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demeures des fidèles. D'un autre côté, elle est désignée dans les comptes de ville', comme celle de Grandson 2, sous la dénomination de ecclesia Beatæ Mariæ Virginis acrasensis ou acranensis, titre qui lui fut sans doute donné pour perpétuer le souvenir de la prise d'Acre par les Croisés, au siége de laquelle un sire de Grandson s'était fait remarquer par sa valeur, et pour la distinguer d'autres églises placées également sous l'invocation de Notre-Dame. Nous croyons donc ne pas être trop loin de la vérité en faisant remonter sa construction à la fin du dixième ou au commencement du onzième siècle. Dans tous les cas, elle devait avoir une haute antiquité, puisque déjà le procès-verbal de la visite pastorale de 1417' signale sa vétusté et son état de dégradation. L'époque de sa complète destruction ne nous est pas non plus bien connue. Nous croyons toutefois qu'on peut la fixer aux années 1556-1561. Nous lisons en effet dans les registres du conseil les lignes suivantes qui indiquent que l'on travaillait alors à sa démolition :

« Vendredi, 18 Septembre 1556. Est ordonné de >>> prendre ung chanon a l'eglise de Notre Madame pour

1 Voir en particulier les comptes de l'année 1484.

21481. Processio portata et reportata pro indispositione tem» poris ad Dominam Nostram acranensem fondatam in ecclesia >> fratrum minorum de Grandissono. »

3 En 1191, un autre sire de Grandson se trouvait dans SaintJean-d'Acre lorsque la ville fut prise par les infidèles. Il s'était fait jour avec la hache et avait ramené avec lui ses compagnons d'ar

mes.

4 Visitation des églises dépendantes de l'évêché de Lausanne en 1416 et 1417. Ce précieux manuscrit se trouve aux archives cantonales. Layette 93o, N° 2551.

» servir de ce que besoing seroit pour remparer es ne» goces pour la ville. »

« 23 Avril 1557. Item a esté ordonné a Jaques Blanc » de sa chapelle en nostre Dame douze quartiers de pierres pour faire la pourte de son cheseau. »

« Même date. M. le (commissaire) general Mandrot a » requesté des pierres a Messieurs de celles de nostre >> Dame, ce qui ne luy a esté gratiffié.

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« 20 Novembre 1561. A esté ordonné que l'hospi» talier face tirer des pierres de Nostre Dame par un » homme pour faire les degrés descendants au curtil de >> la maison qu'il tient. >>

Le manuscrit de Pierrefleur, récemment publié, nous apprend en outre que les pierres des autels avaient déjà été enlevées de l'église en 1539. On les avait transportées dans la cour du château et on les avait employées à la restauration de cet édifice, lequel était tout vague et enfondré'; les pierres sépulcrales avaient reçu la même destination. Un de ces derniers blocs en marbre portant inscription et provenant sans doute de l'ancien cimetière, se trouvait enchassé dans le mur d'un boulevard qui longeait la petite rivière; lorsque, plus tard, ce dernier fut détruit, la pierre servit en 1810 à combler une brèche qui existait dans la muraille du château entre les deux tours du côté de la Plaine. C'est de là qu'elle a été retirée en 1825, pour être réunie aux autres pierres monumentales trouvées dans l'enceinte du Castrum. L'inscription funèbre que l'on peut lire sur une des faces paraît appartenir au

1 Mémoires de Pierrefleur grand banderet d'Orbe (1530-4564), publiés pour la première fois en 1856, page 187.

VIIIe ou au IXe siècle. Les caractères en sont romains et

elle est ainsi conçue:

IINID.N.MEN.FRAMBERTVS

PONERE CVRA

VThVNC LABI DM SVB qåre

ESCIT FAMLA D'EVFRAXIA
MNĀCha.

In nomine Jesus Domini nostri Amen! Frambertus ponere curavit hunc labidem (sic), sub quo requiescit famola Dei EVFRAXIA monacha. C'est-à-dire, que Frambert, après avoir invoqué le nom de Jésus notre Seigneur, a fait placer cette pierre, sous laquelle repose la religieuse Eufraxia, servante de Dieu1.

