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de France et de ses finances. C'est ce dernier Cahouet qui était le locataire principal de la maison qui nous intéresse en 1784, que nous avons vu poursuivre sa réception de secrétaire du roi, vingt jours auparavant. Ces deux derniers Cahouet, peut-être le père et le fils, car no us n'avons point retrouvé leur généalogie, faisaient en tous cas régler leurs armoiries par d'Hozier, juge d'armes, le 14 août 1776, et ces armoiries sont identiques (1).

Comme on peut le voir par ce rapide aperçu, nous n'avons rencontré aucun homme d'épée dans cette famille depuis le lieutenant de chevau-légers que conteste Chérin. Or, dans les familles nobles de cette époque, il n'y avait guère que les cadets qui fussent de robe ou d'église; on trouve peu d'exemples d'aînés qui ne fussent point d'épée. Il y avait même tout un côté de la famille qui n'avait pas réussi et qui était demeuré à Yenville, petite localité de l'Orléanais où ils continuaient, au XVIIIe siècle, à exercer de modestes métiers de chapeliers ou de marchands.

Tels étaient donc les locataires que M. Delaborne (2) trouvait comme occupants de l'immeuble qu'il venait d'acheter.

Le nouveau propriétaire n'avait pas toujours habité Paris. Nous savons qu'il était né en 1736 et que, en 1776, il était établi à Versailles, rue de la Paroisse Notre-Dame, avec le titre de porte-manteau du roi. Un bail notarié du 16 mars 1776, passé à Versailles devant Me Jean Fourcault de Pavant, notaire au Châtelet de Paris, donne à M. Delaborne cette qualité et nous apprend qu'il loue à Jacques Bon, laboureur et à Marie-Anne Corbière sa femme, demeurant à Villepreux, pour neuf ans, la ferme

(1) Bibl. Nat. Mss. Nouveau d'Hozier, 78.

(2) Le nom se trouve aussi souvent écrit en un seul mot qu'en trois.

et fief du Mesnildon, situé aux Bordes, près Villepreux, moyennant 2.000 livres.

:

Cette charge de porte-manteau ne donnait pas à son titulaire un rang fort élevé il y avait le porte-manteau ordinaire et douze autres porte-manteaux, dont trois servaient chaque quartier. Ils prêtaient serment entre les mains du premier gentilhomme de la chambre en exercice et servaient l'épée au côté. Tous les matins ils étaient au lever du roi et assistaient aux dîners, soupers, collations, de façon que le roi pût leur donner en garde son chapeau, ses gants ou sa canne; mais ils ne bénéficiaient de cet honneur que lorsque le grand chambellan, le premier gentilhomme de la chambre ou le grand maître de la garderobe n'étaient pas là on conçoit que le cas ne devait pas se présenter souvent; leurs fonctions se réduisaient donc la plupart du temps à courir chercher un mouchoir, un manchon ou une canne que le roi demandait. Quand le roi sortait à pied, un porte-manteau allait chercher le manteau du roi et le tenait à sa disposition pendant toute la promenade. Ces officiers portaient aussi parfois l'épée du roi, mais c'était là un honneur dont les règlements de cour étaient avares pour eux. Si le roi était à pied ou en carrosse à deux chevaux, c'était le porte-manteau qui portait l'épée; mais dès que le roi était à cheval, ou avait seulement des éperons, ou encore montait dans un carrosse qui, au lieu d'avoir deux chevaux, en avait six, on voyait l'écuyer se précipiter et revendiquer l'honneur auquel il avait droit, de porter l'épée. Le cas d'un carrosse à quatre chevaux n'est pas prévu. Le roi rentré ou débotté, c'était le porte-manteau qui reprenait l'épée. Les jalousies du porte-manteau et de l'écuyer étaient mises d'accord dans le cas, d'ailleurs le plus fréquent, où le roi gardait son épée.

