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truit. On avait mis en état l'artillerie de la place. On avait réparé les murailles de la ville, des ambassadeurs avaient. été envoyés vers le duc pour connaître ses intentions, enfin, sur la nouvelle que l'armée confédérée revenait de Genève et se proposait de passer par Yverdon, on avait ordonné de faire des saignées au Buron et à la Thiele pour en répandre les eaux sur les prés de Gravaz et rendre ainsi impraticables les abords de la ville. Yverdon en fut, toutefois, pour ses préparatifs de défense, et le traité de St.-Julien ', conclu le 19 octobre et confirmé le 31 décembre 1530, fit cesser les hostilités.

La ville, dans cette circonstance, avait manifesté d'une manière éclatante son attachement au prince faible qui gouvernait les Etats de Savoie, quoique, peut-être, quelques-uns de ses habitants secrètement réformés, fissent des vœux pour le succès des armes bernoises. Aussi, ce fut avec indignation qu'elle apprit qu'un homme revêtu d'un caractère public, Michel Quiodi, notaire à Rances et commissaire ducal, n'avait pas craint de soutenir qu'à la vérité les Yverdonois avaient fait de grands préparatifs de défense, mais que, néanmoins, ils s'étaient rendus à Grandson pour y porter les clefs de la ville et faire leur soumission aux Allemands 2.

1 Par ce traité le duc s'engageait à payer sept mille écus à chacune des villes de Berne, Fribourg et Genève; cette somme était hypothéquée sur le pays de Vaud, et en cas de non payement ou de violation du traité de paix, ce pays devait passer au pouvoir des Suisses.

2 << Ipse dixerat quod nos de Yverduno faciebamus multas mynas >> sed quod tamen nos portaveramus claves villae Yverduni apud >> Grandissonum ad reddendum nos et villam Yverduni Allemanis. » Comptes de ville.

Yverdon porta plainte contre ce fonctionnaire, et celui-ci fut obligé de se rétracter publiquement. La pièce qui contient son désaveu est conçue en ces termes : « Je, » soussigné, châtelain d'Yverdon, fait savoir à tous que » le jour de Mars après la fète des Saints Philippe et Jacques apôtres, et l'an du Seigneur 1531, par devant >> moi ledit chatelain, séant en jugement pour tribunal » à l'heure et au lieu accoutumés pour plaider à Yver» don, la cour ayant été préalablement instruite et dis

posée pour tenir les plaids par l'organe des provides » Cl. Jocet, l'aîné, Pierre Sarre, Jac. Bonvêpres, Jac. » Albi, Ls. Chedel, Fs. Jacottet, Guill. Vuilliemin, >> Pierre Pichon, Pierre Develey, Pierre Burjat, tous

bourgeois d'Yverdon, Jean Populi, clerc, demeurant à » Yverdon, Guillaume Bayet, de Chavornay, et plusieurs >> autres hommes de bien, siégeant, connaissant et ju>>> geant dans la dite cour avec moi: ont comparu égrège » Jac. Bachiez, bourgeois, syndic et gouverneur, au nom » de la ville et communauté d'Yverdon, et Michel Quiodi, >> notaire public et commissaire ducal demeurant à » Rances, après quoi ce dernier a reconnu et confessé » juridiquement avoir dit que ceux d'Yverdon avaient >> porté les clés de leur ville à Grandson, pour la rendre >>> aux seigneurs de Berne, et que quelques-uns d'en» tr'eux avaient écrit dans le même but des lettres aux >> capitaines qui étaient à Morges, mais qu'il avait dit cela >> inconsidérément, et avait mal fait de tenir ces paroles >> dont il demande pardon à l'illustrissime et très-re» douté seigneur et prince notre seigneur le duc de >> Savoye, et audit syndic présent à cet effet au nom que >> dessus, déclarant d'ailleurs qu'il tient ceux d'Yverdon

» pour être gens de bien et fidèles sujets de notre prédit seigneur duc et desquels on ne peut connaître, dire et >> penser que du bien. Sur quoi ledit Jac. Bachiez, syndic, » et au nom qu'il agit, a requis lettre testimoniale, soit >> instrument juridique, des aveux du susdit Michel >> Quiodi, et il s'est retiré après avoir proposé la chose au >> droit jugement et connaissance de la cour (dans la» quelle les susnommés ont trouvé convenable de lui » accorder sa demande, et l'a fait rentrer pour l'en pré>> venir); en conséquence, moi ledit châtelain déclare >> avoir interposé et interposer mon autorité judiciaire à >> toutes les choses prémises. Pour témoignage de quoi >> nous, tous les juges nommés ci-dessus qui y avons >> assisté, siégé, connu et jugé, déclarons et attestons que » le tout s'est bien passé comme il est dit ci-dessus, et >> nous avons requis que le sceau ordinaire de la châ>> tellenie d'Yverdon fût apposé aux présentes, etc.

