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Le cria: Pairé, pairé, apporta lo craizu,

Et dé voutr'outra man ne vegni pas voizu* !
185. Prendé on bon tricot! Ne dio pas quié so cotté,
Sauto frou de mon lly, sén bouta mé cullotté.
Y'enprennio mon craizu, frinno avoz lés-z-egra,
Couten bin quie cocon ne m'én saray pas gra.
Comen y'eté au poen d'entra deden l'alaye,
190. Stu grivoy, que chentay quoquie malapanaye*,
En arreven que fi, devant que l'usso vu,
D'on cou de son tzappé mé détien* mon craizu.
Sbin que me vaiquié sen verre ouna gotta,
Et puis ma lampa bas, que sé toumavé tota.
195. Dité-mé donc, messieurs, ti per voutra conchense,
Ce cen est oun’akchon?

Ce lo Souverain dit que cen say oun'akchon,
Pachense!

Elle cria: « Père, père, apportez la lampe,

Et ne venez pas sans rien dans votre autre main !

Prenez un bon bâton!» Je ne fais ni un ni deux, (je ne dis

pas: que cela coûte-t-il?)

Je saute hors de mon lit, sans mettre mes culottes.
J'allume ma lampe, m'élance en bas l'escalier,
Pensant bien que quelqu'un ne m'en saurait pas gré.
Comme j'étais sur le point d'entrer dans le corridor,
Ce grivois, qui pressentait quelque mauvaise aventure,
Au moment où j'arrivai, avant que je l'eusse vu,
M'éteint ma lampe d'un coup de son chapeau.
De sorte que me voilà sans voir goutte,

Et puis ma lampe à terre, qui se vidait toute.
Dites-moi donc, etc.

185-186. Sauto fro de mon baton, ne dio pas que çen cottè. – ben qué stu cor ne m'en savai. grivois. 193. Se bin que mé

-

liy sen boutá mé culotte, Prennio on bon 187. Empougno mon craizu. 188. Savé 189. Quand ye fû su lo poent. - 190. Mon vailė. 195. Dité lo don.

N'est pas lo tot! Quand vi ma lampa renversaye, 200. Ye eru que ma Zabeth etay desonoraye.

Me bouti a cria: fena, depatze-té,

Enprein l'autro craizu, sauta frou en panté!
Le me cray; dein dou sau, sta fena se presenté.
Stu compagnon, qui'etay catzy derrey day breinté,
205. S'avance tot d'on coup, et, sen la respecta,

Paf! d'on cou de tzappé, vaiquié son craizu ba.
Cebin que no vaiquié encora sén lumiere,
Sén savay yo alla, craignen les etriviere.
A la fin lo galan, apré to cé fraca,

210. Se recoué et tzi lli s'ein alla sonica*,
Contein comein on ray d'avay vu noutra pouére,
Et de no-z-avay fé a ti veni la fouére.
Lay y'é encor gagni on rommo violein,

Ce n'est pas tout: Quand je vis ma lampe renversée,
Je crus que mon Elisabeth était déshonorée.

Je me mis à crier: Femme, dépêche-toi,

Allume l'autre lampe, « saute dehors en chemise ! >>
Elle m'obéit; en deux sauts, cette femme se présente.
Ce compagnon, qui était caché derrière des « brantes »,
S'avance tout d'un coup, et, sans la respecter,
Paf! par un coup de chapeau, voilà sa lampe à terre.
De sorte que nous voilà encore sans lumière,
Sans savoir où aller, craignant [les coups d'] étrivière.
A la fin, le galant, après tout ce fracas,

Rentre et chez lui s'en va dormir [à poings fermés],
Content comme un roi d'avoir vu notre peur,

Et de nous avoir fait à tous venir la diarrhée.

J'y ai encore attrapé un rhume violent,

202. Et pren [l'éditeur ne connaît apparemment pas le verbe eimprendre = allumer]. 203. ma féna. — 206. lo craizu. — 207. no vailė. 210. Sé recouilly tzi ly, et s'en va sonica.

Que m'a bin tormenta et me revin sovein.
215. Hem! hem! hem! Adon dites vay en conchense,
Ce sein son dai akchon?

Ce lo Souverein dit que cein say dai-z-akchon,
Pachense!

Qui m'a bien tourmenté et me revient souvent.
Hem! hem! hem! Maintenant dites un peu en conscience,
Si ce sont des actions?

Si le souverain dit que ce sont des actions,

Patience!

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214. et que mé prend sovent. 215. Hom. Hom. [et rien de plus]. 216. Dité lo vai, etc., comme les autres fois.

APPENDICE

I. PRONONCIATION

Comme il est impossible de reconstituer exactement la prononciation patoise du XVIIIe siècle, nous avons renoncé à transcrire le poème phonétiquement. Nous croyons cependant rendre un service aux amateurs de nos dialectes, en indiquant la façon dont se prononcent aujourd'hui les mots les plus inté ressants à ce point de vue. C'est un vieux « régent » d'Escherin sur Corsy (près Lutry) qui m'a renseigné là-dessus. Les numéros correspondent aux vers du texte.

Titre: krèyzu ou krayzu. 1. balyāy, 3. klyé, plyon-ma. - 4. ardzè, marti, èklyaña. — 6. dèy-t-on, dépè. — 7. ditè-lo vā, konchèsǝ. — 10. vāyèin (diphtongue nasale). 11. fəlyə. — 12. palyǝ. — 14. ma fay.— 19. laou say. 20. rè. 22. akchon.

