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17 kòlyóou, grande passoire de bois en forme d'entonnoir pour couler le lait qui vient d'être trait.

18 mèstray', contenu d'une mèstra, baquet étroit de forme ovale, ayant d'un côté une douve prolongée servant d'anse.

19 xlǝ. Forme du cas sujet. Nous avons parlé plus haut de la conservation dans certaines parties du Valais de la déclinaison à deux cas pour l'article défini. Nous ne croyons pas qu'on ait signalé jusqu'ici la déclinaison analogue du pronom démonstratif, qui est beaucoup moins répandue. Evolène possède les trois couples suivants, en regard desquels nous mettons les formes correspondantes du vieux français :

Sing. Nom. cha (cil), celui-là. Sing. Nom. zla (celi), celle-là.

Acc. ché (cel).

Acc. xla (cele).

sta (cesti), celle-ci.

sta (ceste).

Le masculin chi(k) (cist), celui-ci, s'emploie sans distinction de cas. Les formes du pluriel sont pour le masculin xlóous, stóous, et pour le féminin xlè, stè.

20 mima. Le français étant obligé de dire « moi-même » si l'on veut indiquer que la personne qui parle a fait l'action, le jeu de mots ne peut pas être traduit exactement. Mais en patois la construction de « même » sans pronom personnel est la seule usitée. Elle est souvent transportée dans le français local, et des expressions comme: 'Je l'ai fait même'. ' Vas-y même' sont courantes en Valais.

21 tchika mi apré, litt. ' un peu plus après'.

22 fik est à proprement parler l'équivalent du français foi', du latin fidem; par extension de sens, balyè fik est devenu la locution habituelle pour dire faire attention, prendre garde'.

J. JEANJAQUET.

ÉTYMOLOGIES FRIBOURGEOISES

I. Fére kotó.

Féra kotó'faire semblant', par exemple f. k. dè drumi,' de dormir'; dè rin, de rien'; n'a på fé koté d'oura, 'il n'a pas fait semblant d'entendre', littéralement : « faire comme tel [qui dort, etc.]. » Pour ale-> ó comparez male > mó, sale > só, etc.

II. Kouini.

Ce mot, qu'on retrouve sous des formes variées dans les différentes parties de la Suisse romande, signifie dosse, c'est-àdire la première planche qu'on scie dans un « billon, » plate d'un côté, ronde et recouverte de l'écorce de l'autre. C'est de l'écorce que cette planche tire son nom, qui dérive de cutinna (de cutis, peau), kouin-na, 'couenne, croûte' (par exemple du pain), auquel on a ajouté le suffixe -ellusi, donc *cutinnellus. Comparez Mistral, Trésor: couden,' dosse'.

III. Kové(y).

On appelle en Gruyère de ce nom l'étui où le faucheur met la pierre à aiguiser la faux, donc le coffin. Le mot patois n'a rien à faire avec le mot français coffin, il se rattache plutôt au latin cotarius, de cos, pierre à aiguiser queux en français. Cotarius est très répandu non seulement dans tous nos patois, mais encore en réto-roman (voir Archivio glottologico italiano I, 381, 485; II, 131), et dans les patois de France. (Voir

=

p. ex. Mistral, 1. coudié, etc.) Le mot simple cos, comme il arrive très souvent, n'a pas laissé de traces; il a été remplacé par molèta, diminutif de * māla = meule (latin mŏla). Comparez le verbe mola = aiguiser. Le v de kové) s'est intercalé pour effacer l'hiatus, comme dans "po tere povè, pouvoir,

où le v cependant n'apparaît pas partout.