Trois ans après, en 153, Yverdon eut encore une grave contestation avec la ville de Moudon au sujet d'un homme accusé de sorcellerie, un Vaudois, selon le langage de l'époque. Il s'agissait d'une dispute de juridiction, et les habitants des deux villes étaient sur le point d'en venir aux mains, lorsque de hauts personnages intervinrent et pacifièrent ce différend. Voici comment le banneret Pierrefleur raconte cette affaire: « Environ ce » temps de Pentecoste, ceux de la ville de Moudon et >> ceux de la ville d'Yverdon furent en si grand diffé>> rent, que chascune partie firent préparatives et leurs >> efforts pour sortir les uns contre les autres, les ban>> nieres mises au vent, et ce estoit grand cas, veu que >> toutes deux estoyent subjettes au Duc de Savoye. Et

>> ne se faut estonner si soubs un tel prince si bon, si >> patient, si souffrant, d'avoir des subjets si desreiglez et >> s'il lui advient beaucoup de maux et inconveniens, » comme il luy advint depuis, comme vous orrez cy >> apres. Toutesfois, pour conclusion, c'est que tant de >> gens de bien et grands seigneurs prindrent peine, tant >> d'un costé que d'autre, que enfin firent bonne paix entre les dittes deux villes. La cause de leur different >> estoit causant un heretique, selon nostre maternel lan» gage dit un vaudois, à la ville d'Yverdon, appellé Meil»lard, lequel estoit des parties de ceux de Moudon. >> Ceux de Moudon prierent ceux d'Yverdon de vouloir » lascher le dit Meillard leur prisonnier, ce que ceux » d'Yverdon refuserent. Ce voyant, ceux de Moudon fi>> rent diligences envers le Duc de Savoye, leur prince, » que le dit Meillard eust sa grace, de sorte qu'il fust >> mis en liberté des prisons du dit Yverdon. Le dit Meil» lard, apres sa liberté, se pensant retirer en sa maison, » fust par les sergens et officiers de Granson poursuit, >> pris et mené en prison au dit Granson, lequel, apres » avoir demoré quelque peu en prison, fust executé par justice, bruslé et mis en cendres en la ditte justice de » Granson '. >>

Pendant que la ville d'Yverdon était occupée de ces diverses contestations, la réforme religieuse prêchée par des ministres venus de France et par Viret d'Orbe, faisait de grands progrès à Grandson, à Orbe et à Yvonand.

1 Mémoires de Pierrefleur, grand banneret d'Orbe, page 122. Voir aussi sur cette affaire Grenus, Documents relatifs à l'histoire du pays de Vaud, pages 184-188.

Giez venait de se déclarer en faveur de la doctrine évangélique, et la Bible, imprimée à Neuchâtel, commençait à se répandre parmi les populations catholiques.

Yverdon ne manifestait aucune disposition à embrasser la réforme; la plupart de ses habitants se montraient, au contraire, très-opposés au changement de religion qui s'opérait autour d'eux, et ils venaient souvent en aide à ceux qui employaient la violence pour repousser les prédicateurs de l'Evangile '. Mais, le moment était arrivé où, par la permission de Dieu, la ville devait renoncer à son culte superstitieux et formaliste pour jouir du bienfait inestimable de l'Evangile.

Le 16 janvier 1536, les Bernois déclarèrent la guerre au duc de Savoie. A cette nouvelle, trois cents hommes environ, rassemblés à la hâte, vinrent s'enfermer dans les murs d'Yverdon. Ils avaient pour chefs le baron de La-Sarra, le châtelain Pesme de St.-Saphorin, Henri de Treytorrens et Dortans de l'Isle. Le 22 janvier, l'armée bernoise, commandée par Jean Naegueli et forte de six à sept mille hommes, se mit en marche. A son passage par Echallens, elle envoya un parlementaire sommer Yver

1 << Plusieurs personnes qui étaient venues d'Yverdun à Grand» son se jetèrent sur les deux ministres (Farel et Claude de Glan» tinis, ministre de Tavannes), les chargèrent d'injures, de coups » de pied et de poings et les maltraitèrent cruellement ....On disait » qu'il y avait d'autres moines qui avaient eu aussi des haches et » qu'il y avait une conspiration secrète pour assassiner les mi»nistres et les réformés, et que c'était pour ce dessein qu'il était » venu tant d'étrangers armés, particulièrement de ceux d'Yver» don. » Ruchat, Histoire de la réformation de la Suisse, tom. III, pages 32 et 33.

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