Les monuments que nous venons de mentionner et quelques vieux murs découverts sous le sol de la Plaine, sont les seules traces qu'a laissées la petite ville intermédiaire. Quant à son histoire, nous n'en savons absolument rien. Elle fut sans doute en partie ruinée par les Hongrois ou les Sarrasins, et ses habitants durent souvent fuir devant ces hordes barbares qui ne cessèrent de ravager la Transjurane pendant la première moitié du Xe siècle. Ce fut probablement à cette époque que les murs et les tours de l'ancien Castrum restauré furent totalement renversés et que le vieux pont de pierre que les Romains avaient jeté sur la Thièle fut aussi détruit. Enfin ce temps de dé

1 Dictionnaire géographique, statistique et historique du canton de Vaud, page 358.

2 Registre du conseil, 27 Janvier 1604.

solation cessa et le pays dut sa délivrance à Conrad, troisième roi de la Bourgogne-Transjurane et fils de cette reine Berthe qui a laissé dans notre contrée de si touchants souvenirs de sa mansuétude et de sa piété. Profitant habilement de la désunion qui régnait entre les Sarrasins et les Hongrois qui se disputaient la possession du territoire, ce prince, réunissant toutes les forces de la patrie, fondit à l'improviste sur les troupes ennemies, leur fit essuyer une sanglante défaite et réussit ainsi à repousser pour toujours ces bandes farouches. Mais telle était la terreur qu'elles avaient inspirée, que la crainte de nouvelles invasions fit partout élever dans les lieux les plus favorables de puissantes forteresses qui pouvaient en cas de danger servir de refuge aux habitants du pays. Ce fut là sans doute l'origine des châteaux de Grandson, de Montagny et de Belmont dans les environs d'Yverdon.

Grâce à la tranquillité qui, sous le règne,' pacifique du roi Conrad, succéda à une longue période de troubles et d'agitation, le territoire d'Yverdon fut de nouveau occupé par les populations que la guerre avait dispersées. Comme le Castrum était détruit et ne pouvait plus offrir d'abri sûr en temps de guerre, les habitants qui étaient revenus se fixer dans leur ancien domicile, s'éloignèrent peu à peu de ce lieu qui devint presque désert. Ils s'établirent de préférence dans cette partie de la ville actuelle qui forme une île et qui, par sa position, pouvait leur offrir nonseulement un moyen de défense naturelle, mais aussi leur permettre d'utiliser la Thièle, soit pour leur commerce, soit pour la pêche. C'est en effet dans cette localité dési

1 Ce règne dura 53 ans.

gnée de nos jours sous le nom de faubourg de l'Hôpital et non loin de là, que se trouvaient au moyen âge les plus anciennes constructions de l'Yverdon moderne: 1° l'hôpital avec sa chapelle consacrée à la bien-heureuse Vierge Marie; 2o l'ancienne maison de ville; 3o des moulins; 4o une espèce de château ou vaste bâtiment qui devint plus tard la propriété et la résidence des seigneurs de Bionnens1; 5o les vieilles boucheries; 6o enfin trois ponts qui faisaient communiquer ce groupe de bâtiments avec les lieux circonvoisins. Le marché de cette petite ville se tenait hors de son enceinte sur l'emplacement occupé actuellement par la rue du collége, autrefois appelée rue du vieux marché.

La ville d'Yverdon ne devait pas être longtemps contenue dans de si étroites limites. A la fin du douzième siècle et au commencement du treizième, elle prit un subit accroissement à l'occasion des luttes qui s'engagèrent entre Conrad I, duc de Zahringen, nommé en 1127 par la Diète germanique recteur de la BourgogneTransjurane, et Renaud III, surnommé le Franc Comte, qui possédait le château d'Orbe et, à ce qu'il paraît, une partie du territoire d'Yverdon. Le duc de Zahringen, pendant les vingt années que dura la guerre que se firent les deux rivaux, réussit à s'emparer d'Yverdon et s'y fortifia

2

1 Cette maison, connue encore à présent sous le nom de maison de Bionnens, est sans contredit, après l'hôpital et le château, l'édifice le plus ancien d'Yverdon.

2 Voyez L. de Watteville, Histoire de la Confédération helvétique, p. 20, et J. de Müller, Histoire suisse, t. I, p. 349. Histoire de la ville d'Orbe, par M. Frédéric de Gingins-La-Sarra, p. 35. Il fonda, dit-on, en 1135, le château, qui fut agrandi plus tard

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