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Nous n'avons pas l'intention d'entretenir nos lecteurs de certaines difficultés que présente l'interprétation de ces sept inscriptions. Nous nous contenterons d'en rapporter ici la signification générale renvoyant ceux d'entr'eux qui désireraient de plus amples informations aux travaux spéciaux des antiquaires de notre patrie '.

Les quatre premières nous apprennent que ces autels votifs ont été consacrés 1o à Mercure, à Apollon et à Minerve par Togirix, helvétien d'origine, comme l'indique la terminaison qui est évidemment celtique et qui rappelle les noms d'Orgétorix, Dumnorix, Vercingétorix, etc., mentionnés dans les commentaires de Jules César. Ce monument est probablement du premier siècle de la domination romaine dans l'Helvétie. Mercure, Apollon, Minerve avaient remplacé les divinité gauloises Teut, Belen et Taranis. Les lettres V S L M, initiales des mots Votum Solvit Lubens Merito, signifient que le consécrateur s'était acquitté avec empressement du vou qu'il avait fait; 20 à la déesse Victoire par Vallo ou Vatto; 3o à Mercure par Silanus Candidus, Silanius Sabinus, Silvus Similis,

1 Voir en particulier Der schweizerische Geschichtsforscher. Sechster Band, erstes Heft, pages 96 et suivantes. Bern 1826.

Inscriptiones confoederationis helveticae latinae, edidit Theodorus Mommsen, dans les Mittheilungen der antiquarischen Gesellschaft in Zurich. Zehnter Band. Zurich 1854.

Archiv für schweizerische Geschichte auf Veranstaltung der allgemeinen geschichtsforschenden Gesellschaft der Schweiz. Siebenter Band. Zürich.

Orellius. Inscriptiones Helvetiae collectae et explicatae. Nos 450 et 151. Zurich.

2 Des autels consacrés à la même divinité ont été retrouvés dans les ruines d'Avenches.

trois frères qui avaient légué pour honorer ce dieu une somme d'or que leur héritier Domitius Magnus avait encore augmentée de son propre avoir. L'inscription manifeste l'espoir que d'autres personnes contribueraient par leurs dons 'et leurs aumônes à l'embellissement du monument élevé au dieu du commerce. Les donateurs paraissent avoir été des Romains établis à Yverdon ou des Helvétiens indigènes qui avaient adopté des noms latins. C'étaient probablement des négociants qui voulaient rendre hommage à Mercure, soit comme au protecteur de leur commerce, soit comme à la divinité la plus en honneur dans la contrée; 4o à Mars par un médecin nommé Caius Sentius Diadumenus. L'inscription de cet. autel semble appartenir à une date plus récente que les deux précédentes; elle paraît être du deuxième ou peutêtre du troisième siècle.

Ces cinq pierres monumentales déterrées dans le même lieu et dont une, celle consacrée au dieu Mars, servait évidemment de piédestal à une statue, se trouvaient réunies, selon toute apparence, dans un temple d'assez vaste dimension élevé sur cet emplacement. C'est en effet dans cette partie du cimetière et non loin de là que l'on a enlevé à diverses époques des pierres énormes éparses sur le sol, dont quelques-unes ont été employées dans la digue construite à Clendy par M. l'avocat Christin. Les grandes pierres travaillées qui servent de base au clocher de l'église actuelle; celle qui forme un des angles du magasin de la douane, une autre ayant la même destination que l'on peut voir dans la maison de M. Charles Pavid, commissionnaire, mais dont les moulures ont disparu sous le ciseau du maçon, provenaient certainement d'un édifice

considérable qui avait sans doute la destination que nous lui avons attribuée.

Mais ce n'était pas seulement aux dieux que les habitants de la nouvelle ville exprimaient leur reconnaissance pour les faveurs qu'ils estimaient en avoir reçues. Ils savaient aussi dans l'occasion honorer les bienfaiteurs, les protecteurs et les amis de leur petite cité. Les inscriptions qui se lisent sur les blocs de pierre dont il nous reste à parler, mentionnent trois de ces personnages: 1° Sucellus; la brièveté de l'inscription ne permet pas de conjecturer quelle était sa dignité; 2o Caius Flavius Camillus; il remplissait à Aventicum la charge de Duumvir ou de président de la magistrature de la colonie romaine et il était revêtu de la dignité de prêtre d'Auguste. La municipalité d'Eburodunum l'avait élu membre honoraire de ce corps et l'avait choisi pour patron de leur cité, et il avait dû rendre de grands services à la ville puisque le conseil lui avait élevé des statues et qu'on avait fondé un édifice en son honneur 1. Les habitants de leur côté avaient voulu qu'un monument conservât la mémoire de cet homme éminent qu'ils considéraient comme leur ami et leur protecteur; 3o Julia Fertilla, fille de Julius Camillus, vétéran romain de haut rang. Elle était première prètresse d'Auguste et elle demeurait dans le voisinage de notre ville, comme l'indiquent les mots optimæ vicina, excellente voisine. Les Yver

1 Le mot scholam qui désigne ce monument se retrouve dans une inscription d'Avenches. Elle indique que les nautes ou bateliers avaient fait construire à leurs frais dans ce lieu un édifice destiné à leurs réunions (une bourse) pour traiter de leurs affaires commerciales.

2 Il y avait dans les environs d'Yverdon des villae ou maisons

donois, reconnaissants du bien qu'elle avait fait à leur ville, avaient aussi voulu que les âges futurs gardassent le souvenir de leur bienfaitrice. La manière dont le mot Vikani est écrit et la circonstance que, pour la moitié du second siècle, il n'y avait plus de prêtres ou prêtresses flamines, font remonter la date des deux dernières inscriptions aux années 116-117 de l'ère chrétienne, c'est-àdire à la fin du règne de Trajan.

Mais la prospérité d'Eburodunum n'était pas uniquement due à la présence de sa garnison, à ses bains et à la protection de hauts personnages. La position de la ville placée entre les Gaules et la capitale de l'Helvétie, sur la route de Besançon à Avenches, au bord d'un lac, était très-propre à y favoriser les entreprises commerciales. Elle pouvait servir d'entrepôt aux marchandises qui devaient être transportées à Aventicum et à Noidelonex ville qui, selon l'opinion de plusieurs historiens, occupait l'emplacement actuel de Neuchâtel. Il n'est donc pas étonnant que la navigation sur le lac prît dès les premiers temps un grand développement. Outre ce commerce de transit qui dut puissamment contribuer à la prospérité de la ville

de campagne romaines qui, à en juger par les antiquités recueillies sur les lieux, devaient appartenir à d'opulents personnages. Les mosaïques découvertes près d'Orbe, à Mordagne, à Cheyre, aux bains d'Yverdon, près de Pomy, etc, faisaient sans doute partie de demeures splendides, et l'on peut dire que la plupart des villages qui nous avoisinent, Rances, Valeyre, Ursins, Pomy, etc., doivent leur origine aux familles romaines qui s'y étaient fixées pour y faire cultiver les terres qu'elles avaient acquises par droit de conquête. Il est à présumer que Julia Festilla résidait dans l'une des localités que nous avons indiquées.

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