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don de se rendre. La ville répondit par un refus. Les Bernois, pressés de délivrer Genève, ne trouvèrent point à propos de s'arrêter et continuèrent leur route du côté de Morges. Mais le danger qui menaçait Yverdon n'était que différé. Le 11 février, Berne lui envoya le cartel sui

vant :

<< L'advoyer, Petit et Grand-Conseil de la ville de >> Berne, nottifions à vous, les nobles, bourgeois et habi>> tans generalement de la ville d'Yverdon, que vous >> deviez rendre à nous et faire la fidelité, comme la plus>> part de vos circonvoisins ont fait et, si presentement >> cela ne voulez faire, nous vous deffions et declairons la >> guerre contre vous par ces presentes; vous advertis>> sans que employerons nos efforts, à l'ayde de Dieu, de >> vous dommager et hostilement aggredir, en corps et » en biens, et pour autant nostre honneur avoir bien » pourveu, tesmoin nostre sceel placqué à icelles. Donné » à Berne, le 11e febvrier 1536. »

Yverdon répondit :

Magnifiques et honorez seigneurs l'advoyer, Petit >> et Grand-Conseil de la ville de Berne!

>> Nous, nobles, bourgeois et habitans generalement » de la ville d'Yverdon, avons receu, par vostre heraut >> present porteur, une lettre de nottification que nous

nous devons rendre, et en deffaut nous deffier et de» clarer la guerre, que trouvons fort estrange, veu que >> ne vous donnasmes jamais les occasions. Pourquoy >> sommes resolus et deliberez de non jamais le faire, » sans la volonté de nostre tres redoutté Prince et Sei» gneur, ayant la fiance en Dieu, à nostre bon Prince » qu'il nous maintiendra en nostre bon droit. D'Yver

>> don, soubs le sceau de la ville icy placqué, le 12 de » febvrier l'an 1536'. >>

Le conseil de Berne, voyant qu'Yverdon était disposée à résister et que Genève était absolument hors de danger, écrivit le 17 février 2 aux chefs de son armée de marcher incessamment avec leurs troupes, en tout ou en partie, le long de la montagne contre cette ville, et de s'emparer, chemin faisant, de Cossonay, de La-Sarra, des Clées et de Ste-Croix. A leur arrivée à Yverdon, ils devaient recevoir tout un équipage de siége, de grosses pièces de canon pour battre les murailles et des échelles de diverses grandeurs, préparées à Grandson, pour monter à l'assaut.

Le 21 février, l'armée bernoise parut devant les murs d'Yverdon et investit la place. Le 23, elle s'établit, sans éprouver de résistance, dans le faubourg de la Plaine et mit en position l'artillerie qu'on venait de lui envoyer de Berne. Les Yverdonois apercevaient du haut de leurs

1 Mémoires de Pierrefleur, pages 148 et 149.

2 « An die Kriegsregenten, - Wo es üch also gelegen und nit » sonders widrig, unser Will und Meinung unser Vermogen an >> Yferden ze wenden, und das Ir mit ganzer Macht oder einem >> liechten Zug dem Gebirg nach uf Yverden züchen, underwegen >> Lasarra verggen, Cossonay, les Clefs et S. Croix uffordern und » also uf ruken, so welten wir uf verstendigen und ernempten Tag » üwer Zukunft, hie dis halb mit den Carthunen und einem Zug » daher faren, mit Gottes Hilf Iferten stürmen und erobern, dann > wir zu Granson allerley Stürmleitern rüsten lassen. Es wil vil da>> ran gelegen sin, thünd üwer bests, und schribend uns ylends üwer » Antwort, uns danach wüssen zerichten. » Extrait du registre des missives allemandes de la ville de Berne, du 17 février 1536. Archives de Berne.

tours ces préparatifs belliqueux et, quoiqu'ils fussent décidés à repousser avec vigueur les attaques de l'ennemi, ils ne pouvaient s'empêcher d'éprouver une grande inquiétude en pensant à la faiblesse de leur garnison et au grand nombre de leurs adversaires. Le 24, au matin, les Bernois lancèrent leurs premiers boulets contre le pont, les tours et le château. La garnison riposta, mais bientôt, l'on s'aperçut avec effroi que les murailles que l'on croyait très-fortes, ne pouvaient résister longtemps au feu terrible dirigé contre elles. On se décida à entrer en pourparler et l'on adressa la lettre suivante au bailli de Grandson, Tribolet de Berne, pour obtenir une trêve du général en chef de l'armée ennemie qui, atteint d'une maladie pestilentielle, s'était fait transporter à Grandson: « Monsieur le Ballif!

