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deur. Ses habitants épouvantés, sans cesse menacés par des hordes altérées de sang et de carnage, se dispersèrent au loin pour fuir la rage de cruels ennemis, et il est à présumer qu'elle ne présenta, pendant de longues années et peut-être même des siècles, que le triste spectacle de ruines au milieu d'un désert. Depuis le commencement du cinquième siècle jusqu'à l'an 5 du règue de l'empereur Charles-le-Gros, aucun document, si l'on en excepte la citation de la table théodosienne, ne fait mention de la ville et cette période est enveloppée d'une obscurité complète.

On peut néanmoins supposer avec quelque certitude qu'après un laps de temps difficile à déterminer, les terres fertiles qui se trouvent dans le voisinage d'Yverdon furent peu à peu de nouveau occupées, sous les Bourguignons et les Francs, par les populations indigènes d'origine romaine que le danger avait mises en fuite, mais qu'un peu de sécurité avait ramenées. L'ensemble de leurs villages et de leurs habitations forma un district qui fut plus tard désigné dans les chartes du moyen âge sous le nom de Pagus ebrodunensis. L'ancien emplacement d'Eburodunum ne demeura pas non plus entièrement délaissé. La partie de la ville romaine qui se trouvait aux Jordils fut, il est vrai, tout à fait abandonnée, mais les murs d'enceinte du Castrum avec leurs tours furent réparés et en

ches. Quelques écrivains la font remonter aux années 254 à 280; Ammien Marcellin, qui y passa en 335, trouva la ville déserte, mais conservant des marques de son ancienne grandeur dans les monuments à moitié détruits qui la couvraient encore. D'autres auteurs prétendent qu'elle ne fut complétement ruinée qu'en 570620.

partie reconstruits', et la forteresse dut souvent servir d'asile et de lieu de refuge aux habitants d'alentour dans ces époques malheureuses où de nouvelles invasions et de nouvelles guerres vinrent désoler nos contrées. Bien plus, on peut affirmer qu'une petite ville ne tarda pas à s'élever à proximité du fort restauré, non loin des quatre marronniers et dans cette partie de la Plaine que le lac avait complétement abandonnée. Nous pouvons citer quelques monuments qui ont évidemment appartenu à cette petite cité qui forme ainsi la transition entre la ville romaine et la ville actuelle d'Yverdon, et d'abord un ermitage.

Quoique l'on ne puisse pas dire d'une manière certaine par qui et comment le Christianisme a pénétré dans l'Helvétie méridionale, on sait néanmoins qu'il a été introduit dans notre pays peu de temps après que l'empereur Constantin eut embrassé la religion chrétienne et qu'il y avait déjà des pasteurs qui portaient le titre d'évêques des Aventiciens. Ces évêques n'avaient pas encore de résidence

1 Il y a trois ou quatre ans, M. Berruex père, ayant obtenu l'autorisation de sonder un terrain appartenant à M. Guichard, à l'extrémité duquel s'élevaient naguère les ruines d'une vieille tour et où l'on apercevait encore les restes d'un mur d'enceinte du Castrum, retira des fondements de cette dernière muraille des pierres travaillées qui avaient dû appartenir à un vaste édifice. Il utilisa ces matériaux pour la construction d'un mur le long de la Thièle. La pierre monumentale consacrée à Mercure, à Apollon et à Minerve, se trouvait également, ainsi que nous l'avons rapporté plus haut, à la base d'un autre mur du Castrum. Cela prouve clairement que la réparation ou la reconstruction de ces murs avait eu lieu à une époque où le paganisme avait cessé d'exister.

fixe' et ils parcouraient le pays dans toutes les directions pour y répandre la semence de l'Evangile. L'invasion des peuples du Nord et les calamités qu'elle amena à sa suite durent nécessairement ralentir les progrès de l'établissement du Christianisme. Pour se soustraire aux agitations de tout genre de cette époque de guerre et de barbarie, les fidèles missionnaires du Christ furent souvent contraints de se retirer dans les endroits les plus sauvages et les plus déserts. Ce fut dans ces lieux reculés qu'ils établirent leurs pénates, et qu'au commencement du sixième siècle s'élevèrent les premiers ermitages. Là, les pieux anachorètes menaient une vie austère, défrichaient les forêts, cultivaient la terre et n'interrompaient leurs rudes travaux que pour se livrer à la prière et à la lecture des livres saints. Bientôt la réputation de leur vie religieuse attira auprès d'eux les chrétiens dispersés; ils s'établirent dans leur voisinage, se mirent volontairement sous leur direction spirituelle et c'est ainsi que se formèrent plusieurs villages de notre patrie. Plus tard, lorsque la population se fut accrue, des chapelles s'élevèrent à côté

1Ce fut seulement en 581 que Marius, évêque des Aventiciens, auteur d'une chronique précieuse, fixa le siége de sa résidence à Lausanne.

