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H. DE VRIES. Genève, pépinière du calvinisme hollandais. Tome Ier. Fribourg-en-Suisse, Fragnière, 1918. In-8o de xv-329 pages.

Ce livre n'intéresse qu'indirectement l'histoire de l'Église de France, puisque c'est, avant tout, comme le titre l'indique, de Genève et des Pays-Bas calvinistes qu'il traite. En outre, ce premier volume est rempli en grande partie par des listes d'étudiants, accompagnées de commentaires biographiques. C'était la base indispensable d'unetel le histoire. Mais l'édifice proprement dit se développera surtout dans les tomes. suivants. Toutefois il y a lieu de remarquer, d'abord, dans ces listes mêmes d'étudiants, qui, après avoir passé par Genève, sont allés s'établir dans les Pays-Bas pour y prêcher la Réforme, un certain nombre de sujets français et de clercs français apostats; tel ce Jean Lesur, d'Arras, qui avait été carme.

Et puis, M. de Vries, aujourd'hui catholique, connaît trop le calvinisme qu'il a pratiqué avant sa conversion, pour ne pas le distinguer très nettement du lutheranisme. Des quelques chapitres de considérations que contient ce volume, une des impressions qui ressortent, c'est que Calvin était bien un cerveau français, et, peut-on dire, ecclésiastique français. Il ne place à la base de son protestantisme ni la liberté du cœur. de l'enthousiasme, comme Luther ni la liberté de l'esprit. Il est schismatique plus encore qu'hérétique. Son dessein, c'est de « réformer l'Église ». Il veut établir à Genève ce qu'on a bien nommé une « Rome protestante ». Il veut trouver la fixité doctrinale, et non la liberté d'examen, hors de Rome. La liberté d'examen vint des humanistes. Théodore de Bèze la favorisa en patronnant Arminius, et à cet égard le livre contient un très curieux chapitre, fort suggestif et délicat, sur la Dualité en Théodore de Bèze.

Les chapitres de considérations sont écrits avec sûreté et mesure, avec une connaissance très estimable chez un laïque des questions de théologie et de droit canon qui se rencontrent. Je remarque seulement qu'à propos du droit de révolte, M. de Vries cite de John Knox un texte qui, en lui-même, n'a rien de proprement révolutionnaire et protestant. Knox déclare que l'on peut déposer le souverain lorsqu'il est indigne. Telle est bien la doctrine des canonistes du moyen âge. L'un d'eux, Henri de Gand, cité d'ailleurs par G. Goyau dans sa Genève, VilleÉglise, déclare que l'on doit en pareil cas déposer le souverain, afin de ne pas s'exposer à la nécessité de lui désobéir. A. CHEREL.

M. SACHÉ. Les abbesses de Fontevraud. Angers, Imprimerie du Commerce, 1921. In-8° écu de 56 pages. Prix 3 fr. 50.

C'est une page intéressante et curieuse de l'histoire de la grande abbaye angevine que nous présente aujourd'hui M. Marc Saché. En bon ouvrier d'histoire, qui sait utiliser au mieux les documents qu'il a trouvés, et dans un récit dont l'intérêt ne languit pas un instant, M. Saché nous raconte les démêlés assez touffus et souvent fort vifs où s'affrontèrent, aux xvire et xviie siècles, les abbesses de Fontevraud et le pouvoir royal, représenté par les agents des Maîtrises des Eaux et Forêts. Futaies, bois, taillis, au milieu desquels, aux premiers mois de l'année 1100.

Robert d'Arbrissel fonda ses quatre monastères, et qui s'étendaient largement sur le territoire de trois de nos arrondissements d'aujourd'hui, avaient toujours été de grande ressource pour l'abbaye. Songez qu'à la veille même de la Révolution, au dire de Besnard, Fontevraud, outre les ventes, en tirait encore, pour sa consommation habituelle et celle de ses dépendances, « 3700 à 3800 voies de gros bois et un million tant de fagots que de bourrées ». On comprend donc que, devant les ordonnances de Colbert, qui soumettaient l'exploitation des bois, même de mainmorte, à la surveillance et à la juridiction des officiers royaux, les abbesses ne se tinrent pas de protester. Ces abbesses s'appelaient alors Gabrielle et Françoise de Rochechouart : l'une était la sœur, l'autre la nièce de Mme de Montespan. On devine quels puissants appuis elles pouvaient trouver à la cour. Par leurs amis de Versailles, par leur procureur de Paris, elles mirent donc tout en œuvre pour échapper aux conséquences des édits royaux et pour sortir victorieuses des procès qu'on avait osé leur faire. Malgré tous leurs efforts, elles ne réussirent qu'à moitié d'ailleurs à mener au succès leur résistance. Pareille étude n'intéresse pas seulement l'histoire locale; elle a une portée plus générale, parce qu'elle montre sur le vif les obstacles que, à la fin de l'ancien régime, le pouvoir central rencontra devant lui quand il entreprit de restreindre des privilèges ou d'étendre son action.

