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E-t adon kya dajan k'ir rin chòbra kya katrò maryadzò è Ninndata è k an itą dèstrui è dou vèặdzò dou Vëjënan è dou Chavyèjan. Ü Chavyèjan chon ishui mò è ï Vëjënan è rin chòbra k oun mèing ü brï. Ìr i avan graucha də Dzhyan Bourban d à Krèta11.

a

Dzhyon toupari ky aei youn k itṣè œ ̈tr à mòrin”ışa15 dī tsan. Chéré a ita trei dzò k a pă yü apròshyè œütrə də moun1dò. È partei ënsé pò vér deky aei. Kan è jü ënsé p è Rāch 16, yü ini bă pe tsan d à Oua 16 pleina a vèi də kyich. Kan a yü chin, a pincha tòrna ënndèri, ma è troua jü tā: è mò koum è-j ātr3.

Kan è jü pachai i pèsta, an porta tshui è dra di mò étin”dü è-j oun ch è-j ặtrò ü xlò d aòką16. A ji na tè̟ija də vā.

C'est alors que, à ce qu'on dit, il n'était rien resté que quatre ménages à Haute-Nendaz, et qu'ont été détruits les deux villages du Visinan et du Saviésan. Au Saviésan ils sont tous morts, et au Visinan il n'est rien resté qu'un enfant au berceau. C'était l'aïeule (litt. l'arrière grand'mère) de Jean Bourban de la Crête.

On dit (litt. ils disent) aussi qu'il y avait un individu qui demeurait au delà de la Morenche des champs. Il (litt. celui-là) est resté trois jours sans voir venir de monde de son côté. Il est parti du côté du village pour voir ce qu'il y avait. Quand il a été en deçà, aux Rasses, il a vu descendre par les champs de la Loye plein le chemin de cercueils. Quand il a vu cela, il a pensé retourner en arrière; mais c'était trop tard: il est mort comme les autres.

Quand la peste a été passée, on a porté tous les linceuls des morts étendus les uns sur les autres au Creux de l'Avocat. Il y en a eu une toise de haut. On distingue encore maintenant en haut dans la chambre de Jacques Lathion les petits creux

Oun kony adi ōra amü ü pilò də Dzakya Atshyon è krüjì k an fé þ ō planntshyè è mať dǝ Odò Pra kan parfoumaon ò pilò pò dèfinndr3 a pèsta.

qu'ont fait dans le plancher les filles de Odo Pra lorsqu'elles brûlaient des parfums dans la chambre pour se préserver de la peste.

NOTES

1. Raconté en 1906 par Joseph Michelet, à Nendaz. Pour certaines particularités phonétiques du patois de Nendaz et la façon dont nous les avons rendues dans la transcription, voir Bulletin, 1907, p. 29, note 1. 2. dajan, 3e pers. plur. dans le sens indéfini: on disait. De même plus loin, p. 48, dzhyon, on dit.

3. Shyoun, Sion, de Sedūnum. Dans la plus grande partie du territoire franco-provençal, -ūnum et - onem se sont confondus en -on. Le patois de Nendaz, comme d'autres patois valaisans, conserve la distinction primitive -ūnum > -oun et -onem > -on. Cette particularité fournit un indice précieux pour l'étymologie des noms de lieux en -on. Ainsi on pourra inférer de la forme patoise Ardoun, pour Ardon, que le nom de cette localité renferme aussi le -dunum celtique.

4. atrapei; l'infinitif de ce verbe est atrapi, d'où le participe en -ei-ectu. Cf. Bulletin, 1907, p. 29, note 5.

5. che ouei ashya, s'il voulait le laisser. Sur cette disparition du pronom régime par voie purement phonétique, voir Bulletin, 1907, l. c., notes 2 et 9. Elle est ici remarquable en ce sens que le mot suivant n'avait pas primitivement l'initiale vocalique. Ouei est l'imparfait régulièrement développé du verbe « vouloir », qui se conjugue oud, ouei, Quei, ouachen, ouachi, ouan.

