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difice des fciences. Réduits à un petit nombre, ils feroient moins : ce qui échappe à l'un, recompenfe les veilles de l'autre. Ce qu'amene le hafard, ce fouverain des fciences humaines, pafferoit devant des yeux inattentifs & diftraits; mais ils font ouverts aujourd'hui & ils guettent inceffamment la nature.

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Les anciens connoiffoient la propriété qu'a l'aimant d'attirer le fer, & ils ignorerent conftamment fa vertu de pointer vers les pôles; connoiffance à laquelle on doit les miracles de la navigation. Les anciens connoiffoient l'art de graver des lettres & même des lettres mobiles; puifque fur les pains fortis des ruines d'Herculanum, que le roi de Naples conferve fous le verre, on voit la lettre du boulanger ou du confommateur; ainfi ils étoient fur le bord des plus rares découvertes & ils ne s'en douterent pas.

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De même nous ferons bien furpris un jour, lorfque des chofes de la plus grande fimplicité, & qui ont échappé entiérement à nos obfervations nos académies, viendront accroître le tréfor de nos Connoiffances; & nous aurons alors peine à imaginer comment nous n'avons pas fait les derniers pas. Songeons toujours qu'au fiecle de Platon, un philofophe écrivoit : » Je ne puis m'empêcher de rire de ceux

» qui ont décrit la circonférence de la » terre, qui veulent nous perfuader que » l'Océan l'environne de fes eaux; & » qui affurent que la terre eft ronde » comme fi elle avoit été fabriquée fur » le tour. » Il répétoit ces paroles d'après la phyfique d'Hérodote, & il fe moquoit beaucoup de ceux qui avoient entrevu la vraie configuration du globe.

L'attention journaliere fuppléera peutêtre à toute la profondeur du génie, & l'étonnera lui-même. La fentinelle, fous ce point de vue ne mérite pas nos dédains avoifiner un objet, n'eft pas encore le toucher & nous avons fous les yeux des fecrets qui ne fe dévoileront peut-être qu'aux hommes auxquels nous accordons le moins d'eftime.

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Il faut mettre les talens en fociété, 'pour qu'ils fructifient. Quand l'homme eft ifolé, le génie n'a plus ce foyer, où toutes fes lumieres fe réuniffent pour être dirigées vers un même but. L'efprit de fagacité n'eft ardent que quand plufieurs regards applaudiffent à fon courage, à fes efforts à fon triomphe.

DIFFERENCE

DES ESPRITS.
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MAIS les efprits font inégaux en

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forces; il faut l'avouer & le foutenir con-
tre Helvétius dont le fyftême en ce
point nous paroît faux. La fineffe d'un
fens doit feule apporter un nombre infini
de connoiffances. Un amateur de la pein-
ture voit la nature tout autrement qu'un
homme qui ne fait rien voir dans un ta-
bleau: une tête harmonique prête l'oreille
au bruit lointain des cloches, & faifit les
nuances qui nous échappent. Il y a des
hommes qui ont un tact particulier, qui
leur révele une multitude d'idées, & qui
ont peine à communiquer avec les autres
hommes; parce qu'ils fentent d'une ma-
niere fi détaillée, qu'on ne peut les fuivre.
Deux hommes enfin peuvent avoir antant
d'efprit l'un que l'autre ; & par la diffé-
rence de leurs études ou plutôt de leurs
perceptions, ne point s'entendre.

C'eft ce qui fe voit à Paris: le Mufi-
cien, le géomètre, le poëte, le peintre
le moralifte, le ftatuaire, le chymifte,
le politique, également hommes de gé-
nie, ne peuvent gueres communiquer

ensemble auffi portent-ils les uns des autres, des jugemens ordinairement faux, parce qu'ils font dans l'impoffibilité de s'eftimer ce qu'ils valent réellement.

Comparez enfuite un courfier d'Afrique, léger, ardent, aux jarrets nerveux & fouples, à l'œil étincelant de fierté ; plein de feu, d'agilité & de graces; comparez-le avec un cheval du Holstein, aux jambes flafques, groffier, pefant, d'une chair molaffe croira-t-on que ces deux animaux font de la même efpece? comparez deux hom mes, que dis-je, deux Ecrivains; c'eft la même différence.

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Newton voit une pomme tomber d'un arbre: il médite & conçoit le fyftême de la gravitation. Un autre fans s'embarraffer du pouvoir qui enchaîne les planetes dans leurs orbites voit tomber la pomme, la ramaffe, & la mange : ainfi dans Paris, l'homme qui a du génie, l'augmente, le fortifie, lui donne un développement extraordinaire ; tandis, que le fot a les yeux ouverts fans rien voir, mange la pomme fans fonger à l'arbre de la fcience, & devient plus fot encore.

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QUI PAIE-T-ON?

DANS ce fiecle dit éclairé, les arts

ne font jamais récompenfés qu'en raison inverfe de leur utilité tel danfeur de l'opéra gagne tous les ans plus que tous les régens d'un collége enfemble: les gages d'un cocher brillant, ou d'un excellent cuifinier, doublent ceux d'un précepteur, fe nomma-t-il J. J. Rouffeau. Peu de tragédies ont rapporté autant que les Racoleurs les peintres de frivolité font les mieux payés de tous, & les fculpteurs font réduits à portraire les phifionomies communes d'hommes nuls ou vils, mais qui commandent la bourfe en main c'est à vernir des équipages que l'on parvient à en avoir un le médecin des chiens a fait une fortune dont fe féliciteroit un docteur de la faculté. La part d'un comédien rend au moins autant que fix compagnies d'infanterie.

Nicolet a gagné cinquante mille livres de rente; & le malheureux Taconnet qui a fait une partie de fa fortune, eft mort à la charité. Nicolet a acheté une terre, & a forcé fon pafteur qui lui refufoit l'eau bénite, de lui préfenter le gou

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