>> Nous nous recommandons à vostre bonne grâce, >> nous vous envoyons ce present porteur mesmement >> pour vous advertir et prier avoir une trefve pour >> parler à vous, et à qui vous plaira de vostre camp, >> mesme pour voir et traiter ensemble et venir en bonne » paix. Parquoy, vous prions à parler à messieurs et par >> le present porteur envoyer toutes responces, et con»clure du lieu et heure où nous pourrons trouver tout >> en seurté pour besogner à tout, priant nostre Seigneur >> vous avoir en sa garde. D'Yverdon, ce 24 febvrier » 1536 1.

Il était temps d'arriver à un arrangement. Déjà la brèche était ouverte, et les Bernois se préparaient à donner l'assaut, lorsque les assiégés hissèrent le drapeau blanc,

1 Mémoires de Pierrefleur, page 150.

battirent la chamade et demandèrent à capituler. Le capitaine de St-Saphorin et Henri de Treytorrens, gouverneur de la ville, se rendirent auprès des chefs bernois et, après de longs débats qui durèrent pendant la soirée du 24 et une partie de la nuit, les articles de la capitulation furent réglés de la manière suivante :

1o Les soldats de la garnison qui se trouveront être suisses se rendront à discrétion, et ceux qui sont étrangers à la Confédération seront dépouillés de leur pourpoint et de leur haut-de-chausse.

2o Les bourgeois remettront leurs lettres, titres et livres contenant les franchises de la ville, aux mains des seigneurs de Berne, qui en feront selon leur bon plaisir. La messe ne sera plus dite à Yverdon.

3o Les susdits bourgeois livreront leurs armes, canons, cuirasses, épées, ne se réservant dans les maisons qu'un couteau à couper le pain.

40 Ils apporteront au château tous les biens et effets, sans exception, qui ont été réfugiés dans la ville, sous peine de la corde pour la plus légère contravention.

5o Quant à leurs propres biens, les seigneurs de Berne, consentent à ce que les ressortissants de la ville les conservent, mais au prix d'une rançon qui sera déterminée plus tard. Grâce de la vie au capitaine de St-Saphorin'. Cette capitulation fut signée le 25 au matin.

Le baron de La-Sarra et Dortans de l'Isle n'avaient pas attendu la conclusion de cette capitulation pour

1 Stettler, pag. 87. Ruchat, IV, p. 4. Pierrefleur, p. 151, Chroniqueur, p. 245. Verdeil, I, p. 439. La rançon d'Yverdon et de son ressort fut fixée à 1,000 couronnes d'or.

quitter la ville. Ennemis déclarés de Berne et de Genève, ces deux capitaines auraient voulu qu'Yverdon fit une défense désespérée; mais, voyant qu'autour d'eux le découragement avait gagné les habitants, et sachant bien qu'ils ne seraient pas épargnés, si l'on s'emparait de leurs personnes, ils réussirent à s'évader secrètement, pendant la nuit, avec leur suite et quelques soldats allemands des plus braves de la garnison et se retirèrent en Franche-Comté.

Le vendredi 25 février 1536, Yverdon cessa d'appartenir à la Savoie. On porta dans le camp le drapeau de la cité, avec les clés de la ville et celles du château. On remit également le sceau du conseil et celui de la châtellenie. Une garnison de deux cents hommes, placée sous le commandement de George Zumbach, autrement dit Hubelmann, fit son entrée dans Yverdon. Les Bernois ne trouvèrent dans la ville que trois soldats allemands, cinq de Gruyère et soixante du pays, et dans le château environ deux cents. Ils firent grâce aux Allemands, à la réquisition des députés des cantons de Zurich, de Bâle et de Schafhouse et laissèrent aller les autres après les avoir dépouillés '.

1 Stettler, p. 87; Pierrefleur, p. 154, Ruchat, IV, p. 41.

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