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Chon jou tsèrtchi on tsè pó mɔnå Pɔlon,
Lɔ tsè n'a på vólu mənå Pɔlon:

Palon n'é på jou a cha méjon.

c'est-à-dire:

Pelon et Pelouna sont allés aux framboises;

Ils ont regardé lequel aurait le plus vite plein.
La Pelouna a eu plein avant Pelon:
Pelon n'a pas pu aller à sa maison.

On a été chercher un char pour conduire Pelon,
Le char n'a pas voulu conduire Pelon:

Pelon n'est pas allé à sa maison.

La kyrielle s'allonge ensuite, en usant toujours du même procédé. On a recours successivement à un cheval pour mener le char, à un bâton pour battre le cheval, au feu pour brùler le bâton, à l'eau pour éteindre le feu, à une souris pour boire l'eau, à un chat pour manger la souris, à un chien pour manger le chat, jusqu'à ce que finalement le loup consent à manger le chien, lequel mange le chat, celui-ci la souris, etc.

Cet arrangement des personnages s'écarte passablement de celui qui paraît primitif et n'offre que la série: chien bàton feu eau bœuf boucher. Certaines variantes ajoutent comme dernier terme: la mort.

Ce type primitif est représenté assez exactement en Suisse par une version chantée, recueillie à Neuchâtel par M. Alfred Godet. Le personnage initial paraît être ici un bouc, appelé Bocant, auquel succèdent:

1 A. Godet. Les chansons de nos grand'mères, Neuchâtel et Genève 1879, p. 15.

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boucher. Le début de la pièce suffira à en donner

une idée:

Par la vertu de Boquine, Bocant,
Tu sortiras hors de mon camp.
Bocant n'veut pas sortir du camp,

J'm'en vais dire au loup de v'nir manger Bocant.
Le loup n'veut pas manger Bocant,

Bocant n'veut pas sortir du camp....

La forme camp pour champ montre que cette version neuchâteloise tire son origine du nord de la France.

Nous avons recueilli à Liddes (Valais) une ronde tout à fait semblable:

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Dans notre version de Champéry, les éléments traditionnels ont été augmentés et leur ordre en partie modifié. Ils s'enchaînent ainsi : Pequin hommes

loups bâtons
souris

-

feu

eau

âne

chiens verges chats. Il est clair qu'un genre de composition comme celui que nous étudions était particulièrement exposé aux transpositions ou aux omissions et devait de ce fait subir des remaniements multiples. Quant au nom de Pequin, il est en relation

évidente avec ceux de Broquin, Boquine, Boquant des versions françaises et n'en est sans doute qu'une altération.

Voici le texte tel que nous l'avons transcrit sous la dictée de M. Adolphe Michaud, auquel sa mère répétait cette amusette il y a quelque cinquante ans 1:

Y ava n'onda k Pakain ava ità invoya tsèrtchi du bou. È poui s'è fi doua é la pa vadu tòrna in mizon. Lan ità tsèrtchi dé-z-òmó pò boussi Pakain. Lou-z-òmó n'an rin vadu boussi Pakain é Pakain n'a rin væðu tòrna in mizon.

Lan ità tsèrtchi lou tsain pò dzapa lou-z-òmó. Lou tsain n'an rin vadu dzapa lou-z-òmó, lou-z-òmó n'an rin vadu boussi Pakain é Pakain n'a rin vàðu tòrna in mizon.

Il

TRADUCTION

y avait une fois que Pequin avait été envoyé chercher du bois. Et puis il s'est fâché et n'a pas voulu rentrer à la maison. On a (litt. Ils ont) été chercher des hommes pour battre Pequin. Les hommes n'ont pas voulu battre Pequin et Pequin n'a pas voulu rentrer à la maison.

On a été chercher les chiens pour aboyer les hommes. Les chiens n'ont pas voulu aboyer les hommes, les hommes n'ont pas voulu battre Pequin et Pequin n'a pas voulu rentrer à la maison.