2 Un Vénitien, appelé Prothasius, S'-Prothais, construisit un ermitage, l'an 500, au-dessus de l'ancien Lausanium, dans l'endroit où, soixante ans plus tard, on båtit la ville de Lausanne. En 510, le même Prothasius en établit un autre dans le lieu où a été fondée ensuite l'abbaye du lac de Joux. S'-Romain en fonda un en même temps dans l'endroit où l'on a construit Romainmôtier. C'est en 531, à ce que l'on croit, que fut fondée l'église d'un monastère qui existait déjà à Baulmes.

des ermitages, et les nouveaux édifices devenus trop petits pour les fidèles qui les fidèles qui se rassemblaient dans leur sein, furent peu à peu remplacés par les églises paroissiales.

Les choses durent se passer ainsi, selon toute apparence, dans le lieu où l'on découvrait les tristes décombres d'Eburodunum. Un de ces pieux solitaires dont le nom est resté inconnu, vint se fixer au milieu des ruines de l'ancien Castrum et y construisit un petit ermitage qui devint plus tard, on ne sait comment, la propriété de la ville. Les archives d'Yverdon du quinzième siècle nous font connaître l'emplacement exact de ce premier édifice chrétien'. La maison de l'ermite, avec son jardin et ses dépendances, était située en face du lieu où furent construites la chapelle et plus tard l'église de Notre-Dame, c'est-à-dire près du cimetière actuel d'Yverdon, dans la partie nord du champ de M. Du Terreaux et sur la route. Les noms de quelques-uns des ermites qui l'ont successivement occupée, nous ont été conservés et nous aurons occasion de les mentionner par la suite. L'ermitage subsista jusqu'en 1560, époque où il fut démoli par ordre de la

I Sequitur extractus recognitionum in villa Yverduni per quon>> dam egregium virum Jacobum Magnin olim earumdem commis>> sarium receptarum. « Item magis tenere confitetur ut supra de >> bonis olim recognitis per Franciscum Cotunetum de Vuin reclu>> sum Yverduni unam parvam domum ipsius reclusi cum orto si>> tam ante portam ecclesiae dominae nostrae beatae Mariae Vir

ginis juxta cumisterium dictae ecclesiae ex oriente, curtile Ia>> cobi Corderii quod fuit Iohannis Porchet ex vento, et curtile seu >> clausum Iohannis Pictet quod fuit Petri Rasclet ex occidente » cum curtile, platea, juribus et appendiciis, » page 124. Reconnaissances de l'hôpital, 1490.

2 « 8 Février 1560. A esté ordonné de desrocher l'ermitage vers

municipalité; les matériaux en furent transportés aux tuileries de la ville'.

Ce premier édifice devint bientôt insuffisant pour les besoins du culte public. La population de la petite ville s'était accrue sous la protection des maîtres du pays qui avaient concédé aux nouveaux habitants une partie de l'ancien territoire d'Eburodunum et s'étaient réservé la possession du reste. Une chapelle ne tarda pas à s'élever en face de l'ermitage; il en est fait mention pour la première fois dans le cartulaire du chapitre de Notre-Dame, publié en 1851 sous les auspices de la société d'histoire de la Suisse romande. Nous y apprenons que l'empereur Charles-le-Gros, le dernier des Carlovingiens, voulant reconnaître les services que Vodelgisus, vassal du comte Rodolphe (marchio), gouverneur et plus tard roi de la Bourgogne-Transjurane, avait rendus à l'empire, lui céde en propriété perpétuelle, par acte du 15 février 885, certaines portions de ses domaines du comté de Vaud, situées à Champagne, à Fiez, à Corcelles, à Clendy, à Suchy et lui fait en particulier donation à Grava et Gravato d'une chapelle et six manses de soixante jugères, avec tout ce qui appartient de droit à la dite chapelle et aux dites manses, en édifices, serfs des deux sexes, terres, vignes

» la Thiolle (la petite rivière), le bois aussi et la pierre et pour ce » faire a esté commandé à monsieur l'hospitalier. » Registre du Conseil.

1 Deux tronçons de colonnes en grès, que l'on peut observer dans la structure de la porte du pré de M. Roguin, pourraient bien provenir des ruines de l'ermitage ou de l'ancienne église de NotreDame.

2 Mémoires et Documents, etc., tom. VI.

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