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surtout pour la religion, de la part de ces disciples de Voltaire et de Rousseau ? Réunis à Naters 1 pendant l'hiver de 1798-1799, les dixains supérieurs décidaient la résistance; quelques mois après, une expédition poussait jusqu'au Trient ; là elle rencontra l'armée française qui la ramena en arrière. Les Haut-Valaisans furent battus le 28 mai au bois de Finges; ils furent battus le 1er juin au pont de la Massa; malgré l'arrivée des Autrichiens débouchant par le col du Nufenen, ils furent battus le 2 juin à Lax. Les réquisitions exorbitantes des Français qui cantonnèrent dans la vallée, les escarmouches continuelles entre Français et Autrichiens, les dévastations des alliés aussi bien que des ennemis, conduisirent en peu de temps les Conchards à une telle misère qu'elle émut même les plus impitoyables de leurs adversaires. Bas-Valaisans, Vaudois, Français même s'occupèrent à soulager tant de malheur 300 orphelins furent recueillis dans les dixains inférieurs.

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De ce jour, le rôle politique de Conches était terminé : la domination française plus ou moins manifeste au temps. de la République valaisane (1802-1810) et du Département du Simplon (1810-1815), l'accession des Bas Valaisans au gouvernement (1815), surtout l'établissement de la représentation proportionnelle à la population (1839) y mirent fin. Fidèle à ses principes d'autrefois, Conches forma tout récemment un nouveau parti dont le but était d'augmenter les prérogatives populaires aux dépens des privilèges des Messieurs de Sion, mais le mouvement avorta, une fois son chef admis aux honneurs; et après ce dernier soubresaut, le dixain rentra dans le parti conservateur-clérical auquel il a appartenu pendant tout le XIXe siècle.

1 Grenat. o. c. p. 498, sqq.

2 A Ulrichen seulement, village de moins de 300 âmes, les contributions en viande, blé, avoine, pain, fromage et beurre, s'élevèrent à la somme de 1726 couronnes. P. Am Herd. Denkwürdigkeiten von Ulrichen, p. 140.

Si ce n'est pas encore la mort, c'est le sommeil qui en est l'image. A la barrière des montagnes s'ajoute celle des mœurs pour défendre l'accès du pays aux idées nouvelles, au progrès; aucune industrie, aucune usine qui stimule l'activité de son entourage; trop de gens qui n'ont jamais eu d'autre horizon que celui de leur vallée; la moquerie, la malveillance attendent celui qui cherche à s'arracher à cette torpeur; la routine des occupations agricoles, de la vie communautaire dont tous les détails sont réglés d'avance est comme un opium sous l'influence duquel s'endort la population concharde.

CHAPITRE X

Les routes.

Quelque variées que soient les cultures de la vallée de Conches, quelque ingéniosité qu'y mette le paysan à produire lui-même tout ce dont il a besoin pour se loger, se vètir, se nourrir, il est des objets de pressante nécessité qu'il ne trouve pas chez lui: ainsi le sel. L'acquisition de ce condiment indispensable détermina l'établissement de relations commerciales entre Conches et les pays producteurs ceux-ci. la France et le Milanais, fournissaient le sel à des conditions d'autant plus favorables qu'ils désiraient obtenir en retour divers avantages politiques. Les guerres du Milanais eurent une répercussion jusque sur le commerce du sel, chacun des adversaires enchérissant sur ses offres pour s'attacher le Valais.

D'autres denrées suivirent la même voie que le sel. Le vin, les fruits, plus tard le riz entraient d'Italie en Conches qui exportait en retour ses céréales et ses pommes de terre, le fromage de ses montagnes, son bétail. Une partie des échanges se faisait par Mörel où se tenait une foire aux bestiaux de lointaine renommée. Mais cette route, importante au point de vue politique, puisqu'elle menait en Valais, ne fut guère employée que par le commerce local, d'autant plus qu'elle était pénible et exposée à de continuels dégâts par le Rhône, à des inondations et à des avalanches. Il en fut de même de la route de la Furka, à l'autre extrémité de la vallée. Ce dernier col était fréquenté

Nécessité du

commerce.

Transit transalpin.

depuis le xive siècle : une fois qu'Urseren fut tombé entre les mains des Uranais, il devint le point de contact avec le territoire des Waldstetten; les rapports commerciaux se doublèrent d'alliances politiques. Un accord conclu en 15311 entre la diète valaisane et l'ammann, le conseil et la communauté d'Urseren au sujet des péages et des droits. de voiturage et de transport sur la Furka, montre qu'il y avait là un chemin au moins partiellement carrossable. Les pièces de canon prises à la bataille de Cappel en 1531 purent être amenées en Valais par cette voie ; mais elle était défectueuse sur plusieurs points, et les Conchards durent en 1540 demander à la diète une subvention pour la réparer; ils obtinrent 40 écus 3. La modicité de ces ressources, les difficultés et les dangers du tracé ne permirent pas de l'améliorer suffisamment ; le caractère sauvage de la contrée qu'elle parcourait en détournait aussi bien des marchands et des voyageur. Au sortir d'Oberwald, il fallait s'engager dans la gorge sombre et profonde que la haute muraille de la Maienwand barre à sa partie supérieure et que le Rhône remplit de son mugissement. On longeait ensuite le glacier du Rhône qu'on quittait bientôt pour grimper par le ravin du Muttbach jusqu'au col. Pendant 7 heures de marche on n'apercevait aucune habitation, et la vallée d'Urseren, terme du voyage, dévastée par l'homme et par les éléments, semblait un désert

encore.

Au contraire, l'homme du Nord, le montagnard qui traversaient la chaîne lépontine par un des nombreux cols qui la dentèlent allaient de merveilles en merveilles: le bleu éclatant du ciel, la douceur du climat, la richesse de la végétation sud-alpine, l'exubérance de la population, tout le séduisait. Les Confédérés se laissèrent tenter et conqui

1 Hensler. Rechtsquellen des Cantons Wallis, p. 57.

2 Grenat. Histoire moderne du Valais, P. 5.

3 Grenat. o. c. p. 40.

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Maison datant de 1576, décorée d'une fresque représentant l'épisode de Guillaume Tell visant la pomme sur la tête de son fils.

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