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Dès l'origine, la vallée fut divisée en deux paroisses, d'Ernen et de Conches (Munster) qui sont qualifiées aussi de communautés 1. Elles se sectionnèrent peu à peu, tant au point de vue administratif qu'à l'ecclésiastique. Binn fut, grâce à son éloignement, le premier à obtenir l'autonomie religieuse et forma une paroisse filiale d'Ernen 2. C'était aussi un des quartiers de la commune d'Ernen, qui en comprenait cinq, tandis que Munster en avait quatre 3. Ces subdivisions se fractionnèrent à leur tour pour donner les communes actuelles, qui sont traitées de telles longtemps avant qu'on puisse affirmer qu'elles étaient réellement indépendantes, quand ce n'étaient peut-être que des groupements momentanés, par exemple, à l'occasion du paiement des redevances à la mense épiscopale 4 ou à d'autres seigneurs. Les Bauernzünfte sont la première forme de l'organisation communale. La délimitation territoriale qui était à leur base ne se fit pas sans tiraillements 5. Dans la zone d'exploitation agricole privée, les titres de propriété étaient assez précis. Mais au sujet des biens communs, les contestations furent nombreuses et interminables. Souvent plusieurs communes jouissaient du même pâturage ou de la même forêt. Le partage fournit matière à maint procès. La colère gonflait le cœur du vaincu; il

1 La paroisse du Bas s'étendait plus loin que la forêt de Fiesch qui forme la limite naturelle; elle comprenait encore Blitzingen. La majorie d'Ernen revendiqua même Selkingen.

2 Elle date de 1298.

3 Les cinq quartiers d'Ernen étaient: Ernen avec Niederernen, Muhlibach, Steinhaus et Ausserbinn; la vallée de Binn; Lax et Fiesch; Bellwald et la vallée de Fiesch; Niederwald et Blitzingen; ceux de Munster étaient le Comté, Selkingen, Biel, Ritzingen et Gluringen qui avaient leur juge particulier; Reckingen; Munster avec Geschenen; Ulrichen avec Obergestelen, Oberwald et Unterwasser.

* Comme l'indique pour Fiesch l'accord du 8 février 1376 (Gremaud, o. c. VI. p. 8-11) entre les gens de cette localité et les religieuses du Mont-de-Grâce

5 Elle n'est pas complètement achevée à l'heure qu'il est. Les communes de Munster et de Geschenen ne font encore qu'une pour l'usage des forêts et alpages.

Agents de groupement.

se persuadait que son adversaire ne l'avait emporté que par des manoeuvres malhonnêtes; il l'accusait de restrictions mentales dans les serments qu'il avait prononcés 1;

1

Il y eut aussi des luttes avec les voisins d'outre-monts, en particulier avec ceux de l'Ossola, des vals Antigorio et Formazza, des vallons de la Diveria et du Devero 2. Des dissentiments politiques s'y greffaient, auxquels des traités en bonne et due forme mettaient fin. Mais les bergers n'en tenaient nul compte et continuaient leurs chicanes: pâtures illégales, embuscades, razzias de bétail, vengeances à main armée.

Le territoire de chaque commune comprend aujourd'hui des prairies et des terres à labour, plus haut des forêts, des pâturages sur les croupes et dans les vallons latéraux. Dans le Haut-Conches, il s'étend sur les deux rives du Rhône. Ces bandes parallèles, d'ailleurs d'inégale largeur, se rétrécissent à l'extrême dans le Centre où les villages sont très proches; même, elles ne s'avancent pas bien loin sur l'un des versants. Dans le Bas, les territoires s'alignent en deux files séparées par le fleuve. Ces configurations correspondent à la disposition des sites habités.

Abondante partout, l'eau n'a pas en Conches d'influence restrictive sur le groupement de la population. Ce qui a déterminé celle-ci dans le choix de son séjour, c'est la présence et la qualité de la terre arable, l'orientation favorable, une sécurité relative à l'égard des dévastations des éléments. La valeur différente attribuée, suivant les lieux,

1 Il l'accusait d'avoir rempli ses chaussures de la terre de son champ pour pouvoir certifier sans parjure qu'il était sur la terre de sa commune. Cette accusation avec des variantes se retrouve à Visperterminen, etc.

