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phiques, par le Conteur vaudois, 3o année (1864-65), nos 5 et 6; par Favrat, dans son Appendice au Glossaire de Bridel (1866), p. 512-518, et de nouveau par le Conteur vaudois, en 1905, nos 45 et 46.

M. E. Muret, professeur à Genève, a bien voulu me communiquer une copie manuscrite, appartenant à M. de la Harpe, à Vevey, dont le texte diffère sensiblement du premier imprimé. Ce manuscrit remonte probablement à la fin du XVIIIe siècle et offre généralement des leçons préférables à la rédaction imprimée. Mais l'orthographe est hésitante et fortement francisée, surtout au début. Il n'existait pas, à ce moment, de tradition orthographique patoise. Je trancris ici ce manuscrit sans rien changer au texte ni à l'orthographe; je rectifie seulement les nombreuses erreurs commises dans la séparation des mots. J'y joins une traduction aussi littérale que possible. En note, je citerai les variantes de la rédaction traditionnelle, d'après le vieil imprimé, sans m'occuper des divergences purement orthographiques. En appendice, je donnerai la prononciation actuelle dans les environs de Lutry1 des mots dont la transcription laisse subsister des doutes, et j'expliquerai certains termes intéressants de ce document. Ils sont, dans le texte, accompagnés d'un astérisque.

1 A Lutry même, le patois est complètement éteint.

Le père:

[Lo conto day craizu.]

Dieu lo vo baillay bon, monsu lo secretéro,
Acebin qu'a ti vo, messieu sé penchounéro*,

Tant Ecrivin que Cler, gens de banche et de plume,
Qui forgez ti l'argent sans martau ni enclume.
5. Mais pardon, se vo plé, ne s'agit pas de cin.
Dait-on pas condana a ti frai et depin,
Dité lo vay, messieu, ti per voutra conchense,
Cé qu'étien lé craisu* par malice et vengence?

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Dieu vous le donne bon [le jour], monsieur le secrétaire,
Aussi bien qu'à vous tous, messieurs ses pensionnaires,
Tant écrivains que clercs, gens de bureau et de plume,
Qui forgez tous l'argent sans marteau ni enclume.
Mais pardon, s'il vous plaît, il ne s'agit pas de cela.
[Ne] doit-on pas condamner à tous frais et dépens,
Dites-le un peu, messieurs, tous sur votre conscience,
Celui qui éteint les lampes par malice et vengeance?

Le manuscrit n'a pas de titre, la ponctuation manque à peu près totalement. 2. messieux les Commisséro [n'a pas de sens]. dzens dé bantze et dé pliomma [bien préférable comme transcription; du reste, le texte est beaucoup moins francisé dans la suite du manuscrit de la Harpe]. 4. Que fordzi ti l'ardzen sen marté né encliomma [item].

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5. Ma perdon, se vo plié [item]; çen [le scribe de notre manuscrit a été embarrassé en transcrivant le e nasal, qu'il écrit en, én, in; quelquefois on trouve, comme ici et dans la ligne suivante, en corrigé en in]. 8. lo craizu [notre texte vaut mieux, puisque le héros éteint deux lampes ; cf. aussi vers 155]; vendzence [orthographe préférable].

Le notaire:

Pouro frare, epay* bin que vo-z-ay prau reson, 10. Mas no ne vayen pas, io va voutra question.

Le père :

Qué! vo ne cède pas, messieu, que i'é ouna felie,
Dont on laron tzi no voliay fére a la pelie* ?
Mais, pargué! n'en est pas inque io voudray bin.
N'a pas trova son fou, c'est ma fay on biau tzin*.
15. Dinché, bravo messieu, moyenan bon saléro,

*

Féde mé on mandat a noutron concistero :

« A vous, Messieurs les Juges, ministre et Lieutenant, Secretaire, assesseu et to lo bataclian.... »

Que lau say deffendu, et en boune écretoura,

Le notaire :

Pauvre ami (frère), peut-être que vous avez bien raison,
Mais nous ne voyons pas où va votre question.

Le père:

Quoi! vous ne savez pas, messieurs, que j'ai une fille,
Qu'un mauvais sujet (voleur) chez nous voulait enjôler?
Mais, par Dieu! il n'en est pas là où il voudrait bien.
Il n'a pas trouvé sa dupe; il est, ma foi, bien attrapé (un
beau chien).