6. k ouchei pyè jü ènā, litt. qu'il soit seulement eu en haut. Ouchei représente une curieuse fusion du subjonctif de « avoir », auch, avec celui de «< être », chei. Cette forme contaminée est la forme courante du subjonctif pour les deux verbes. Ouch peut aussi à lui seul remplir la double fonction, tandis que chei est à peu près hors d'usage.

On remarquera l'emploi des temps du passé dans le discours indirect. C'est un caractère constant de la narration dans le patois de Nendaz. Cf. plus loin: a di kya... ch ouch plashya,...k ouchei aoueitshya,... k ouchei pa di oun mo, etc. Voir aussi le conte déjà publié dans le Bulletin, l. c.

7. ouajei, imparfait de «< aller » formé sur vadere, qui, à Nendaz, a envahi presque toute la conjugaison. Ind. présent: jo ou ouajò; imparf. ouajo, rarement aặò; fut. ouäri; condit. ouard; subj. ouajęcho ou acho; inf. aặ.

8. Charije, groupe de maisons au sommet du village de HauteNendaz.

9. Odo, forme probablement altérée d'un prénom. Le narrateur avait

aussi entendu la variante Outo.

10. chourtei di a mecha, litt. sorti dès la messe, comme plus haut : vinyei di Shyoun, il venait dès Sion. Cet emploi nous paraît confirmer l'explication de dès par une fusion de de avec ex.

11. ò inndəman; les circonstanciels de temps prennent toujours la forme du cas régime là où la déclinaison de l'article est conservée. Cf. Bulletin, 1903, p. 31, note 5.

12. tsā ché... combinaison de la particule distributive tsā < KaTα avec le démonstratif, comme on dit : tsā youn, un à un, tsā pou, peu à peu, etc.

13. d'abǝsky', contamination de d'abord que avec puisque, qui s'emploient tous deux en patois dans le sens causal.

14. Krėta, hameau de la commune de Nendaz.

15. mòrinntsa; on donne ce nom à des restes d'anciennes constructions en pierre qui se trouvent près du village. Pour d'autres exemples de ce mot dans la toponymie romande, voir E. Muret : De quelques désinences de noms de lieu particulièrement fréquentes dans la Suisse romande et en Savoie. Paris, 1908, p. 123.

16. Lieux-dits de Nendaz.

17. kònya; le présent de l'indicatif de kònyètre se conjugue kònycho ou kò̟nyo, kò̟ny, kòny, kònyèchịn, kònyètrə, könyệchon ou konyon. Il y a sans doute eu influence des verbes en -ir, qui ignorent complètement la flexion inchoative au présent de l'indicatif: ouaro, je guéris, ouṛrə, ouar, ouarin, ouari, ouaron.

ÉTYMOLOGIES

J. JEANJAQUET.

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1. Neuch. détchpouèna, « dévêtu ».

M. Ph. Godet, à Neuchâtel, a bien voulu nous communiquer l'extrait suivant d'une lettre écrite vers 1861 par G. Quinche, auteur bien connu de récits patois et d'un excellent vocabulaire inédit du parler de Valangin : « Que dites-vous de ce

retour d'hiver? Il fallait du reste s'y attendre : les mois de janvier et février avaient été beaucoup trop beaux, tellement beaux qu'un imbécile (on peut l'appeler ainsi) s'est avisé à Engollon (Val-de-Ruz) de planter toutes ses pommes de terre.... Les gens ici travaillaient en manches de chemise, et ce fait m'a rappelé ce dicton patois de nos ancêtres: Atan vai on lu dsu on fémi qu'enn' homme detchepouenná u mai d' févrí.... »

