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On voit que, par sa force vitale, campane est devenu le concurrent le plus redoutable du terme indigène sonnail.

18. campagnard (Vallée de Joux) tient, par sa forme légèrement arrondie (fig. 6), le milieu entre le toupin et la tapa. Au point de vue étymologique, ce mot offre une curieuse contamination des thèmes campane et campagne.

Les mots suivants, d'usage local, me sont en grande partie obscurs, quant à leur provenance. 19-22. tarkyé ou tèrtyé, << bourdon, mauvaise sonnaille », au fig. << femme bavarde > (Villeneuve); tarkach' (Vernamiège, Valais), tèrkasė (Leysin), << mauvaise clochette »; tarkachon1, « clochette fêlée », forment probablement une famille avec kyèrkan, < clochette fêlée» (Vallée de Joux)2, «bourdon de moyenne grosseur » (Fribourg). J'y vois le mot carcan, du moins dans le dernier nommé. Le mot devait désigner à l'origine non la cloche, mais le collier. 23. targalèt' (Lens, Valais), «< clochette », doit en être séparé. 24. bòtò̟ouk, s. m., vieille clochette (Vernamiège). 25. bòk də sồ3 et 26. kətò (Granges-de-Vesin, Fribourg), type bourdon. 27. kèbè (Cerneux-Péquignot), clochette, litt. réduit obscur5. 28. barlatay, clochette ovale, longue et évasée (Leysin6, fig. 7).

Plusieurs expressions déterminent le lieu de fabrication: 29. bagnarde (Leysin); 30. tsamouni (Charmey, Frib.). 31. tiróla, grosse sonnette sphérique des harnais de chevaux (Fribourg).

C'est sur le gros bourdon, remarquable par son extravagance, que s'exercent surtout les facultés créatrices du langage. On l'appelle d'après sa forme: 32. péla, c'est-à-dire marmite, à Leysin, 33. tsœudèron, « chaudron » (Sembrancher, Valais);

1 Vuillerens, Vaud : carcasson, très petit bourdon.

2 Désigne un objet quelconque en métal rendant un son sourd, et, par extension, diverses choses vieilles.

3 bouc de ?

Probablement onomatopée.

5 De la même famille que ca(m)buse, ca(r)bole, caborgne, etc.

6

Proprement marchand ambulant.

d'après son gros bruit sourd: 34. bourdon1 (Vaud et Valais), 35. tromblon (Valais), 36. bondon (Fribourg), 37. banban.na (ib.), 38. klạnka2 (ib.). Ce dernier a-t-il été créé par onomatopée, ou l'allemand klang en est-il responsable?

Pour les grelots qu'on attache au cou des jeunes bêtes et du menu bétail: génisses, veaux, chèvres, brebis, nos patois possèdent également une abondante nomenclature. Mais il est temps de terminer ce carillon de cloches et de mots. Je noterai seulement que les noms du grelot se confondent souvent avec ceux du grillon, ce qui confirme l'opinion de ceux qui voudraient les faire remonter à une même origine.

Pour finir, je transcris le joli morceau, dû probablement à C. Dénéréaz, inséré dans le Conteur vaudois, 1881, no 6.

Lò munisipó Krǝtson, k'avay on byó troupé dè vatsè, ètay fò pò la sǝnalyèri; asəbin kan montavè, fazay rudo byó vayrè è ourè pasă son troupé ka sédyay lò frǝtay avoué sa dặtsə, è dè byó savay kə Krǝtson alavè adé on bè pò oụrè pə gran tin sa bala sənèri, kā n'y avay pà na betə kə n'osè sa sənalyə: toupin, glyòtsètè, karayè, tape, toupǝnè, y'in-n-avay dè totè lè

TRADUCTION

Le [conseiller] municipal Cretson, qui avait un beau troupeau de vaches, aimait beaucoup (était fort pour) la sonnerie; aussi quand il montait [à l'alpe], il faisait très beau voir et entendre passer son troupeau qui suivait le vacher avec sa gibecière de cuir, et il est clair (de beau savoir) que Cretson allait toujours un bout [de chemin] pour entendre plus longtemps sa belle sonnerie, car il n'y avait pas une bête qui n'eût sa clochette: bourdons, clarines, carrées, tapes, petits bour

1 L'origine de ce mot et de sa nombreuse famille a été discutée par Mile Richter, Sitzungsber. d. Wien. Akad. 1908.

2 Désigne aussi des bourdons plus petits. Comp. les mots rétoromans ploumbe, ploumpe, Nigra, p. 135, nos 9-10.

sórtè è dè totè lè grantyão. Lè gəlin è lè sanó ètyon pò lè fayè è pò lè muton. Asǝbin tò lò plyézi dè Kratson, kan lè vatsè ètyon radèchindyè dè la montanya, ètay dè lè mană è dè lè ramǝnă din tsan, yó lò bòvayron lè gardāvè. Ma fay l'ivè, kan lè vatsè ètyon a la rətsə, adyά lè sənalyè. Nə lésivè k'on toupanè a-n-on pati vé è rèduizay totè lè-z-ótrè ao grǝnay, yó l'ètyon pindyè a duè pèrtsè.

On dzò, kontrè lò bounan, nə sẻ på sǝ Krǝtson s'in.nòyivè è sǝ l'avay lò mó dao payi day ɣlyotsètè, mă tan-t-y a k’on.na vèpră on-n-ou on brǝlan dao tònèrə pè lò grənay. Lè valè von vèra ka y avay: l'ètay to bounamin lò munisipó k'avay a tsatyè man yana day pertsè, ka tanyay koumin on bè dè suvira, è kɔ lè səmòtāvè pò férè sənalyi tò lò kòmè̟rsə.

Mã, kɔ fédè-vò don, perə, sə lay fă yon day valè, kin.na brǝlayrə vò prin-t-a?

dons, il y en avait de toutes les sortes et de toutes les grandeurs. Les « guelins » et les « sonneaux » étaient pour les brebis et pour les moutons. Aussi, tout le plaisir de Cretson, quand les vaches étaient redescendues de la montagne, était-il de les mener et de les ramener du pâturage, où le berger les gardait. Ma foi, l'hiver, quand les vaches étaient à la crèche, adieu les clochettes. Il ne laissait qu'un grelot à un petit veau et réduisait toutes les autres [clochettes] au grenier, où elles étaient suspendues à deux perches. Un jour, aux approches du nouvel-an, [je] ne sais pas si Cretson s'ennuyait et s'il avait le << mal du pays des clochettes, mais tant y a qu'un soir on entend un bruit du tonnerre au (par le) grenier. Les garçons vont voir [ce] qu'il y avait : c'était tout bonnement le [conseiller] municipal qui avait à chaque main une des perches qu'il tenait comme un manche de civière, et qu'il secouait pour faire sonner tout le « commerce ».

Mais, que faites-vous donc, père, (ainsi) lui fait un des garçons, quelle lubie vous prend-il ?

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