Ainsi, braves messieurs, moyennant bon salaire,

Faites-moi un mandat à notre Consistoire :

A vous, messieurs les juges, pasteur et lieutenant,
Secrétaire, assesseurs, et tout le bataclan.... >
Qu'il leur soit défendu, et en bonne écriture,

10. ne ne

9. bin réson [notre texte évite la répétition du mot bin]. · vyen pas [manque une syllabe et la forme actuelle est bien vayèin]. 12. låre. 14. l'est mafai. 15. Dité, bravo Messieux [notre texte vaut mieux]. 16. per noutro.

-

17. L'imprimé donne tout en patois : A vo, Messieux les Dzudzo, Menistré, Lutenien [le manuscrit, qui reproduit d'abord le texte officiel français et passe ensuite au patois, nous semble être plus près de l'original].

20. Dé rén distribua dé noutra procedoura.

Pésa fer*, se vo plié, vos verray s'é réson,
Quand vo-z-ari conta dau galan lés akchon.

Vo saray don, Messieu, ce vo plié d'acuta,

Que ma félie et cé cor ce son zau zu ama

25. Et que ne craya ti que saray on mariajo,

*

Yo ne manqueray pas buro, pan ne froumajo.
Mé vayqué qu'é fini; car por lli, orendray,
Ma fellie n'en vau plieu, ne én blian né en nay.
Et se li'a zu balli quoqué tracasseri*,

30. Por cén n'i a né papay né parchemi ecri.
Baste! enfin cé akchon son envers lli se naire,

De rien divulguer de notre procédure.

Pesez bien (ferme), s'il vous plaît, vous verrez si j'ai raison,
Quand je vous aurai conté du « galant les exploits.

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Vous saurez donc, messieurs, s'il vous plaît d'écouter,
Que ma fille et cet individu (corps) s'étaient autrefois aimés

(se sont eu eu aimés)

Et que nous croyions tous que ce serait un mariage,
Où ne manqueraient pas beurre, pain et fromage.
Mais voilà qui est fini; car pour elle, désormais,
Ma fille n'en veut plus, ni en blanc ni en noir.
Et s'il lui a une fois donné quelques petits cadeaux,
Pour cela, il n'y a ni papier ni parchemin écrit.
Baste! enfin, ses actions envers elle sont si noires,

24. sé sont dza zu

22. Quand yari d'au galand racontâ les acchons. amá [notre version est plus patoise]. — 26. pan, buro né. — 28. n'en vaut rin. 29. se l'ai a zu bailly [le manuscrit présente encore l'ancienne forme de pronom datif ly, remplacée aujourd'hui par lay = illac, comp. en français : j'y dis]. ly sont.

30. n'a ně papai; partzemin. — 31. envers

Que n'ara pas l'honneu de m'appela biau-paire*.
Vo-z-én vé raconta quoqué-z-echantillon,

Per io vo verray bien cén qu'est ce compagnon.

35. On djor lay di: no fau diverti stau venenje;
Alén no promena a Montagni Demenje!
L'otra lau lay promé, et, lo djor ariva,
Se laive lo matin, se veté et s'en va

Appala la Luzon, qu'étay noutra vezéna,

40. Brava fellie, ma fay, et qu'é noutra couzéna.
Stau galandé s'in von dray a stu Montagni,
Yo stu cor ne fu pas! n'é-t-e pas on mépri?
Dite-lo ti, messieu, et per voutra conchense,
Ce cén est oun'akchon?

Qu'il n'aura pas l'honneur de m'appeler beau-père.

Je vais vous en raconter quelques échantillons,

Par où vous verrez bien le caractère (ce qu'est) de ce compagnon.

Un jour, il lui dit: il nous faut [nous] divertir [pendant] ces vendanges;

Allons nous promener à Montagny dimanche!

L'autre le lui promet, et, le jour arrivé,
Elle se lève le matin, s'habille et s'en va
Appeler Louison, qui était notre voisine,

Une brave fille, ma foi, et qui est notre cousine.
Ces jeunes filles s'en vont « droit » à ce Montagny,
Où cet individu ne fut pas ! n'est-ce pas un mépris ?
Dites-le tous, messieurs, et sur votre conscience,
Si c'est une action [permise]?

32. appalá [meilleure forme]. - 34. stu compagnon. - 35. l'ai de [passé déf., ici présent]. 38. Le sé laivé matin, sé vité, et s'en va.

cria.

39. Le

40. l'iré noutra couzena [= elle était, est vaut mieux]. 41. contrẻ stu Montagni. — 42. Stu cor ne l'ai fu pas. — 43. Dité lo vai, messieux, ty.

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