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depuis le quinzième siècle, étaient devenus les administrateurs perpétuels du prieuré de Lutry, ne furent pas si heureux dans leurs procès avec la commune d'Yverdon. Le prieuré rural de Clendy se trouvant situé dans le ressort de la châtellenie d'Yverdon, devait contribuer pour sa part aux charges qui incombaient à la ville pour l'entretien du château, des murailles, etc. En 1353, ils s'étaient tirés d'affaire à peu de frais. Guigon de Laz Rochetaz, protonotaire apostolique, administrateur perpétuel du prieuré de Lutry, avait fait une transaction. avec la communauté d'Yverdon par laquelle le dit prieuré était libéré de toutes contributions pour la reconstruction des murailles, réparations aux ponts, fontaines et cours d'eau, à raison de la grange de Clendy et de ses autres possessions rière la châtellenie et mandement d'Yverdon. Le couvent avait livré pour toutes ces immunités 90 livres, bonne monnaie de Lausanne; mais ils n'en furent pas quittes à ce prix. Soixante-huit ans après la conclusion de cet accord, la ville se vit dans la nécessité de rebâtir ses murailles, et un gîte fut imposé sans distinction sur tous les ressortissants de la châtellenie. Le couvent de Lutry refusa de contribuer pour sa part à ces travaux qui avaient occasionné d'énormes dépenses. Il s'en suivit un procès; la ville soutint que le prieur de Lutry, bien que revêtu du caractère ecclésiastique et résidant dans son couvent, par conséquent hors du mandement d'Yverdon, devait être obligé, comme c'était le cas de tous les habitants de la châtellenie de temps immémorial, à contribuer pour la reconstruction des murailles de la ville, l'entretien des fossés, des chemins publics, etc. et cela par les raisons suivantes : 1o parce que

tous les posseessurs d'immeubles rière le district et mandement d'Yverdon, faisaient nécessairement usage tous les jours des chemins publics et des fossés; 2o qu'en cas de danger, chacun pouvait se retirer avec ses effets et son bétail dans la ville fortifiée d'Yverdon; 3o qu'en temps de guerre et de troubles les receveurs, les fermiers et les colons venaient en particulier y mettre en sûreté leurs provisions, leurs grains, leur vin, leurs bêtes et leurs attelages; 4o que le dit prieur et ses prédécesseurs avaient toujours contribué à proportion de leurs revenus à réparer les ponts, les chemins et les fossés.

Le prieur répliqua de son côté qu'il n'était pas tenu de participer à ces dépenses, attendu 1o qu'il ne possédait pas de maison dans la ville d'Yverdon; 2o que le prieuré où il faisait sa résidence était situé hors du mandement d'Yverdon; 3o qu'il avait accensé et amodié ses biens et ses revenus à des bourgeois de la ville qui ne devaient rien payer, puisqu'ils avaient déjà été imposés personnellement pour les fortifications; 40 que la ville d'Yverdon, sans recourir à de semblables gîtes et impôts, possédait des moyens suffisants de construire les nouvelles murailles et qu'il n'était pas besoin pour cela d'imposer les ecclésiastiques; 5o que de tout temps, ceux-là seulement qui faisaient résidence dans la ville d'Yverdon, ou se trouvaient dans son ressort et mandement, contribuaient à ces sortes d'impôts; 60 enfin, que du temps du passage des Picards, à leur retour d'Italie, l'on n'avait pas voulu permettre à ses fermiers et à ses colons de retirer leurs biens dans la ville, ce qui fit que la meilleure partie de leur avoir fut emportée par les Picards. Cet interminable procès, qui dura plusieurs années,

nécessita de fréquentes missions et fut la cause d'une énorme consommation de pots de vin et d'anguilles, se termina, au mois de Juin 1436, en faveur de la ville.

Au reste le couvent de Lutry avait grand tort de se montrer si difficile à conclure un arrangement raisonnable, car, pour cette époque, il retirait un très-beau revenu de son domaine de Clendy. En effet, nous apprenons par une charte de 1488, que Benoît de Montferrand, évêque de Lausanne, administrateur perpétuel du prieuré de Lutry, avait amodié à Pierre Vulliemin la grange de Clendy avec toutes ses terres, bois et appartenances pour le terme de neuf ans, sous le cens annuel de neuf livres lausannoises, sept muids de froment, cinq muids d'avoine, huit pots d'huile payables au prieuré de Lutry. La famille Vulliemin conserva cette ferme jusqu'à l'époque de la réformation. Cette propriété passa alors en d'autres mains et nous aurons peut-être occasion de mentionner les noms de ses nouveaux posses

seurs.

