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de manière à pouvoir résister aux attaques réitérées de son ennemi qui mourut en 1148. Il fit plus; pour procurer de nombreux défenseurs au château fort qu'il avait fait élever dans la position favorable qu'il occupe maintenant, il attira dans le sein de la petite cité des hommes libres, accorda aux nouveaux habitants des priviléges ou franchises et probablement fit don à la nouvelle bourgeoisie ou communauté d'Yverdon de la forêt qu'elle possède encore et qui est désignée dans les archives sous le nom de forêt d'Epeney ou de bois de la ville. Son fils Berchtold IV lui succéda en qualité de duc de Zahringen et de recteur de la Transjurane. Fidèle à la politique de son père qui, en fortifiant Yverdon, Morges et Moudon, avait voulu mettre ses possessions dans ces contrées à l'abri des irruptions bourguignonnes, il agrandit la ville et la fit construire sur le plan qui existe encore. Enfin, Berchtold V, fondateur des villes de Berne et de Berthoud, amena à bonne fin l'œuvre de ses prédécesseurs, et la ville fut achevée avant l'année 1218. La date de la fondation de

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par Pierre de Savoie. Tableau du canton de Vaud, par min, p. 301. Levade, p. 358.

L. Vullie

1 Les franchises d'Yverdon sont les mêmes que celles de Moudon, qui est aussi une ville zæhringienne.

2 Dans l'indomineure de la ville il est dit que cette forêt est une propriété de franc alleu.

3 Il fit bâtir le château de Berthoud et y fixa sa résidence à partir de 1465. C'est aussi lui qui fit bâtir, en 1179, la ville de Fribourg en Suisse, qui ne fut achevée que sous son successeur.

4 En 1160. Histoire militaire de la Suisse, par M. May, de Romainmôtier, t. I, p. 279; Manuel historique, topographique de Lausanne et du canton de Vaud, Lausanne, 1824.

5 En 1191.

la ville se rapporte assez bien à l'inscription suivante que le conseil fit placer, le 11 Mars 1646, sur la grosse cloche fondue à Soleure: Me condiderunt Yverdunenses ad honorem et gloriam Dei et ecclesiæ ædificationem anno Christi 1646 et ab urbe fundata 430. Campana sonat, Angelus vocat, Deus tonat, isti responde, salvus eris. Les Yverdonois m'ont établie à l'honneur et à la gloire de Dieu et pour l'édification de l'Eglise, l'an de Christ 1646 et l'an 430 de la fondation de la ville. La cloche retentit, l'ange appelle, Dieu tonne, réponds à sa voix, tu seras sauvé1.

Après la mort du dernier des Zæhringen (1218), les anciens possesseurs du territoire de la ville et de sa banlieue revendiquèrent les droits qu'ils tenaient de leurs prédécesseurs et qu'ils n'avaient pu exercer sous les recteurs impériaux de la Transjurane. Les évêques de Lausanne, les sires de Belmont de la maison de Grandson, les comtes d'Erlach, remplacés plus tard par une puissante maison de Bourgogne, les sires de Montfaucon, comtes de Montbéliard et seigneurs d'Orbe, purent jouir jusqu'au milieu du treizième siècle des avantages qui leur

1 Registre du conseil.

2 Amédée, sire de Montfaucon, cédant ses droits sur Yverdon à Pierre de Savoie, en 1260, mentionne Jordan de Belmont et le comte d'Erlach comme ayant été propriétaires avant lui des moulins d'Yverdon A proprement parler, il n'existe pas de comtes d'Erlach. Le bourg, la ville et la seigneurie d'Erlach appartenaient à la principale branche cadette de la maison des comtes de Neuchâtel fixée à Nidau, dont les membres prenaient le titre de comtes de Novocastro, seigneurs de Nidau, mais par exception, comme c'est ici le cas, ils figurent comme comtes d'Erlach. Voir Peter der Zweite, etc., von L. Wurstemberger, erster Theil, p. 501. Bern, 1856.

étaient garantis par les titres dont ils étaient nantis'. Mais le moment était venu où ces seigneurs allaient être obligés de céder à un prince plus puissant leurs priviléges et leurs droits. Cet illustre personnage que sa vaillance, ses talents remarquables et ses richesses, ont fait surnommer par les Savoyards et les Vaudois le petit Charlemagne, était le comte Pierre de Savoie, époux d'Agnès de Faucigny.

CHAPITRE IV.

Yverdon sous la Maison de Savoie.

Actif, persévérant, déjà maître par héritage ou par des acquisitions importantes de la plus grande partie du pays de Vaud, cet habile seigneur ne négligea rien pour faire tomber en sa puissance une ville qui, par sa situation, paraissait destinée à une grande prospérité et près de laquelle d'ailleurs il possédait un nombre considérable de fiefs?. Un événement lui donna bientôt l'occasion de donner carrière à ses vues ambitieuses.