Le sens de ce proverbe, qui a déjà été publié dans le Glossaire de Bridel, p. 532, et, d'après les papiers de G. Quinche, dans le volume Le Patois neuchâtelois, p. 32, est: Autant voir un loup sur un fumier qu'un homme en manches de chemise au mois de février. Dans son vocabulaire, Quinche définit detchepouéná par être à demi déshabillé ». On retrouve le mot dans une traduction de la parabole des vignerons par M. A. DardelThorens en patois de Saint-Blaise: c'étaî on piaisi de lè vair travailli: l'étan adi to detchepouèná (Pat. neuch., p. 369). I équivaut à une forme française déjuponné » et s'explique par le fait que djipon ou djupon avait conservé, en patois neuchâtelois, le sens d'habit d'homme descendant très bas, qu'il a aussi possédé en français, témoin les vers de Molière: < Vous pourriez bien ici, sur votre noir jupon, Monsieur l'huissier à verge, attirer le bâton.» (Tart., V, 4). Plusieurs passages de notre littérature patoise attestent le sens de « long vêtement d'homme. Le jupon de femmes se disait godillon. Djipon perd facilement son i et se prononce alors tchpon, comme dans son dérivé.

2. Neuch. djir, djirè, « aussi ».

Ce vocable est fréquent en vieux français sous les formes g(i)ers, gierre, gier(r)es, avec le sens de « par conséquent, alors », et son étymologie a été plusieurs fois discutée, en dernier lieu par M. A. Thomas (Romania, XXXIII, 91-92), auquel je renvoie pour plus ample information. Il signifie chez nous

1 Cf. des variantes de ce proverbe dans Chenaux et Cornu, Revi fribordzey, no 4; Bulletin du Glossaire, 1905, p. 17, no 16; Archives suisses des trad. pop., t. XII (1908), p. 166, no 46.

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aussi, par ex. dans ces vers de la Bourgeoisie de Valangin, par Quinche: Lly èd-avai deu la Tchatlani qu'chi vnian dgírè grô bin fti, il y en avait de la Châtellenie (de Thielle) qui « ci » venaient aussi très bien vêtus». Pour le développement du sens, cfr. aussi = par conséquent, en tête d'une proposition française, qui représente l'évolution sémantique inverse. A la Côte-aux-Fées, l'on m'a indiqué la phrase: i plá dzär, avec le sens il pleut de nouveau », et ā, dzär comme exclamation de surprise avec la valeur: « Qui l'eût cru!» Mais ces assertions sont sujettes à caution. Tissot donne dans son dictionnaire du patois des Fourgs1, écrit au bon temps du patois, les sens : « en ce cas, s'il en est ainsi, alors ». On prononce djir(è) au Val-deRuz et au Val-de-Travers, et djérè à la Montagne neuchâteloise. Cela nous permet de reconstruire un ancien *djieres dont l'i aurait conservé l'accent dans les deux premières vallées, et aurait été, à la Montagne, absorbé par la consonne palatale tout en rejetant son accent sur le deuxième élément de la diphtongue. Le même phénomène s'est produit dans djirl (< gerle», latin gerula) du Val-de-Ruz, vis-à-vis de djérl de la Montagne, ou dans ètchi'rl (Val-de-Ruz, latin scala) à côté de ètchel (Montagnes).

Parmi les étymologies mises en avant, je préfère le latin ea re2, devenu avec déplacement d'accent *iáre; de ea re me paraît contenir un élément superflu, et ea de re une construction peu populaire. L'adverbe a été fortement influencé par hac hora, qui apparaît en vieux français sous les formes or, ors, ore, ores, en patois neuchâtelois moderne comme òra et òrè (ce dernier seulement dans la composition ankò̟rè). A remarquer que le français or a pris la place de l'ancien giers au commencement de la phrase, où il tend à être remplacé à son tour par aussi 3.

1 Les Fourgs sont très peu distants de la Côte-aux-Fées.

2 Proposé par MM. Meyer-Lübke et A. Thomas.

3 Ce qui relève l'importance de cette étymologie, c'est qu'elle prouve la survivance du pronom latin is, dont les traces sont bien

rares en roman.

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