M. Marc Saché a trouvé les éléments de son travail dans l'énorme masse de papiers qui composent le chartrier de Fontevraud actuellement aux Archives départementales, et qu'il a commencé de classer avec un zèle et une patience dont on ne saurait trop lui savoir gré. Remercions-le de l'avoir su faire avec tant d'art et dans un style d'une aussi belle tenue. Th. CIVRAYS.

Albert LETELLIER. Bossuet, notre plus grand écrivain. Manzi, Joyant et Cie, 1919. In-8o de 324 pages.

Avec ferveur, M. Albert Letellier célèbre la vertu éducatrice de l'œuvre de Bossuet, son éloquence toujours jeune, son lyrisme sublime, ses larges vues, son lumineux bon sens. Et c'est très bien, quoique, avec une aisance que le grand évêque aurait repoussée, il sacrifie le dogme au sentiment religieux, et lui prête sur l'Église des idées pour le moins contestables. A vouloir convaincre de l'actualité, dont on ne disconvient pas ici, de Bossuet, et de l'utilité que chacun en peut tirer, l'auteur dépasse le but. On entend bien que, relisant avec nous et pour nous, les Sermons, les Oraisons funèbres, le Discours sur l'histoire universelle, M. Letellier note au fur et à mesure ses réflexions qui l'entraînent, établit des rapprochements, parfois ingénieux, souvent superficiels ou forcés, s'échappe enfin en digressions sans nombre. Mais cette manière d'écrire ne va pas sans fatigue ni déception. F. RENIÉ.

Édouard CHAMPENDAL. Voltaire et les protestants de France. Carouge, Genève, Imp. Moret et Schneider, 1919. In-8° de 93 pages.

Dans cette thèse présentée à la Faculté de théologie de l'Université de Genève pour obtenir le grade de bachelier en théologie, M. Édouard

Champendal s'est demandé ce que Voltaire pensait des protestants et, en retour, ce qu'un protestant du xxe siècle doit penser de Voltaire. Que l'auteur de l'Essai sur les mœurs ait détesté le protestantisme tout autant que le catholicisme, M. Champendal ne se le dissimule pas. On peut dire même qu'il le détestait davantage, car l'homme de lettres se révoltait en lui contre les « mauvais vers » des huguenots. En même temps qu'il vante « l'esprit » et les « mœurs aimables » de Léon X, il s'emporte contre les « mœurs farouches » de Calvin et le « fiel » de ses discours. A l'égard des Camisards il est très dur. Quant à la révocation de l'édit de Nantes, si, après l'avoir jugée comme la plupart des contemporains de Louis XIV, il la désapprouva, ce fut surtout en raison des pertes qu'elle lui semblait avoir causées au royaume.

Installé à Ferney, il entra en relations avec quelques pasteurs. Dès ce moment, nous le voyons moins violent envers le protestantisme, mais quel profit pour celui-ci ? M. Champendal déplore l'influence désastreuse des doctrines voltairiennes sur les protestants français, la <«< modification sensible de la piété soit chez les pasteurs, soit chez les laïques. Qu'arriva-t-il ? Voltaire les poussa dans la voie de la libre pensée, que M. Champendal ne croit pas, de son point de vue, faire nécessairement suite à celle de l'individualisme religieux.

Et pourtant ce protestant fidèle pardonne beaucoup à l'ennemi féroce de la foi chrétienne. Il écrit : « Malgré ses erreurs et ses travers, on peut affirmer que Voltaire fut une incarnation vivante de la tolérance. » Que voilà de grands mots! On comprend que les retentissantes affaires Calas et Sirven occupent de larges places en ce petit volume, mais M. Champendal est obligé d'avouer que, lorsque Voltaire défend des protestants, il se garde de faire entrer en ligne de compte leurs idées. En effet, il fût intervenu pour Servet comme il le fit pour Calas, à condition de ne pas habiter Ferney, bien entendu, car le prudent patriarche craignait d'abord les coups pour lui.