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24. ko.

28. na.

-

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25. nò krayā. 27. vay tya, por lyī, òrèindrā.

29. kótyè. - 30. papā. 31. närǝ. — 32. byó-pārə.

35. dzò. — 38. layvè.

47. yadzo, ankoura, kokè.

39. vazana. -40. kouzana.

48. portyè. 49. martalè.

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50. la. — 51. vayè. 53. rv. 54. vyddzo. 55. pɔnāoza. — 58. vèrs. — 63. vèlya, mèrtā. — 64. ètsòoudă, dă. — 65. số. — -

-

-

66. gǝlyèta. — 67. tomber se dit aujourd'hui tsəzi. — 69. voualāyə. 71. étay tys. 81. pouāvo. 83. On dirait maintenant pèchatrè au lieu de tiautre. — 95. nòviyè. — 97. fèindè. — 98. vouèti, dzè. 99. Xlydou. 104. lya.

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115. lè tò. 121. vaytsé.

125. rǝko.

-

126. maytè.

-

109. forta. 111. ivè, frå.

123. bǝtā, tīta. 124. fita.128. mimo. 129. bataku. 131. pådè. — 141. vèrāra. — 144. dèpouèra, grǝlyǝ. — 163. prèsè. 164. módé, mè. 169. cheurtzo, n'est plus connu. 170. pòrtso. — 178. èra ou āra. — 181, mədā. — 182. pèdrə. — 184. vouayzu. - 187. frin-no.

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211. pouāra.

204. brèta. 212. fouārǝ. —

214. fòrmèta, rovèin, sòvè.

II. EXPLICATION DE MOTS.

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2. Les pensionnaires sont probablement les commis du notaire devant lequel le père dépose sa plainte.

3. bantsə, étude de notaire, greffe du tribunal.

8. krayzu, identique avec le mot français creuset, vieux français croisuel, esp. crisuelo, it. crogiuolo, qui ont signifié à l'origine lampe et qu'on tire généralement de cru

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ceolus, petite croix, sans qu'il soit bien démontré quel rôle la croix a joué dans cette dérivation. M. Schuchardt (Zeitschrift für romanische Philo logie, XXVI, 314 ss.), suppose qu'il faut partir de cochlea, parce que la mèche émergeant de la lampe faisait penser à une tête d'escargot sortant de la coquille. Ce serait en ce cas *cloceolus, changé en *croceolus. Notre forme patoise rend vraisemblable une intervention sinon une dérivation de crucem. Inutile de dire que cette espèce de lampe n'est plus en usage.

9. épèy peut-être, du latin spero, vieux français espoir, voir Romania, XXV, 437

12. palya, de polyi, fr. piller voler adroitement.

=

14. J'ignore comment l'expression beau chien arrive à signifier bien attrapé.

16. consistéro, tribunal paroissial qui, sous la domination bernoise, se composait d'un juge, président, de son lieutenant ou vice-président, du pasteur (ministre), de plusieurs assesseurs

et d'un secrétaire. Ce tribunal semi-ecclésiastique, semi-laïque, jugeait les causes matrimoniales, les infractions aux bonnes mœurs, les contraventions aux règlements de police. Les ordonnances du gouvernement envoyées au consistoire commençaient ordinairement par les mots: Aux sieurs, Juge, Ministre, etc., salut! imités ici par à vous, etc.

21. fè, adverbe, du latin firmus, subsiste encore dans d'autres patois.

24. Ce son zau zu ama, littéralement: se sont eu eu aimés, le z de liaison (provenant de nous avons eu, etc.) est soudé indissolublement au mot. La langue populaire remplace le passé défini il aima par il a aimé, et, par conséquent, il eut aimé par il a eu aimé. On dit communément: quand j'ai eu su, quand il a eu dit, etc., où le mot eu marque une idée d'antériorité. Au passif, on. dit il a eu été aimé, et, comme en patois la formule il a été est généralement rendue par il est eu, il en naît la construction barbare, mais logique, il est eu eu aimé. Le cas n'est pas seulement intéressant au point de vue syntaxique, mais aussi par la diversité phonétique du mot eu placé sous deux accents différents, le premier plus fort que le second, ce qui produit la forte contraction de la deuxième forme.

29. Le mot tracasserie a conservé en patois le sens de bagatelle, petit présent.

32. La rime nārɔ: byd-pārə s'explique par la phonétique locale, qui supprime dans certaines positions la deuxième composante de l'ancienne diphtongue ay.

41. galandé, seul exemple de notre littérature patoise où ce mot se trouve au féminin.

45. que cén say, subjonctif, après les verbes de la parole, . comme en allemand, en italien, en vieux français.

47. La récolte des noix donne lieu à des réunions de jeunes gens tantôt chez l'un, tantôt chez l'autre, appelées kasaya. On casse des noix, on n'oublie pas de les arroser de vin, et l'on trouve l'occasion de forger des projets de mariage.

49. s'époufa, cfr. pour le sens l'exemple suivant: « Item a dit qu'ayant été laissé à la montagne des Prayses pour la garde des fromages qui restoient dans le challet de la dite montagne après la descente du bétail, il s'en époufat avec la casaque de

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