La chapelle de Clendy ou de St-Martin était encore debout en 1608, comme on peut l'inférer des lignes suivantes que nous lisons dans le registre du Conseil :

Vendredi, 1er Apvril 1608. A la requète de Monsieur >> le gouverneur Masset, luy a esté permys d'octroyer de >> pouvoir retyrer une pierre de marbre qui sert de sol» lyer à la porte de la chapelle de Clendiez, pourvu tou» tefois qu'il y fasse mettre et poser une autre pierre >> dure, comme il a offert, comme aussy pourra retirer >> une autre pierre creuse de marbre, illecq existant, affin >> que desdites pierres il se puisse servir au bastiment de sa maison de la rue du Four. » M. l'avocat Christin

ayant également retiré du même lieu une pierre creuse ou tombe dont il fit un bassin de fontaine, on peut supposer que la chapelle de Clendy se trouvait dans sa campagne, c'est-à-dire à Clendy-dessus. La grande route passait autrefois devant la grange de Clendy', et il est probable que la chapelle fut démolie lorsqu'on remplaça les anciens bâtiments par l'édifice actuel.

III. Les Maladreries.

Les maladreries, maladières, léproseries ou ladreries, étaient des espèces d'hôpitaux fondés primitivement pour recevoir les lépreux qui revenaient de la terre sainte. On sait que les croisades introduisirent en Europe cette horrible maladie qui s'attaqua indistinctement à toutes les classes de la société. Le malheureux qui en était atteint voyait sa peau se couvrir de croûtes épaisses, empilées les unes sur les autres comme des écailles, qui laissaient suinter une matière ichoreuse très-fétide, avec démangeaison et douleurs excessives, surtout la nuit. Le mal n'épargnait aucune partie du corps, pas même le visage, et quand il était à son plus haut degré, les yeux, le nez, les mains et les pieds se gangrenaient. Ce terrible fléau se répandit avec une rapidité étonnante et causa un effroi général. Dans tous les pays, on prit les mesures les plus rigoureuses pour se préserver du contact des malheureux

1 Elle passait derrière la fontaine que l'on nommait déjà, en 4424, la fontaine douz Pollet. La plus ancienne tuilerie, à l'usage d'Yverdon, se trouvait à Clendy.

2 Histoire du canton de Fribourg, par le docteur Berchtold, vol. II, pag. 67.

lépreux, qui furent impitoyablement séquestrés de la société. Mais la charité chrétienne, qui avait déjà pourvu à l'entretien des veuves et des orphelins des croisés en fondant la vaste association de la confrérie du Saint-Esprit', n'abandonna pas ces infortunés proscrits. Des hôpitaux, soutenus par les dons des fidèles, s'élevèrent de toutes parts pour recevoir les pauvres lépreux. La petite ville d'Yverdon s'associa à ce mouvement généreux et fonda successivement deux maladreries destinées aux malheu

1 Quelques auteurs pensent que la confrérie du St-Esprit a pris naissance en Palestine. Cette institution charitable dont le siége principal pour notre pays se trouvait à Besançon, sous le patronage de l'archevêque, recueillait des aumônes, faisait confectionner des miches de pain et les distribuait aux pauvres, aux veuves et aux orphelins. Cette espèce de direction des pauvres existait aussi à Yverdon, comme dans plusieurs villages voisins. En 1414, Viridus de Achey était le procureur de la confrérie à Besançon. Les extraits suivants des comptes de ville nous feront mieux connaître cette belle institution : « 1454. Libravit Iohanni Bachiez pro suis >> gagiis qui fuit missus apud Bissuncium pro sciendo qualiter causa » confratriae S. Spiritus se habebat et in quo statu erat. » « 1460. » Libravit nobili Humberto de Collumberio domino de Vullierens >> pro duabus modiis frumenti ab ipso empti pro mycis confratrie » S. Spiritus Yverduni eo quod non erat satis bladi ad faciendum >> dictas michas pro dicta confratria, 9 Lib. 18 s. » « 1 477. Libravit » mulieribus facientibus michas pro dicta confratria, 47 s. »

2 Les lépreux ne devaient entrer sous aucun prétexte en contact avec leurs concitoyens et ils devaient avoir leur cliquette pour avertir les passants de s'éloigner d'eux. « 1461. Libravit Glaudio » Pontey pro uno pari de gant ab ipso empto pro uxore Mermeti >> Estuniez quae fuit repta morbo leprae.» « 4484. Libravit Admeto » Bonvespis pro factura quarquerel pro Vincensio Levesque leproso » separato a consortio sanorum et posito in maladera cum Claudio » Beato Mistonio die de ramis, 15 s. »

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