Ces seigneurs paraissent avoir maintenu les franchises concédées aux bourgeois d'Yverdon par les Zæhringen.

2 En 1243, il avait acquis des droits hypothécaires (1604 livres lausannoises) sur les terres de Bioley-Magnoux, de Correvon et d'Oppens. Trois ans après, le 2 Février 1246, Guillaume, sire de Bioley, et ses trois fils, Pierre, Iblet et Henri, chargés de dettes, lui firent hommage de leur seigneurie. Le même Guillaume vendit à Pierre, le 5 Juin 1259, sa dîme de Cronay pour cent livres lausannoises. A la fin de 1251, ce prince avait acquis d'Aymon, sire de La Sarraz, la suzeraineté du château de Belmont, que Richard

A la suite d'une guerre qui avait éclaté entre l'évêque Jean de Cossonay, évêque de Lausanne, et Aimon, sire de Faucigny, beau-père de Pierre de Savoie, le premier, par un traité fait entre eux le 27 avril 1253, engagea à son adversaire la totalité (sauf quelques réserves) du temporel de l'évêché1 et de la cité de Lausanne pour une somme de trente mille sols, monnaie de Lausanne, que le sire de Faucigny promit de lui livrer dans les termes et sous les conditions stipulées pour acquitter les dettes contractées par ce prélat et ses prédécesseurs, dettes pour lesquelles les deux tiers des terres et de la manse épiscopale se trouvaient déjà hypothéqués, soit au sire de Faucigny lui-même, soit à d'autres créanciers; en sorte que la somme que l'évêque avait à re-. cevoir du sire de Faucigny se trouvait réduite à dix mille sols.

Le sire de Montfaucon n'avait pris aucune part au traité

de Belmont, issu d'une branche cadette des sires de La Sarraz, tenait en fief de la branche aînée. Ulrich de Saint-Martin lui fit hommage du château de Cronay en Avril 1255. (Le chevalier Luigi Cibrario, Storia di Savoia, II, 99.)

1 Voyez << Accord entre Jean évêque de Lausanne et Aymon, sei» gneur de Faucigni, par lequel les différends et guerres qu'il y >> avait entre eux ont été terminés, moyennant l'obligation passée par > le dit évêque en faveur du dit seigneur de Faucigni de la somme » de 30,000 sols de Genève soit de Lausanne, et pour le payement

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» il lui hypothèque tous les temporels de la ville et diocèse de Lau» sanne, sous les conditions y spécifiées. Anno 1253. In octava » Paschae. » Tiré des archives de Turin. Communiqué par M. le comte Crotti de Castigliole, t. VII des Mémoires et Documents publiés par la Société d'histoire de la Suisse romande, p. 52, première livraison.

de Lausanne, qui, du reste, ne devait guère lui plaire. Il était vraisemblablement l'un des principaux créanciers auxquels l'évêque Jean avait engagé les domaines de son Eglise avant de conclure ce traité. Il souleva de sérieux différends entre Amédée de Montfaucon et le sire de Faucigny. Comme seigneur d'Orbe, le premier possédait le cours d'eau de la Thièle avec les droits de péage, de pêche et de moulin, jusqu'au lac d'Yverdon, où il avait établi des réservoirs à poissons (poissines), une douane et des moulins ou battoirs'. Le sire de Faucigny, qui avait occupé le château et la ville d'Yverdon ensuite du traité de Lausanne, troublait le sire de Montfaucon dans l'exercice de ses droits. Ces différends, prêts à dégénérer en hostilités ouvertes, furent accommodés par l'intervention de Jean de Châlons, comte de Bourgogne, qui lui-même réclamait la présence et le concours du sire de Montfaucon de l'autre côté du mont Jura. Le sire de Faucigny promit au sire de Montfaucon de lui constituer en fief une rente annuelle et foncière de vingt-cinq livres, à titre de dédommagement de la diminution de ses revenus à Yverdon. Cette rente fut assignée sur le produit des terres de Suchy, de Corcelles (sur Chavornay) et de Bavois. La terre de Suchy avec son château, le village de Corcelles et la terre du Coudray rière Bavois, appartenaient au sire de Faucigny, qui lui-même la tenait, soit en fief, soit en gage, de l'évêché de Lausanne.

1 Voir la charte du 26 Avril 1260, par laquelle A. sire de Montfaucon, vend à Pierre de Savoie ses droits sur Yverdon (Cibrario, Storia di Savoia, t. II, p. 404). Des titres de l'an 1300 montrent que les bateaux remontaient le cours de la Thièle depuis le lac jusques à la jonction de l'Orbe et du Talent.

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