Comme rang protocolaire les porte-manteaux étaient à la cour de fort minces personnages; ils se rattrapaient aux assemblées des villes où ils marchaient immédiatement après les conseillers des bailliages, sénéchaussées et sièges présidiaux et avant les officiers des élections. Ils avaient le titre d'écuyer mais seulement à titre personnel et jamais pour leur descendance; encore n'était-ce que pendant qu'ils étaient en exercice ou après vingt-cinq ans de service. Ils étaient exempts des droits de franc-fief (1). En 1779, M. Delaborne avait sans doute trouvé sa charge insuffisante, car nous le voyons, à la date du 5 août de cette année, poursuivant sa réception en l'office de conseiller secrétaire du roi, maison, couronne de France et de ses finances (2). En 1782, il habite Paris rue des Champs Elysées (aujourd'hui rue Boissy d'Anglas) ainsi qu'il appert d'un acte passé le 10 août de ladite année, devant Me Belurgey, par lequel il achète au fils de son fermier une petite maison sise à Villepreux et louée au perruquier, ainsi que diverses pièces de terre du terroir de Villepreux et sises dans le parc de Versailles, au lieu dit « l'Avenue royale », au terroir des Clayes et au lieu dit «< Sous les Plants ».

Nous avons vu que, en 1784, il avait acheté la maison de la rue des Petits-Augustins, mais le 6 décembre 1782 il vendait à Charles Porcher, le jeune, notaire au baillage de Jumeauville, une ferme sise à Jumeauville. Somme toute, M. Delaborne, malgré ces diverses acquisitions ou aliénations et quelques autres sans intérêt, demeurait seigneur de Ménildon et se contentait de ses fonctions plato

(1) Guyot, Traité des Droits, fonctions, exemptions, prérogatives et privilèges... Paris, 1786, in-4o, Tome I. · Bibl. Nat. Lf3 14.

(2) Arch. Nat., V2 50, page 32.

niques de secrétaire du roi, car, dès 1784, l'acte de vente de la maison de la rue des Petits-Augustins ne mentionne plus le titre de porte-manteau du roi (1).

M. Delaborne prit donc possession de sa nouvelle acquisition et paya, le 6 avril suivant, les 100 francs de rente aux Augustins. Mais l'année d'après, ennuyé sans doute de voir revenir ce receveur de rentes, qui, chaque année, reparaîtrait ainsi, il se décida à payer les 2.000 francs qui le libéraient une fois pour toutes. Du reste M. Delaborne avait l'intention de faire de grandes réparations à sa maison car nous savons, par un procès-verbal qui est dans les titres de propriété, que, le 29 avril 1785, François Rua, conseiller du roi, trésorier général des finances, grand voyer en la généralité de Paris, s'était présenté rue des Petis-Augustins chez M. Delaborne, en vertu d'une ordonnance du bureau des finances, datée du jour même, pour déterminer l'alignement d'une nouvelle façade que M. Delaborne voulait élever à la place de l'ancienne. M. le grand voyer était accompagné du procureur du roi du Bureau des finances et de M. Edme Verniquet, architecte et conseiller du roi, commissaire voyer de la ville de Paris, et nous ajouterons : l'auteur du fameux plan de Paris. Verniquet décida «< que l'alignement à donner devait être dirigé sur une seule ligne droite tendante d'une des jambes étrières à l'autre ». Les travaux devaient être faits en un an.

D'après les plans que nous avons entre les mains, on peut voir que les travaux consistèrent surtout en modifications à la plinthe extérieure du rez-de-chaussée, à la

(1) Nous devons à la complaisance de M• Poirson, notaire, la communication des actes notariés concernant M. Delaborne, que nous citons ici

forme des portes et fenêtres et à la corniche au-dessus du rez-de-chaussée.

Si M. Delaborne faisait faire toutes ces réparations c'est qu'il avait l'intention d'habiter sa maison, où il s'installa avec sa famille composée de sa femme née Marie-Louise

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Immeuble sis au no 6 de la rue Bonaparte.

(Les traits diagonaux indiquent les modifications projetées au moment où ce dessin fut exécuté (1785).

Françoise Lebrun et de son fils unique Edme, un écolier de quatorze ans. Quelques années après il fallut songer à l'avenir du jeune homme. Les orages qui s'accumulaient sur la monarchie française ne semblent pas avoir impressionné M. Delaborne; sans en être, il avait approché la cour de si près; ce chapeau, ce manteau, ces gants royaux qu'il avait mainte fois tenus avec vénération entre ses

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