2 Gingins la Sarra, Indépendance du Haut-Valais, p. 20-21.

3 La superficie moyenne du territoire d'une commune concharde est de 25,2 kilomètres carrés.

4 L'altitude n'a pas de rôle différentiel; les villages s'échelonnent en pente douce du Bas au Haut-Conches. Douze communes (sur 21) ont leur centre (église, maison de commune ou école) entre 1300 et 1400 mètres.

à chacun de ces trois facteurs est la cause des différents types d'emplacement qui se présentent en Conches.

La plaine marécageuse du Haut-Conches 1 ne porte que de médiocres prairies. Les céréales, les pommes de terre, les plantes textiles sont confinées à une étroite zone qui longe le pied de la montagne; encore y sont-elles exposées, au printemps, à des gelées néfastes, toute l'année à des vents violents qui soufflent de la Furka et du Grimsel. Ces conditions excluent une population agricole nombreuse. Les inondations, les eaux torrentielles, les avalanches dessinent un réseau de lignes dangereuses. L'homme hésite à se fixer; il essaie un emplacement, il se transporte ailleurs; il n'y a pas cinquante ans que le dernier des hameaux entourant Ulrichen a cessé d'être habité. Après la catastrophe de 1720, les survivants d'Obergestelen songèrent à quitter un site si menacé. Sans les vastes prairies basses et les pâturages plus étendus encore de cette région, sans les routes alpestres qui y convergent, rien n'aurait retenu une population dans le Haut-Conches. Il a fallu s'y terrer, comme à Oberwald, Ulrichen, Geschenen, quand on ne fuyait pas un danger pour en affronter un autre, comme à Unterwasser et à Obergestelen. Nulle part, on ne trouve tant de travaux de défense: « paravalanches» au-dessus d'Unterwasser, d'Obergestelen, d'Ulrichen, de Geschenen, mur-abri à l'église d'Oberwald, digues rudimentaires le long du Rhône, du cours inférieur de l'Elme, de l'Egine. Beaucoup d'habitants émigrent comme ceux de Geren, d'Obergestelen, de Geschenen, ou choisissent un genre de vie plus facile et plus tranquille, comme les gens d'Ulrichen, qui s'engagent nombreux dans la garde papale.

1 Le nom de Haut-Conches s'applique souvent à tout le pays en amont de la forêt de Fiesch. Il est pris ici dans un sens restreint.

2 P. Am Herd, o. c., p. 202.

De Geschenen à Niederwald, le relief s'accidente de nombreux cônes de déjection, grands et petits; le développement n'en peut être noté par une carte à projection orthogonale; la superficie de la région arable en est accrue dans la proportion la plus forte. Les dépôts torrentiels et autres fournissent une terre très ameublie et plus riche en principes féconds. Les récoltes sont belles : le climat plus doux permet de diminuer la place donnée à l'orge et d'augmenter celle du seigle et du froment; les jardins, les vergers ne sont plus rebelles à la production; l'agriculture gagne en importance, la densité de la population devient plus forte. Les villages trouvent un emplacement favorable dans l'angle formé par les bords du cône et le talus de la montagne, les éléments dévastateurs ne le menacent qu'exceptionnellement. Grâce à la déclivité du sol, les eaux ont un écoulement facile, les maisons se haussant les unes au-dessus des autres, se chauffent au soleil. Quoiqu'un des villages les plus élevés du pays, Munster est fort prospère. L'étendue de son cône est cause de sa richesse; son rôle historique, son choix comme chef-lieu religieux et politique s'expliquent par sa situation sur une hauteur. Reckingen n'est guère moins important; deux vals profonds, le Blinnen et le Bächi, avec les deux cônes sur lesquels ils débouchent, ont attiré ses habitants à la fois sur l'une et l'autre rive. C'est le seul village conchard qui enjambe le fleuve, et le pont couvert qui en relie les deux parties est déjà mentionné par les voyageurs et géographes du XVIe siècle 1. Mais le quartier de la rive gauche est moins recherché, les habitants en sont moins riches 2, sans doute à cause du danger plus grand des inondations et de l'orientation moins. favorable. Pour la même raison, Bodmen, plus en aval,

1 Stumpf, o. c., p. 240-241.

2 Cf. Lugeon, Peuplement de la vallée du Rhône en Valais, p. 9

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Eglise d'Oberwald, avec son éperon protecteur.

A droite de l'église un mur massif en forme de V doit fendre l'avalanche et la rejeter sur les

deux côtés.

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