M. Champendal ne semble pas avoir assez tiré parti des Contes. En quoi il a eu tort on y trouve de tout. Il y trouvera par exemple l'opinion de « l'incarnation vivante de la tolérance » sur la tolérance des protestants. Qu'il relise pour cela ce qu'il advint à Candide quand il se fut sauvé d'entre les Bulgares. H. WAQUET.

Em. SEVESTRE. Les idées gallicanes et royalistes du haut clergé à la fin de l'ancien régime, d'après la correspondance et les papiers inédits de Pierre-Augustin Godart de Belbeuf, évêque d'Avranches (1762-1803). Paris, Picard, 1917. In-8o de 292 pages, portr. et 4 pl.

Le dernier évêque d'Avranches, M. Sevestre en convient sans peine, ne fut point « un personnage de premier plan ». Ses idées gallicanes et royalistes, telles que les révèle sa correspondance, n'ont rien de particulièrement significatif. Cette correspondance ne nous renseigne même pas aussi bien qu'on le souhaiterait sur l'administration de son diocèse, avant et pendant la Révolution. Le chartrier du château de Belbeuf, dont M. Sevestre célèbre l'importance, contient, sans doute, d'autres pièces plus curieuses que ces lettres et ces papiers. Mais la présente publi

cation n'est pas sans portée. On y notera nombre de détails utiles pour l'histoire religieuse et politique de la Normandie à la fin du xvIIe siècle et, surtout, des éclaircissements sur l'état d'esprit des évêques anticoncordataires. Car, Mgr de Belbeuf le fut obstinément, par royalisme et aussi par gallicanisme.

Somme toute, Mgr de Belbeuf, homme de bonne éducation et prélat soucieux de ses devoirs, est, par son absence même d'originalité, une figure assez représentative. M. Sevestre a eu raison de nous la faire connaître. R. N. SAUVAGE.

EM. SEVESTRE. L'enquête gouvernementale et l'enquête ecclésiastique sur le clergé de Normandie et du Maine de l'an IX à l'an XIII. I. Les enquêtes de Normandie. II. Les enquêtes du Maine. Paris, Picard, 1918. 2 vol. in-8° de xvш-518 et 232 pages, portraits et cartes.

Ces deux importants volumes font une partie des pièces justificatives de cette histoire religieuse de la Normandie de 1787 à 1815, dont M. Sevestre poursuit, depuis longtemps déjà, la préparation, avec une activité inlassée. Ils nous donnent comme une statistique de tout le clergé normand et manceau après la Révolution. Les enquêtes de l'an IX à l'an XIII avaient pour objet de renseigner l'administration civile et les nouveaux évêques concordataires sur l'attitude politique et la valeur morale des curés et des desservants. Evidemment, elles n'allèrent pas sans partialité. M. Sevestre l'a bien montré et s'est employé de son mieux à les rectifier et à les compléter. Sa publication est d'une utilité incontestable. R. N. SAUVAGE.

E. DEVELLE. Une paroisse de Loir-et-Cher pendant la Révolution. Saint-Nicolas de Blois. Blois, Grande Imp., 1919. In-8o de 283 p. et 12 pl. M. le chanoine Develle a exploré avec une minutie scrupuleuse tous les recoins des archives blésoises, et c'est de sa riche provision de notes qu'il a composé cette intéressante monographie. Tout y est dit : l'histoire du culte officiel des assermentés dans la paroisse de Saint-Nicolas, et la destinée des deux curés qui, successivement, la régirent, Métivier, le clubiste endiablé, mort impénitent, puis Chenu, le fils très aimé de Grégoire, traditeur en 1794, chanoine honoraire après le Concordat; l'histoire héroïque du culte clandestin des non-conformistes; la vie des petits groupements de religieuses, réorganisés en cachette sur la paroisse, Visitandines rue Chemonton, Carmélites au quartier du Foix; - l'existence que l'on mène dans les trois « repaires de suspects »>, aux Minimes, d'où l'on peut s'évader sans trop de peine; aux Capucins, où sont reclus, avec un régime fort sévère, les prêtres âgés et infirmes; aux Carmélites, où les « aristocrates » blésois, grâce aux largesses faites au geôlier, passent joyeusement leurs journées, entre le jeu de tric-trac ou de ballon et les gais soupers où l'on chante. Un chapitre est consacré à «< un enfant de la paroisse mort sur l'échafaud »; il s'agit du jeune et sympathique Barthélemy Bimbenet de La Roche; mais il est regrettable que l'auteur s'en soit tenu aux détails fournis par Guillon, et n'ait pas compulsé le dossier W. 329 aux Archives nationales.

