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romaine, nous savons par le livre des notices des Gaules qu'il y avait encore dans la petite cité un prefectus barcariorum ou préfet des bateliers'. Ce fonctionnaire, établi dans ce lieu par les empereurs romains, devait veiller à ce que les sapins coupés dans les belles forêts du Jura ou du Jorat qui, au rapport de Pline, étaient très-recherchés pour les flottes, fussent convenablement préparés pour pouvoir atteindre leur destination. Il devait s'occuper de les faire embarquer ou flotter sur le lac d'Yverdon, puis de les diriger par la Thièle, le lac de Bienne, l'Aar et le Rhin sur les bords de l'Océan1. Un pareil travail nécessitait l'emploi d'un grand nombre de bras et il devait y avoir à Eburodunum toute une petite population de manœuvres occupés à couper les bois, à confectionner les radeaux ou les barques et à les diriger sur les flots.

Nous avons essayé de faire connaître à nos lecteurs les principaux établissements qui existaient dans la ville romaine; nous consacrerons encore quelques lignes avant de quitter ce sujet à indiquer quelques autres antiquités

1

Voici les propres termes du livre des notices qui passe en revue les provinces romaines et qui donne à Yverdon le titre de Castrum: << In provincia maxima Sequanorum prefectus classis Barcario>> rum Ebroduni Sabaudiae. » Lib. XVI, cap. 19.

2 Peut-être aussi dans la forêt d'Epeney. Il est très-probable que ce bois, qui appartient à la ville de toute antiquité, a été, l'un des premiers, exploité par les habitants d'Yverdon, soit pour la bâtisse de leurs maisons, soit pour la construction de leurs barques. 3 Plinius. Lib. XVI, cap. 39.

4 Guillimanni, Helvetia, sive de rebus Helvetiorum, l. I, p. 31. Une semblable organisation existait à Nyon pour la Méditerranée. 5 Il est probable que les petites maisons des Jordils, dont on a retrouvé les fondations, étaient occupées par cette colonie d'ouvriers.

trouvées dans l'ancien emplacement d'Eburodunum. Nous suivrons autant que possible l'ordre chronologique de ces découvertes.

En 1456, les comptes de ville font mention de dépenses faites à l'auberge de Humbert Jaccottet par plusieurs personnes qui avaient été employées à sortir du cimetière une énorme pierre. On lit dans ceux de l'année 1459, que l'on alloue une certaine somme à Pierre Chaillet, Antoine Fudraul, Claude Mermod, Pierre Gauchet, Jordan Clément, Jean Gaschon et Pierre Micey pour avoir enlevé du même lieu deux grandes pierres de marbre et les avoir transportées à la porte d'entrée. En 1769, en creusant une cave près des moulins d'Yverdon, on découvrit plusieurs squelettes humains dont la tête, suivant la coutume des anciens, était tournée à l'orient; ils étaient dans une couche de sable, sans apparence de cercueils ou de tombes, et avaient entre les jambes des urnes de terre ou de verre, des lampes sépulcrales avec de petits plats d'argile rouge dans lesquels on pouvait distinguer des os de volaille bien conservés; à côté des squelettes on trouva quelques médailles en bronze et en argent de Constantin, de Julien l'Apostat et de Valens, c'est-à-dire du quatrième siècle'. En 1806, on découvrit aux Jordils, dans la propriété de M. Rodolphe Gehri dit Flamand, un tombeau de forme élevée, recouvert de grosses pierres plates de Chamblon. Il contenait un squelette que M. le docteur Flaction crut reconnaître pour être celui d'une femme. Les vieillards

1 L'encyclopédie d'Yverdon, publiée par le professeur Fortuné de Félice, à l'article Yverdon. Dictionnaire géographique, statistique et historique du canton de Vaud, par Louis Levade, page 361.

d'à présent racontent que l'on payait un kreutzer aux ouvriers pour contempler cette curiosité. En 1820, le 22 janvier, la municipalité autorisa M. Correvon de Martines. à disposer d'une pierre antique qui se trouvait à l'angle du couvert de la forge de la Plaine et dont il se proposait de faire une collection'. En 1825, M. Wolf, père, s'étant chargé d'exécuter des sondages aux Jordils, dans une propriété de M. Gilliard de Fiez, découvrit, non loin de la voie romaine, un tombeau en maçonnerie grossière. Il renfermait des ossements humains et une vieille épée en bronze3, avec les fragments d'un ceinturon, dont les enfants s'emparèrent et qui fut perdue. A la même époque ou environ, un Hollandais, Antoine Howyn Tenhoutten, qui se plaisait à rassembler toutes les raretés qu'il pouvait se procurer, acheta les restes d'un tombeau romain qui se trouvait derrière les Jordils, près des maisons des moulins. Les ouvriers de M. Landry, père, qui furent employés à transporter les colonnes et le chapiteau, rajustèrent les diverses pièces de ce curieux monument et on peut le voir encore dans un jardin du faubourg de Gleyre 1.