Nous notons par ain une diphtongue dont le premier élément est long et participe plus ou moins à la nasalisation; à indique un a grave, tendant vers å. Le patois de Champéry distingue nettement la terminaison de l'infinitif a<are de celle du participe à<atum.

L an ita tsèrtchi lou la pò mindji lou tsâin. Lou là nan rin và8u, etc.

Lan ità tsèrtchi le palantsé pò boussi lou là. Lé palantsé, etc.

Lan ità tsèrtchi l foua pò bourla lé palantsé. L foua, etc.

Lan ità tsèrtchi l'ivoué pò tua l foua. L'ivoué, etc. Lan ità tsèrtchi lou-z-anó pò bar l'avoué. Louz-anó, etc.

Lan ita tsèrtchi lé bydle pò fouata lou-z-ặnó. Lé byolé, etc.

Lan ità tsèrtchi le raté pò mindji lé bydle. Lé raté, etc.

Lan ità tsèrtchi lou tsa pò mindji lé raté. Adon lou tsa on bâin mindjya lé raté, lé raté on bâin mindjya lé byòlé, lé bylé on bâin fouatà lou-z-anó, lou-zanó on bain byu l'avoué, l'avoué a bâin tua I foua,

On a été chercher les loups pour manger les chiens. Les loups n'ont pas voulu, etc.

On a été chercher les bâtons pour battre les loups. Les bâtons, etc.

On a été chercher le feu pour brûler les bâtons. Le feu, etc.

On a été chercher l'eau pour éteindre le feu. L'eau, etc. On a été chercher les ânes pour boire l'eau. Les ânes, etc. On a été chercher les branches de bouleau pour fouetter les ånes. Les branches, etc.

On a été chercher les souris pour manger les branches de bouleau. Les souris, etc.

On a été chercher les chats pour manger les souris. Alors les chats ont bien mangé les souris, les souris ont bien mangé les branches de bouleau, les branches de bouleau ont bien fouetté les ânes, les ânes ont bien bu l'eau, l'eau a bien éteint

I foua a bain bourlà lé palantsé, lé palantsé on bâin bouchya lou la, lou là on bâin mindjya lou tsain, lou tsâin on bâin dzapà lou-z-òmó, lou-z-òmó on bâin bouchya Pakain é Pakain è bain tornà in mizon.

le feu, le feu a bien brûlé les bâtons, les bâtons ont bien battu les loups, les loups ont bien mangé les chiens, les chiens ont bien aboyé les hommes, les hommes ont bien battu Pequin et Pequin est bien rentré à la maison.

J. Jeanjaquet.

Le Lu è la Gru.

Patois de la Montagne neuchâteloise 1.

Slu k'ata2 d(s) mètchan l(ə) pri d'on sèrvis' péch dò vyédj3, promirama, pouòcha k'il éd dé dja indiny', an

3

TRADUCTION

LE LOUP ET LA GRUE.

Celui qui attend de méchants le prix d'un service pèche deux fois, premièrement parce qu'il (pour cela qu'il) aide des

1 Je revêts de l'orthographe du Bulletin cette rédaction anonyme de la fable connue, que j'ai trouvée dans les Papiers Nicolet à la Chaux-de-Fonds (Bibliothèque du Collège).

2 L'ancienne nasale an provenant de en ou in latins s'est dénasalisée [comparez dans ce morceau les mots prəmirama, dja (gentes), sèrma (sacramentu)], tandis que an de a latin + n ou m persiste [comparez dmande (demandas), man (manu), snan.na (septimana), etc.]. La terminaison des participes présents: prometan, konfyan, remonte pour toutes les conjugaisons à -ante. La forme mètchan est également basée sur -ante. Les mots ansuit', inpunéman, sèna (au lieu de san.na) sont empruntés au français. Les groupes en et in latins donnent du reste

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