IV. Kunyu.

=

=

Fribourg: kunyu gâteau cuit au four, terme ordinaire pour gâteau: kunyu i chǝrijè (aux cerises), ou vin koué (au « vin cuit »), ou fra (au fromage), etc.; Neuchâtel: knyά = gâteau de pâte seule. L'étymologie est cuneolus, comme l'a fort bien dit M. Horning. (Zeitschrift für rom. Phil. XVIII, 216.) Le suffixe -eolus donne précisément -yu en fribourgeois, -ya dans la montagne neuchâteloise, comparez filiolus filyu, fly; pour l'u atone du mot fribourgeois, comp. kunyi = cogner, de cuneare. Le mot a donc désigné à l'origine un gâteau en forme de coin. Les patois français de l'Est et du Nord appellent couénus, etc., des gâteaux ou pains d'une certaine forme. Beauquier (Provincialismes du Doubs...sous quigneux) dit: « Ce gâteau s'appelait encore autrefois Coignole, Conoignole. C'était un gâteau pointu des deux côtés [à l'origine probablement seulement de l'un], large et creux dans le milieu, afin d'y recevoir un petit enfant Jésus en terre ou en sucre. » Ces gâteaux se faisaient peut-être à l'origine à Noël exclusivement et représentaient le cadeau offert par les parrains à leurs filleuls. La Gruyère en conserve un souvenir en nommant kunyu a kouarnè (gâteau à cornes ou pointes) l'étrenne d'un parrain ou d'une marraine. Notre mot est apparenté au français quignon.

V. Kuti paryā.

C'est le nom qu'on donne dans un grand nombre de nos patois à la plane, c'est-à-dire à un couteau à lame droite à deux manches servant à égaliser. Cette désignation dérive du

verbe latin parare, tiré de l'adjectif par égal, pris dans le

=

sens de égaliser, et conservé dans beaucoup de nos patois. Il signifie peler en Valais, en Savoie et à Genève. La forme latine correspondant exactement à notre kuti paryā serait donc cultellus paratorius, comp. en provençal moderne coutèu paradou (Mistral). Pour le développement de -atoriu, comparez miratoriu > məryā, « miroir. »

L. GAUCHAT.

ADDITION

k

M. le professeur S. Singer me fait remarquer qu'en alleinand nichts signifie aussi fleurs de zinc, pompholix, de sorte que le proverbe nichts ist gut für die Augen indique un ancien médicament employé pour les maladies d'yeux. Le proverbe de la Suisse allemande nüt ich' gouǝt' für d òouga, mentionné à la page 10 du Bulletin (1903), est né d'une confusion du terme chimique nichts avec nichts = rien. Il est donc évident que la locution fribourgeoise rin lyè bon po lè-j-yè est d'origine allemande. L. G.

L'AGGLUTINATION DE L'ARTICLE

DANS LES MOTS PATOIS

(Suite et fin.)

3. Type: le zoiseau.

Tout le monde écrit « entre quatre yeux » et prononce ‹ entre quatre-z-yeux, » en dépit de l'orthographe; c'est une des rares concessions que l'Académie française a bien voulu faire à la langue parlée. D'où vient ce z illégitime? C'est que le pluriel de « œil ne s'entend guère que dans la liaison: les yeux, des yeux, aux yeux, mes yeux ; tes yeux, etc., deux yeux, de beaux yeux, etc., de là la forme « zyeux » qui se grave dans notre mémoire phonétique. Ne sommes-nous pas tentés de demander à un enfant : « Combien d'-z-yeux as-tu?» au lieu de combien d'yeux as-tu? Ecoutez les enfants eux-mêmes qui vous parlent d'un zoiseau, d'un zhanneton, d'un zenfant, d'un zanimaux; ils ont tort certainement, mais ils nous révèlent une tendance de la langue qui a modifié plus d'un mot patois. Le français créole ne connaît que les formes agglutinées, il dit au singulier: li zie, li zozeau, li zanimaux. Dans les patois romands, cette tendance a affecté les mots: ail, auf, oie et iga, 'jument'.

1. ja, s. m., sing. et plur. pour « œil. » C'est la seule forme agglutinée de cette espèce qui ait fait disparaître complètement la forme légitime dans certaines régions. Elle se rencontre surtout dans le Valais où la forme zouè l'emporte de beaucoup sur ouè, qui ne se trouve que dans quelques patois isolés. Fribourg, dans sa partie méridionale, notamment dans les districts de la Gruyère et de la Veveyse, dit de préférence: yè; cepen

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