Malheureusement tous ces tombeaux et quelques autres qui ont été découverts dans cette partie des Jordils que M. l'avocat Jayet a fait sonder ces dernières années, ne

1 Registre du conseil.

2 Ce terrain appartient maintenant à M. Constançon, père.

3 On ensevelissait avec les morts tout ce qui leur avait été cher durant leur vie, même des animaux, comme leurs chiens et leurs chevaux, et peu d'années avant la venue de J.-C. on faisait brûler avec les morts ceux de leurs esclaves et de leurs chiens qu'ils avaient le plus aimés.

4 Le jardin de la pinte Hodel.

portaient aucune trace d'inscription. Un seul monument pourrait peut-être fournir quelques indications sur l'époque où ces sépultures ont eu lieu. En 1846, M. Wenger, jardinier, voulant étayer un mur de la cave de sa maison des Jordils, se mit à fouiller son jardin pour en extraire des pierres. Du côté de la voie romaine, il découvrit plusieurs squelettes assez bien conservés qui reposaient sur un lit de cendre; près d'eux se trouvait un tombeau de grande dimension surmonté d'une pierre sépulcrale sur laquelle étaient tracés quelques ornements et une inscription. Le bloc a été impitoyablement brisé en deux par le marteau des maçons; un des morceaux qui n'a pas été utilisé gît encore près de la maison, l'autre enchassé dans le mur de la cave, laisse apercevoir quelques caractères latins. Il serait à désirer que l'on pût réunir les deux fragments et que l'on déposât la pierre tumulaire restaurée à côté des autres monuments conservés à l'hôtel de ville d'Yverdon.

Des antiquités d'un autre genre ont été découvertes en grand nombre sous le sol occupé par la ville romaine', et le petit musée d'Yverdon s'est enrichi, surtout ces dernières années, d'une multitude d'objets rares et précieux qu'il serait trop long d'énumérer. Qu'il nous suffise de dire qu'une des salles de la bibliothèque renferme une assez belle collection de médailles romaines en argent et en bronze, des armes, des agrafes, des fragments de ceinturons, des vases, des amphores, des tuiles antiques, des

1 Particulièrement aux Jordils, dans l'enceinte du Castrum, dans le pré de la cure, dans le pré Cordey, dans la propriété de M. Roguin, etc.

restes de pavés à la mosaïque', etc. MM. Correvon de Martines, Correvon-Christin, Brière, Trachsel, Pillichody, Rochat et surtout M. l'avocat Jayet, ont puissamment contribué par leurs dons à former ce petit cabinet d'antiquités.

CHAPITRE III.

Yverdon sous les Bourguignons.

Il est impossible de fixer d'une manière précise l'époque de la destruction d'Eburodunum. Saccagée et réduite en cendres 3 par les barbares, sans doute dans le même temps que la ville d'Avenches fut dévastée et brûlée, la cité perdit pour toujours sa première splen

1 Les fragments de pavé à la mosaïque trouvés dans le bâtiment. du Casino ne paraissent pas avoir appartenu à l'ancienne maison restaurée, mais y ont été, dit-on, simplement déposés au commencement du siècle passé.

2 Le dernier présent de M. Jayet est un anneau massif en or, trouvé aux Jordils, surmonté d'une pierre précieuse sur laquelle se trouve gravée une peinture représentant un guerrier vainqueur recevant une couronne honorifique. Cet anneau était sans doute une récompense décernée pour un acte de valeur à nous inconnu.

3 Les ruines de l'ancienne ville romaine portent des traces d'incendie, et l'on a trouvé, il y a quelques années, dans l'enceinte du Castrum, à quelques pieds sous terre au milieu de décombres, un gros tas de blé calciné. On peut voir au musée d'Yverdon quelquesunes de ces graines recueillies dans le champ de M. du Terreaux. 4 On n'est pas d'accord sur l'époque de la destruction d'Aven

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