REVUE D'HISTOIRE DE L'ÉGLISE DE FRANCE, 1921, t. vi.

13.

Les pages les plus originales sont celles qui nous renseignent sur la vie religieuse des non-conformistes. La paroisse catholique a pour la guider et la soutenir un curé d'héroïque trempe, Mathurin Gallois; il se pose dès la première heure en adversaire déclaré de Grégoire, se fait expulser dès le début de 1791 avec M. de Thémines, rentre presque aussitôt, est nommé par l'évêque exilé l'un des quatre administrateurs du diocèse, et, durant dix ans, demeure fidèle au poste, sans cesse traqué, jamais découvert. Sous son impulsion, sous celle de ses trois vicaires, la vie religieuse est intense; de courageux catholiques, gens de la bourgeoisie, plus souvent gens du peuple, ouvrent, la nuit, leurs maisons aux réunions des fidèles; des femmes admirables se font les auxiliaires ardents des prêtres. La police multiplie les visites domiciliaires, rafle des vases sacrés, des pains d'autel, des écrits « fanatiques », ne parvient jamais à saisir les prêtres. Après le 11 prairial an III, l'abbé Gallois et ses vicaires reparaissent au jour, mais, fidèles au mot d'ordre de M. de Thémines, ils refusent la soumission prescrite par la loi du 7 vendémiaire an IV et se replongent dans le mystère de l'apostolat clandestin. Déconcertée aux premiers jours de la persécution, la paroisse s'est main, tenant réorganisée elle a ses marguilliers qui tiennent séances, ses confréries du Saint-Sacrement et des Agonisants, ses actes réguliersses registres de contributions pour les frais du culte, elle a quatre chapelles fixes, elle a son rituel précis « pour le chant de l'office du matin et du soir les dimanches et fêtes dans les assemblées de fidèles où il ne peut se trouver de prêtres ». Ainsi vit-elle jusqu'à l'époque du Concordat, où elle reçoit pour curé un des prêtres non-conformistes les plus ardemment généreux, l'abbé Jacques Villain. J. GALLERAND.

Chanoine F. DE POMPIGNAC. Monseigneur de Pompignac. Aurillac, Imp. Moderne, 1918. In-16 de 294 pages.

yeux.

C'est une belle et attachante biographie, où l'auteur, un petit-neveu du prélat, et qui a gardé le culte de son grand-oncle, a mis toute son âme. On y sent une émotion contenue, mais profonde, et la valeur du livre est surtout dans cette émotion, unie d'ailleurs à un véritable talent. Par lui-même, l'évêque de Saint-Flour mérite de fixer les Ne au sein d'une famille chrétienne et visiblement prédestiné au sacerdoce, il entre, après son ordination, dans la Compagnie de Saint-Sulpice. Mais sa faible santé et des événements ménagés par la Providence rompent le lien qui l'unissait à cette société; il devint chanoine, vicaire général. évêque enfin dans son pays même. C'est deux ans avant la guerre d'Italie. L'empire ne s'est pas encore engagé dans la voie fatale où il trouvera sa perte et la nôtre. Les préfets, ceux du Cantal, surtout, favorisaient plutôt les évêques. Point de fêtes sans eux. Mgr de Pompignac y fait si belle figure, qu'on est heureux de l'y voir porter sa crosse. Une partie du livre nous fait assister à des fêtes. Les épreuves viennent ensuite, et l'évêque reste égal à lui-même, plein de courage, de bonté et de confiance en Dieu. Sa santé l'a empêché d'aller à Rome, au moment du concile, mais il a donné aux décisions vaticanes une adhésion sans réserve. La guerre de 1870 l'a trouvé à la hauteur de devoirs nouveaux.

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