en partie, à la générosité de Jacques de Cérès, trésorier d'Évreux. On y célébra pour la première fois le saint office, le 15 août de la même année. Un peu plus tard, en 1332, les Chartreux inauguraient le chapitre et la sacristie qu'ils devaient à Pierre Loisel, cordonnier, bourgeois de Paris. Vers 1350, l'intervention de Jeanne d'Évreux, femme de Charles le Bel, donnait aux moines une infirmerie, et Humbert (3), dernier Dauphin de Vien

(1) Voir F. Herbet, « Les limites des paroisses de Saint-Sulpice et Saints-Côme et Damien ». Bulletin de la Société historique du VI arr., 1878, p. 142.

(2) Les catacombes de Paris, par E. Gérards (Paris, 1892).

(3) Les Dauphins favorisèrent de tout leur pouvoir les disciples de

nois, faisait édifier le logement du prieur, la chapelle des femmes dédiée à saint Blaise et l'entrée du monastère.

L'énumération serait très longue des bienfaiteurs de la chartreuse de Vauvert qui contribuèrent à bâtir les cellules, depuis Thibaut, comte de Champagne, gendre de saint Louis, et Aveline de Baigneux, bourgeoise de Paris. Elle rappellerait les noms illustres comme ceux de Pierre de Navarre, fils de Charles le Mauvais, du chancelier Jean de Dormans, de Charles V. Elle mettrait surtout un point en évidence, la participation des bourgeois et des marchands de Paris au développement de la Chartreuse de Vauvert. L'épitaphier ne laisse aucun doute à cet égard: on y rencontre beaucoup de noms roturiers, tels que Gillet Milon, tavernier, ou Pierre de Fontenay, espicier, apothicquaire et bourgeois.

Durant 500 ans, la sympathie des Parisiens ne se lassa pas. Les Chartreux la méritaient; ils ne faisaient pas parler d'eux, cultivaient paisiblement leurs terres, distribuaient aux malheureux la plus grande partie de leurs revenus, ne s'occupaient pas de politique et n'inspiraient pas moins de vénération au roi de France. Témoin Charles VIII qui visita Vauvert, goûta le vin et en fit acheter pour sa cave; témoin aussi, l'abbé Fleury qui conduisit plusieurs fois Louis XV à la Chartreuse, pour lui donner des leçons d'austérité (1).

Un jour, les pères sortirent de leur réserve. Le 22 mars

saint Bruno; Humbert Ier contribua notamment à la fondation de couvents de filles chartreuses, dans le Viennois, par exemple celui de la Salette en 1299 (Boucher d'Argis et Le Beuf).

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(1) Boucher d'Argis et Le Beuf. - Les vieux moralistes sont moins sévères pour les Chartreux que pour les autres moines noirs ou blancs; La Satire Ch. Langlois, La Vie en France au moyen âge, 1908. Ménippée excepte formellement les Chartreux de la Procession des États de la Ligue.

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